[FRONTISPICE] §
de
l’imposture
et tromperie des
Diables, Devins, Enchan-
teurs, Sorciers, Noueurs
d’aiguillettes, Chevilleurs, Nécromanciens,
Chiromanciens, et autres qui par telle
in-
vocation Diabolique, ars Magiques et Su-
perstitions abusent le peuple.
Par Pierre
Massé
du Mans,
Advocat.
A Paris
Chez Jean Poupy, ruë S.
Jaques
à la Bible d'Or.
MDLXXIX.
Avec Privilege du Roy.
Livre premier.
Des jeux et autres observations séculières retenues de l’ancien
Paganisme.
Chapitre 22. §
En ce sermon combien que Saint AugustinI ne fasse pas mention
spéciale de toutes sortes de divinations (pour être chose trop longue, et prolixe, et qui
eût bien requis un œuvre à part) si est-ce qu’il ne laisse pas et entend les reprendre
sous celles qui y sont nommées. Ce que nous pouvons aussi inférer par argument de
similitude et exemples. Outre cela il reprend aussi toutes mauvaises coutumes et
observations des Gentils et Païens, sous le nom aussi de quelques-unes qu’aucuns Chrétiens
retenaient de son temps, et ne pouvaient oublier du paganisme. Or combien que lui et tous
les autres saints docteurs aient eu beau prêcher, si n’ont-ils su tant faire qu’il ne nous
en soit bien demeuré des vestiges et reliques lesquelles nous avons retenues par les
désirs que nous avons des choses mondaines et séculières, qui nous sont plus plaisantes et
agréables que la pureté, intégrité, et simplicité de notre religion, comme est la coutume
de donner et planter des arbres le premier jour de Mai, de donner les étrennes au premier
jour de l’an, qui ne serait pas paraventure mauvaise chose [f. 101v] sinon qu’en
ce faisant nous suivons la mauvaise coutume des Gentils, et comme eux donnons plutôt à
ceux qui n’en ont aucun besoin qu’à ceux qui ont indigence. De même nous observons leurs
fêtes Saturnales, autrement Libérales, les Bacchanales, Lupercales, et Florales, sinon à
mêmes jours au moins à autres èsquelsII nous faisons toutes les mêmes choses ou la plupart de ce qu’ils
faisaientΚρονοβωμ en Lucien.. Es Saturnales
qui se faisaient en vendanges, les maîtres licenciaient leurs serviteurs de tout faire et
tout dire, et même de les brocarder. A cela n’avons-nous pas vu faire quelque chose de
semblable de notre temps même aux collèges d’Eglise où les enfants de chœur et les
chantres célébraient la fêtes aux fols. Quant aux Bacchanales, Florales et Lupercales il y
en a assez qui les observent toute la nuit. Ce sont des Rogers-bontempsIII
desquels parle Job disant : « Leurs enfants sortent comme troupeaux à l’ébat, et
pour jouer ils ont le tambourin, la guiterne, et se réjouissent au son des chalumeaux.
Ils démènent leurs jours en réjouissance, mais tout à coup ils descendent aux
enfersIV.
» Ceux
qui ne peuvent pas mener ce train, ou qui ne veulent pas tant se débaucher pour vaquer aux
affaires de ménages et à leur avarice, ont toutefois, quelques jours propres et dédiés à
notre monde pour célébrer ces bonnes fêtes. Et [f. 102]principalement entre autres
la Saint Martin, les Rois, et carême prenant. Auxquels jours nous n’oublions rien de tous
jeux et ébats séculiers jadis inventés par les Gentils : de bouffons mathassinsV, mômeries, mascarades, toutes sortes de danses, comédies,
fables ou farces, comme nous disons, par lesquelles on représente comme ès Florales, sinon
de fait au moins de paroles, de signes, gestes, et de substance choses vilaines, et
déshonnêtes qui ne peuvent qu’aviser, induire, et inciter les personnes à ce faire, à la
première occasion qui s’y offre. Telle débauche se fait aussi bien souvent ès autres
fêtes. Il y en a qui sont toujours de loisir à ce faire, ou rien qui vaille, ou bien ils
le prennent très volontiers. Les fêtes de l’Eglise qui avaient été premièrement bien et
saintement ordonnées et instituées pour vaquer en icelles seulement au service divin, ou
pour faire commémoration des saints afin d’imiter la bonne vie d’iceux en cessant des
œuvres séculières, ont été employées à celles-là qui ne sont bonnes à jour quelconque.
Pour le service de Dieu elles ont été appliquées au service du diable, qui a gagné ce
point contre Dieu sur les hommes qu’il a converti les fêtes de Dieu aux siennes. Comme
sont les marchés, et les foires qui s’y font, auxquelles plusieurs vont plutôt porter ou
acheter de la [f. 102v] marchandise, que pour prière et dévotion à quoi ils ne
songent pas seulement. Autres qui n’y vont pour vendre, ni pour acheter y vont toutefois,
par curiosité pour y voir seulement la Foire et l’assemblée pour y manger, boire, danser,
rager et faire joyeuse chère, et pour y attraper ou décevoir quelques pauvres filles qui y
vont aussi bien souvent pour se faire regarder et rechercher afin d’y avoir quelque chose.
Je n’aurais jamais fait, ni déclaré tous les abus qui s’y font, et ne sais que je pourrais
dire qui s’y fait bien. Car quant au service des prêtres peu le font en vraie dévotion,
les uns le font d’une pompe et bravade, et de gloire s’écoutent et se regardent comme si
le service de Dieu gisait à faire bonne et grosse mine. Autres le font sans cérémonie
légèrement, ou lourdement, et comme par acquis. Le principal c’est d’avoir dit et chanté,
et au reste d’aller faire bonne chère, et rire un petit les uns avec les autres. De même
fait-on aux processions : ce que Saint Augustin blâme aigrement, et à bon droit quand il
parle des convives et banquets qui se font à certains arbres, et à certaines fontaines.
Comme il y a èsdites processions des maisons et des lieux dédiés, selon le plaisir et
commodité d’un chacun, où il s’en fait aussi lesquels ne seraient mauvais, sinon que
plusieurs y vont seulement pour cela, et aiment mieux y avoir perdu la Messe, et tout le
service qu’un déjeuner. Cela se fait aussi [f. 103]aucunefois sous quelques arbres
à la mode gentileVI, sur
les fontaines et ruisseaux, ès prairies bien vertes, et ès bocages, ou quelques autres
lieux propres à mettre les personnes gaiement plutôt qu’à dévotion. Et Dieu sait si on va
parlant comme les pèlerins d’Emmaüs de la Passion et de la Résurrection de Jésus-Christ.
Je crois que bien souvent on y peut parler de l’incarnation : mais non pas de la sienne.
Et à ce propos aussi, ès Constitutions des ApôtresEs Constitution des Apôtres, chap. 36 du livre
7., il est dit et déclaré pourquoi Dieu nous a ordonné les fêtes : savoir est,
pour la réjouissance bonne de nos âmes, réduisant en mémoire la nativité de notre Seigneur
faite par nous, semblablement sa Passion et Résurrection, et ainsi des autres. Lesquelles
fêtes et le Sabbat (au lieu duquel nous avons aujourd’hui le Dimanche) n’ont été
commandées de Dieu comme il est là dit pour nous donner occasion de ne faire rien, mais
seulement de piété : savoir est, pour connaître et penser à la puissance de Dieu, et à
éviter le mal. La loi dit, Saint IrénéeSaint Irénée,
chap. 19 du 4e livre Contre les hérésies. commandait qu’on
s’abstînt de tout œuvre servile, c’est-à-dire de toute avarice qui se fait par
négociation, et tout affaire terrien : ainsVII admonestait qu’on fît les œuvres de l’âme qui s’y font par
sentences et bons propos, pour aide et édification de ceux qui sont proches. Et pourtant
Jésus-Christ reprenait ceux qui lui faisaient reproche qu’il guérissait ès jours du
Sabbat. Mais au lieu [f. 103v]desdites bonnes œuvres, les hommes prennent plutôt
les mauvaises appartenances aux fausses religions. On en voit assez qui aimeront mieux un
jour de Dimanche ou autre fête, aller à quelque bon déjeuner, jouer à la paume ou à l’ébat
aux champs, qu’être au service et à la Grand-Messe. Autant en font-ils du Sermon et de
Vêpres. Ils iront plutôt voir des bâteleurs ou autres jeux qui dépendent du diable, comme
dit ici monsieur Saint Pierre en ces mots pris de Saint ClémentSaint Clément, livre 4 des Recognitions..
Plusieurs mauvaises et vagantes religions ont été introduites, auxquelles la plupart des
hommes par occasion des fêtes s’est adonnée y ordonnant des tavernes, convisVIII et
banquets, flûtes, chalumeaux, guiternes et autres diverses espèces de musique, se livrant
eux-mêmes à toute ivrongnerie et luxure. De là jadis est venu le commencement et progrès
de tout erreur. De là furent consacrés aux diables les bois et les autels par les Gentils.
De là leur furent données, les couronnes, et les sacrifices leur furent faits, et après y
avoir bien bu, les hommes ivres s’y démenaient comme gens troublés de leurs sens, et qui
étant alors possédés des diables, commencèrent les danses furieuses de Bacchus. Avons-nous
pas vu assez faire de telles fêtes même ès principales villes de ce Royaume qui y durent
jusques à minuit. Il y a plusieurs autres erreurs et abus, que monsieur Saint Pierre
déclare là plus [f. 104]au long, desquels nous en tenons et observons aussi
quelques-uns. Pour lesquels et pour tous ceux que j’ai dits ci-dessus, à bon droit Dieu
nous dit aujourd’hui tout ce que s’ensuit. Je ne veux point de vos néoméniesIX, de votre Sabbat, ni de toutes
vos autres fêtes : vos assemblées sont iniques, mon âme hait vos Calandes et vos
solemnités, elles m’ont été fâcheuses et ennuyeuses, j’ai travaillé à les endurer. La fête
et le jour de Dieu ne sont-ils pas ténèbres et non lumière ? ne sont-ils pas obscurité et
non splendeur ? Je hais et rejette vos fêtes, je ne prendrai point, je ne recevrai point
l’odeur de vos assemblées. Dieu nous peut dire cela aujourd’huy, pource que tout ce que
les Prophètes ont dit anciennement aux peuples d’Israël et des Juifs, est aussi dit à nous
et pour l’instruction de nous qui sommes surrogésX au lieu d’eux, pour être à Dieu son peuple péculier, si nous
ne persévérons à nous séparer d’avec lui par ces œuvres profanes et sacrilèges. Dieu nous
dit aussi assez cela aujourd’hui par les Prédicateurs qui nous réfèrent tous les jours les
mêmes paroles des Prophètes. Davantage il le nous dit par effet, montrant qu’il ne fait
pas grand compte de nos fêtes, lesquelles il a fait tous les jours cesser du tout en
plusieurs lieux, sans qu’il se soucie de les y remettre, et ès autres il les a bien
souvent troublées, et interrompues. Aussi comme il dit quelque part : il [f. 104v]n’a que faire de notre service, il refuse nos fêtes, nous admonestant, dit Saint
IrénéeSaint Irénée au livre 4 Contre les
hérésies., faire plutôt les choses qui sont salutaires.
« Lavez-vous (dit-il), soyez nets et mondesXI, ôtez les
méchancetés de vos cœurs devant mes yeux, cessez à faire mal, apprenez et
accoutumez-vous à faire bien. Cherchez jugement ou justice, tirez d’ennui celui qui
souffre par envie, faites droit à l’orphelin, et justice à la veuve, et puis venez
disputer et vous plaindre de moiChap. 33 Esaïe.
[Isaïe, 33, 15]XII.>
. » Quelque amateur immodéré des jeux, pourra pour la défense
d’iceux alléguer des passages et exemples de l’écriture sainte, et même ès jours de fêtes
et solemnités. Il est écrit (dira-t-ilAu 2e livre des
Rois, 6XIII.) que David et
tout le peuple jouaient devant le Seigneur de toutes sortes d’instruments : et qu’icelui
dansant sautant de joie fut moqué de sa femme Michol, laquelle moquerie fut autant
désagréable à Dieu, comme David jouant lui avait été agréable. Cela appertXIV manifestement et l’histoire
le déclare assez qui dit, que pour peine et punition de cela, Michol ne fut trouvée digne
d’avoir enfants. Les Béthuliens firent grande fête après la mort, fuite et défaite des
gens d’HolopherneJudith, 16. [16, 20]., laquelle
dura trois mois en toute allégresse et réjouissance publique. Il ne faut pas douter qu’en
icelle, après et avec les louanges à Dieu on ne fît des banquets et convis, de belles
assemblées ès places des jeunes et des vieux, ensemble des devises et des charollesXV de filles avec {p. 105}instruments et chansons comme avaient jadis fait MoïseExod., 15XVI., les Israëlites et leurs femmes conduites d’Anne la sœur
dudit Moïse et d’Aaron. Et comme les femmes qui aussi jadis avaient sorti des villes à la
rencontre de Saül et de David retournant de la victoire de Goliath et des PhilistinsAu premier livre des Rois, 18XVII.. Il dit aussi que les Juifs ayant
eu permission de retourner de leur transmigration en Jérusalem et de la réédifier, en
retournant avaient toutes sortes d’instruments, avec lesquels ils allaient se jouant et
ébattantAu 3e chap. d’Esdras 2XVIII.. Et comme pour la dureté de
leurs péchés, Dieu leur avait dit qu’il leur ôtait la voix de joyeuseté et réjouissance,
la voix de l’époux et de l’épouseEn Baruch, 2. [2,
22-23].. Quant et quant en Jérémie promettant cette réduction et réédification de
Jérusalem, entre autres choses prospères et joyeuses qu’il promet aussi, il dit ceci :
« Et tu seras encore ornée de tes tambourins, et tous les frères seront
s’ébattant et jouant. La vierge se réjouira alors en danse, ensemble les jeunes et les
vieux, etc.En Jérémie, 30 et 31 [31,4]XIX..
» De même Zacharie dit :
« Encore les hommes vieux et les femmes anciennes seront ès places de Jérusalem
et leur verra-t-on porter le bâton pour leur vieillesse. Et les places de la cité seront
toutes remplies d’enfants et de filles, jouant et s’ébattantEn Zacharie, 8. [8, 4-5]..
» Tout cela est bon et bien
allegué moyennant qu’on l’entende sainement. Car il n’y faut pas rien penser de mal,
vilain, deshonnête et dissolu, tout en doit être référé à [f. 105v]honnêteté :
comme celui des filles qui disent jeu sans mal et sans vilénie. S’il y a du mal, de la
vilénie, du dolXX, de la tricherie et de l’avarice, ce n’est plus jeu, il perd son nom –
au moins sa nature. Comme ce beau jeu dont il est parlé au second des Rois chapitre
deuxième où on se rompt la tête et s’entretue-t-on à bon escient2e livre des Rois chap. 2XXI.. Tels sont les tournois,
jeux d’escrime et autres semblables où cela advient bien souvent de propos délibéré ou
autrement, pource queXXII la nature de tels jeux n’est point de s’entrechatouiller. Il y a aussi des
joueurs desquels le jeu ne plaît qu’à eux, pource qu’ils font toujours mal. De telles
manières de gens Salomon entend parler disant : « Le fol malin fait le mal comme en
riantEs Proverbes 10. [10, 23]..
»
Autant en dit l’Ecclésiastique : « Les contes des pécheurs sont odieux et leur ris
est en mal faire et en péchéEcclésiastique, 27. [27,
13..
» Il y en a qui, après avoir fait mal, voulant excuser leur jeu à
ceux qui ne le peuvent trouver bon, disent (comme dit encore Salomon) : « Je le
faisais en me jouantEs Proverbes 26XXIII.
. »
Ailleurs parlant d’eux et de ceux qu’on appelle vulgairement Rogers-bontemps dit :
« Mais aussi ils ont estimé que notre vie n’était que ébat, et que notre
conversation était composée ou accommodée à gain, et pourtant qu’il était loisible
d’acquérir de quelque part que ce fût et même du malSapience, 15XXIV..
» Cela même
touche Saint Paul attribuant ce jeu malin, volupteux, ou avaricieux avec toute autre
avarice à vraie IdolâtrieEn Exode 30XXV..
« Ne soyez pas faits [f. 106] Idolâtres (dit-il) comme ceux-là desquels il est écrit,
» Tel pouvait être le jeu d’Israël, auquel il induisait Isaac. Ce
que ne trouvant pas bon Sara requit Abraham son mari de le chasser avec la mèreGenèse, 21. [21, 9]XXVI.. L’autre Sara femme du jeune Tobie pleurant devant Dieu pour les
accidents qui lui étaient advenus, à cause des injures et reproches que lui avait faites
une mauvaise chambrière, l’appelait à témoin de son honnêteté, et que son cœur était
chaste, pudique et non adonné à aucune folie et légèreté : et disait qu’elle ne s’était
jamais mêlée avec ceux qui jouaientEn Tobit 3. [3,
14-15]XXVII. Autant en disait Jérémie de
soi-même. « "le peuple s’assit pour
manger et pour boire, puis ils se levèrent pour jouer
"Saint Paul en la 1e épître aux Corinthiens, chap. 10 [10,
7]..Je ne me suis point assis, dit-il, en
l’assemblée des joueursEn Jérémie 5. [15,
17]..
» Quelque mignon se voulant chatouiller et mettre en excusant son
jeu, dira qu’il y a différence entre lui et un prophète ou religieux, lequel dira ne
devoir aucunement jouer pource qu’il a renoncé à toute mondanité. Mais je lui demanderai
s’ils se peuvent passer de boire, manger, ou de dormir. Ce sont encore choses du monde
auxquelles il n’osent dire qu’ils eussent renoncé, et qu’elles ne soient nécessaires. Le
jeu et récréation honnête n’est pas guère moins nécessaireXXVIII. Aucuns le prennent à se promener, les
autres à deviser et à rire honnêtement. Saint Antoine (père et auteur des moines), lequel
a mené une vie si austère et si sainte, fut trouvé un jour ès déserts d’Egypte avec aucuns
de ses [f. 106v] moines par un certain seigneur Arabe allant à la chasse, faire
telles récréations honnêtes desquelles ledit seigneur Arabe voulant quasi se scandaliser
fut tout à l’heure satisfait par ledit Saint AntoineSaint Justin en l’Epître qu’il écrit à Zenas et Sérénus baille une règle et institution
de bien vivre au Chrétien, et lui permet d’user d’ébat et raillerie honnête et civile
pour adoucir ou recréer celui qui est naturellement chagrin et fâcheux. : lequel
voyant ledit Seigneur garni d’un arc et d’une bonne quantité de flèches le pria d’en tirer
un coup, puis deux, trois, et jusqu’à ce qu’il n’en eût plus, tant que ledit Seigneur
s’ennuyant de tant décocher lui demanda pourquoi il le faisait tant tirer sans se reposer.
Alors il lui fit réponse qu’ainsi était de la récréation qu’il faisait quelquefois avec
ses religieux, afin qu’après avoir vaqué à Oraisons, dévotions et austérité ils eussent
quelque consolation et relâchement d’espritSaint
Athanase en la Vie de Saint Antoine.. Ce n’est pas pour excuser
ceux qui jouent aux jeux de hasard, lesquels étant défendus sont encore beaucoup plus
indécents de ses personnes religieuses, qu’autres, je ne sais si je dois référer les jeux
du tablierXXIX, èsquels il y a du hasard et de l’esprit ou
industrie, mais Apollonius ancien écrivain ecclésiastique et docteSaint Jérôme en fait mention lorsqu’il parle dudit Apollonius au
Catalogue des écrits ecc[lésiastiques]., les réprouve et quant et quantXXX
les échetXXXI et les reproche à Priscile et Maximile
femmes Montanistes, qui se vantaient avoir l’esprit de Prophétie, et par cela et autres
choses il les accuse et convainc comme de mensonge. Je dirai encore et pour fin, qu’ès
jeux la qualité d’iceux et des personnes, ne les rend pas seulement mauvais mais aussi le
tropXXXII, ou importunité
de ceux qui [f. 107] autrement ne seraient pas mauvais : car il faut qu’il y ait
une grande modéranceXXXIII et qu’ils soient faits par nécessité comme nous avons dit du dormir
et non pas si souvent, parce qu’il n’est pas tant nécessaire. J’ai pris occasion au sermon
de monsieur Saint Augustin de dire en passant au simple chrétien quelque chose des abus
qui se font ès jeux, afin qu’étant averti d’en fuir aucuns, comme une espèce d’idolâtrie
qui dépend et qui vient des anciennes observations et coutumes des Gentils, il soit aussi
modéré ès autres qui en bien, ou mal usant, peuvent être licites ou illicites, et surtout
y fuir les occasions de mal qui en viennent comme d’avarice, d’immodérée et folle dépense,
de gourmandise et ivrognerie, de paillardise, de tromperie, de larcin, de risées, noises,
débat, querelles, jurements et blasphèmes du nom de Dieu, de batteries, de meurtres et
plusieurs autres méchancetés et pauvretés. A la fête de la Circoncision (qui est le
premier jour de l’an) les leçons de matines sont prises d’une Homélie de MaximeXXXIV anciennement Evêque de Trènes, celui qui tint longtemps caché chez
lui Saint Athanase fugitif d’Alexandrie, laquelle Homélie il a faite des Calendes de
Janvier, y reprenant toutes les observations Gentiles qu’aucuns Chrétiens retenaient et
imitaient encore des deux espèces dont nous venons de parler, savoir est et de divination,
et des jeux mondains et [f. 107v]séculiers, faisant mention entre autres des
déguisements qu’on fait des sexes, savoir est des hommes en femmes et des femmes en
hommes, et autres : mais on peut voir aujourd’hui que ce sont les moindres maux qu’on y
commet. J’ai voulu annoter ceci pour montrer toujours davantage que sans propos, je n’ai
pas ajouté ce chapitre au précédent et inséré en ce traité pour la connexité que les
matières ont l’une avec l’autre, et qu’en cela je n’ai rien fait qu’auteurs graves n’aient
premièrement fait, retournons maintenant à nos divinations.