Préface §
{p. 5}Rien ne ressemble moins que nous aux marquis couverts d’habits brodés et de grandes perruques noires, coûtant mille écus, qui jugèrent, vers 1670, les pièces de Racine et de Molière.
Ces grands hommes cherchèrent à flatter le goût de ces marquis, et travaillèrent pour eux.
Je prétends qu’il faut désormais faire des tragédies pour nous, jeunes gens raisonneurs, sérieux et un peu envieux de l’an de grâce 1823. Ces tragédies-là doivent être en prose. De nos jours, le vers alexandrin n’est le plus souvent qu’un cache-sottise.
Les règnes de Charles VI, de Charles VII, du noble François Ier, doivent être féconds pour nous en tragédies nationales d’un intérêt profond et durable. Mais comment peindre avec quelque vérité les catastrophes sanglantes narrées par Philippe de Comines, et la chronique scandaleuse de Jean de Troyes, si le mot pistolet ne peut absolument pas entrer dans un vers tragique ?
La poésie dramatique en est en France au point où le célèbre David trouva la peinture vers 1780. Les premiers essais de ce génie audacieux furent dans le genre vaporeux et fade des Lagrenée, des Fragonard et des Vanloo. Il {p. 6}fit trois ou quatre tableaux fort applaudis. Enfin, et c’est ce qui lui vaudra l’immortalité, il s’aperçut que le genre niais de l’ancienne école française ne convenait plus au goût sévère d’un peuple chez, qui commençait à se développer la soif des actions énergiques. M. David apprit à la peinture à déserter les traces des Lebrun et des Mignard, et à oser montrer Brutus et les Horaces. En continuant à suivre les errements du siècle de Louis XIV, nous n’eussions été, à tout jamais, que de pâles imitateurs.
Tout porte à croire que nous sommes à la veille d’une révolution semblable en poésie. Jusqu’au jour du succès, nous autres défenseurs du genre romantique, nous serons accablés d’injures. Enfin ce grand jour arrivera, la jeunesse française se réveillera ; elle sera étonnée, cette noble jeunesse, d’avoir applaudi si longtemps, et avec tant de sérieux, à de si grandes niaiseries.
Les deux articles suivants, écrits en quelques heures, et avec plus de zèle que de talent, ainsi que l’on ne s’en apercevra que trop, ont été insérés dans les numéros 9 et 12 du Paris Monthly Review.
Éloigné, par état, de toute prétention littéraire, l’auteur a dit sans art et sans éloquence ce qui lui semble la vérité.
{p. 7}Occupé toute sa vie d’autres travaux, et sans titres d’aucune espèce pour parler de littérature, si malgré lui ses idées se revêtent quelquefois d’apparences tranchantes, c’est que, par respect pour le public, il a voulu les énoncer clairement et en peu de mots.
Si, ne consultant qu’une juste défiance de ses forces, l’auteur eût entouré ses observations de l’appareil inattaquable de ces formes dubitatives et élégantes, qui conviennent si bien à tout homme qui a le malheur de ne pas admirer tout ce qu’admirent les gens en possession de l’opinion publique, sans doute alors les intérêts de sa modestie eussent été parfaitement à couvert, mais il eût parlé bien plus longtemps, et par le temps qui court, il faut se presser, surtout lorsqu’il s’agit de bagatelles littéraires.
Chapitre premier.
Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? §
{p. 9}Cette question semble usée en France, et cependant l’on n’y a jamais entendu que les arguments d’un seul parti ; les journaux les plus divisés par leurs opinions politiques, la Quotidienne, comme le Constitutionnel, ne se montrent d’accord que pour une seule chose, pour proclamer le théâtre français, non seulement le premier théâtre du monde, mais encore le seul raisonnable. Si le pauvre romanticisme avait une réclamation à faire entendre, tous les journaux de toutes les couleurs lui seraient également fermés.
Mais cette apparente défaveur ne nous effraie nullement, parce que c’est une affaire de parti. Nous y répondons par un seul fait :
Quel est l’ouvrage littéraire qui a le plus réussi en France depuis dix ans ?
Les romans de Walter Scott.
{p. 10}Qu’est-ce que les romans de Walter Scott ?
De la tragédie romantique, entremêlée de longues descriptions.
On nous objectera le succès des Vêpres siciliennes, du Paria, des Machabées, de Regulus.
Ces pièces font beaucoup de plaisir ; mais elles ne font pas un plaisir dramatique. Le public, qui ne jouit pas d’ailleurs d’une extrême liberté, aime à entendre réciter des sentiments généreux exprimés en beaux vers.
Mais c’est là un plaisir épique, et non pas dramatique. Il n’y a jamais ce degré d’illusion nécessaire à une émotion profonde. C’est par cette raison ignorée de lui-même, car à vingt ans, quoi qu’on en dise, l’on veut jouir, et non pas raisonner, et l’on fait bien ; c’est par cette raison secrète que le jeune public du second théâtre français se montre si facile sur la fable des pièces qu’il applaudit avec le plus de transports. Quoi de plus ridicule que la fable du Paria, par exemple ? cela ne résiste pas au moindre examen. Tout le monde a fait cette critique, et cette critique n’a pas pris. Pourquoi ? c’est que le public ne veut que de beaux vers. Le public va chercher au théâtre français actuel une suite d’odes bien pompeuses, et d’ailleurs exprimant avec force des sentiments généreux. Il suffit qu’elles soient amenées par {p. 11}quelques vers de liaison. C’est comme dans les ballets de la rue Pelletier ; l’action doit être faite uniquement pour amener de beaux pas, et pour motiver, tant bien que mal, des danses agréables.
Je m’adresse sans crainte à cette jeunesse égarée, qui a cru faire du patriotisme et de l’honneur national en sifflant Shakspeare, parce qu’il fut Anglais. Comme je suis rempli d’estime pour des jeunes gens laborieux, l’espoir de la France, je leur parlerai le langage sévère de la vérité.
Toute la dispute entre Racine et Shakspeare se réduit à savoir si, en observant les deux unités de lieu et de temps on peut faire des pièces qui intéressent vivement des spectateurs du dix-neuvième siècle, des pièces qui les fassent pleurer et frémir, ou, en d’autres termes, qui leur donnent des plaisirs dramatiques, au lieu des plaisirs épiques qui nous font courir à la cinquantième représentation du Paria ou de Régulus.
Je dis que l’observation des deux unités de lieu et de temps est une habitude française, habitude profondément enracinée habitude dont nous nous déferons difficilement, parce que Paris est le salon de l’Europe, et lui donne le ton ; mais je dis que ces unités ne sont nullement {p. 12}nécessaires à produire l’émotion profonde et le véritable effet dramatique.
Pourquoi exigez-vous, dirai-je aux partisans du classicisme, que l’action représentée dans une tragédie ne dure pas plus de vingt-quatre ou de trente-six heures, et que le lieu de la scène ne change pas, ou que du moins, comme le dit Voltaire, les changements de lieu ne s’étendent qu’aux divers appartements d’un palais ?
L’Académicien. — Parce qu’il n’est pas vraisemblable qu’une action représentée en deux heures de temps, comprenne la durée d’une semaine ou d’un mois, ni que, dans l’espace de peu de moments, les acteurs aillent de Venise en Chypre, comme dans l’Othello de Shakspeare ; ou d’Écosse à la cour d’Angleterre, comme dans Macbeth.
Le Romantique. — Non seulement cela est invraisemblable et impossible ; mais il est impossible également que l’action comprenne vingt-quatre ou trente-six heures 1.
L’Académicien. — À Dieu ne plaise que nous {p. 13}ayons l’absurdité de prétendre que la durée fictive de l’action doive correspondre exactement avec le temps matériel employé pour la représentation. C’est alors que les règles seraient de véritables entraves pour le génie. Dans les arts d’imitation, il faut être sévère, mais non pas rigoureux. Le spectateur peut fort bien se figurer que, dans l’intervalle des entr’actes, il se passe quelques heures, d’autant mieux qu’il est distrait par les symphonies que joue l’orchestre.
Le Romantique. — Prenez garde à ce que vous dites, Monsieur, vous me donnez un avantage immense ; vous convenez donc que le spectateur peut se figurer qu’il se passe un temps plus considérable que celui pendant lequel il est assis au théâtre. Mais, dites-moi, pourra-t-il se figurer qu’il se passe un temps double du temps réel, triple, quadruple, cent fois plus considérable ? Où nous arrêterons-nous ?
L’Académicien. — Vous êtes singuliers, vous autres philosophes modernes ; vous blâmez les poétiques, parce que, dites-vous, elles enchaînent le génie ; et actuellement vous voudriez que la règle de l’unité de temps, pour être plausible, fût appliquée par nous avec toute la {p. 14}rigueur et toute l’exactitude des mathématiques. Ne vous suffit-il donc pas qu’il soit évidemment contre toute vraisemblance que le spectateur puisse se figurer qu’il s’est passé un an, un mois, ou même une semaine, depuis qu’il a pris son billet, et qu’il est entré au théâtre ?
Le Romantique. — Et qui vous a dit que le spectateur ne peut pas se figurer cela ?
L’Académicien. — C’est la raison qui me le dit.
Le Romantique. — Je vous demande pardon ; la raison ne saurait vous l’apprendre. Comment feriez-vous pour savoir que le spectateur peut se figurer qu’il s’est passé vingt-quatre heures, tandis qu’en effet il n’a été que deux heures assis dans sa loge, si l’expérience ne vous l’enseignait ? Comment pourriez-vous savoir que les heures, qui paraissent si longues à un homme qui s’ennuie, semblent voler pour celui qui s’amuse, si l’expérience ne vous l’enseignait ? En un mot, c’est l’expérience seule qui doit décider entre vous et moi.
L’Académicien. — Sans doute, l’expérience.
Le Romantique. — Hé bien ! l’expérience a déjà parlé contre vous. En Angleterre, depuis {p. 15}deux siècles ; en Allemagne depuis cinquante ans, on donne des tragédies dont l’action dure îles mois entiers, et l’imagination des spectateurs s’y prête parfaitement.
L’Académicien. — La, vous me citez des étrangers, et des Allemands encore !
Le Romantique. — Un autre jour, nous parlerons de cette incontestable supériorité que le Français en général, et en particulier l’habitant de Paris, a sur tous les peuples du monde. Je vous rends justice, cette supériorité est de sentiment chez vous ; vous êtes des despotes gâtés par deux siècles de flatterie. Le hasard a voulu que ce soit vous, Parisiens, qui soyez chargés de faire les réputations littéraires en Europe ; et une femme d’esprit, connue par son enthousiasme pour les beautés de la nature, s’est écrié, pour plaire aux Parisiens : « Le plus beau ruisseau du monde, c’est le ruisseau de la rue du Bac. »
Tous les écrivains de bonne compagnie, non seulement de la France, mais de toute l’Europe, vous ont flattés pour obtenir de vous en échange un peu de renom littéraire ; et ce que vous appelez sentiment intérieur, évidence morale, n’est autre chose que l’évidence morale d’un enfant gâté, en d’autres termes, l’habitude de la flatterie.
Mais revenons. Pouvez-vous me nier que l’habitant {p. 16}de Londres ou d’Édimbourg, que les compatriotes de Fox et de Shéridan, qui peut-être ne sont pas tout à fait des sots, ne voient représenter, sans en être nullement choqués, des tragédies telles que Macbeth, par exemple ? Or, cette pièce, qui, chaque année, est applaudie un nombre infini de fois en Angleterre et en Amérique, commence par l’assassinat du roi et la fuite de ses fils, et finit par le retour de ces mêmes princes à la tête d’une armée qu’ils ont rassemblée en Angleterre, pour détrôner le sanguinaire Macbeth. Cette série d’actions exige nécessairement plusieurs mois.
L’Académicien. — Ah ! vous ne me persuaderez jamais que les Anglais et les Allemands, tout étrangers qu’ils soient, se figurent réellement que des mois entiers se passent, tandis qu’ils sont au théâtre.
Le Romantique. — Comme vous ne me persuaderez, jamais que des spectateurs français croient qu’il se passe vingt-quatre heures, tandis qu’ils sont assis à une représentation d’Iphigénie en Aulide.
L’Académicien (impatienté). — Quelle différence !
Le Romantique. — Ne nous fâchons pas, et {p. 17}daignez observer avec attention ce qui se passe dans votre tête. Essayez d’écarter pour un moment le voile jeté par l’habitude, sur des actions qui ont lieu si vite, que vous en avez presque perdu le pouvoir de les suivre de l’œil et de les voir se passer. Entendons-nous sur ce mot illusion. Quand on dit que l’imagination du spectateur se figure qu’il se passe le temps nécessaire pour les événements que l’on représente sur la scène, on n’entend pas que l’illusion du spectateur aille au point de croire tout ce temps réellement écoulé. Le fait est que le spectateur entraîné par l’action, n’est choqué de rien ; il ne songe nullement au temps écoulé. Votre spectateur parisien voit à sept heures précises Agamemnon réveiller Arcas ; il est témoin de l’arrivée d’Iphigénie ; il la voit conduire à l’autel où l’attend le jésuitique Calchas ; il saurait bien répondre, si on le lui demandait, qu’il a fallu plusieurs heures pour tous ces événements. Cependant, si, durant la dispute d’Achille avec Agamemnon, il tire sa montre, elle lui dit : huit heures et un quart. Quel est le spectateur qui s’en étonne ? Et cependant la pièce qu’il applaudit a déjà duré plusieurs heures.
C’est que même votre spectateur parisien est accoutumé à voir le temps marcher d’un pas {p. 18}différent sur la scène et dans la salle. Voilà un fait que vous ne pouvez me nier.
Il est clair que, même à Paris, même au théâtre français de la rue de Richelieu, l’imagination du spectateur se prête avec facilité aux suppositions du poète. Le spectateur ne fait naturellement nulle attention aux intervalles de temps dont le poète a besoin, pas plus qu’en sculpture il ne s’avise de reprocher à Dupaty ou à Bosio que leurs figures manquent de mouvement. C’est là une des infirmités de l’art. Le spectateur, quand il n’est pas un pédant, s’occupe uniquement des faits et des développements de passions que l’on met sous ses yeux. Il arrive précisément la même chose dans la tête du Parisien qui applaudit Iphigénie en Aulide, et dans celle de l’Écossais qui admire l’histoire de ses anciens rois, Macbeth et Duncan. La seule différence, c’est que le Parisien, enfant de bonne maison, a pris l’habitude de se moquer de l’autre.
L’Académicien. — C’est-à-dire que, suivant vous, l’illusion théâtrale serait la même pour tous deux ?
Le Romantique. — Avoir des illusions, être dans l’illusion, signifie se tromper, à ce que dit le dictionnaire de l’Académie. Une illusion, {p. 19}dit M. Guizot, est l’effet d’une chose ou d’une idée qui nous déçoit par une apparence trompeuse. Illusion signifie donc l’action d’un homme qui croit la chose qui n’est pas, comme dans les rêves, par exemple. L’illusion théâtrale, ce sera l’action d’un homme qui croit véritablement existantes les choses qui se passent sur la scène.
L’année dernière (août 1822), le soldat qui était en faction dans l’intérieur du théâtre de Baltimore, voyant Othello qui, au cinquième acte de la tragédie de ce nom, allait tuer Desdemona, s’écria : « Il ne sera jamais dit qu’en ma présence, un maudit nègre aura tué une femme blanche. »
Au même moment le soldat tire son coup de fusil, et casse un bras à l’acteur qui faisait Othello. Il ne se passe pas d’années sans que les journaux ne rapportent des faits semblables. Eh bien ! ce soldat avait de l’illusion, croyait vraie l’action qui se passait sur la scène. Mais un spectateur ordinaire, dans l’instant le plus vif de son plaisir, au moment où il applaudit avec transport Talma-Manlius disant à son ami : « Connais-tu cet écrit ? »
par cela seul qu’il applaudit, n’a pas l’illusion complète, car il applaudit Talma, et non pas le romain Manlius ; Manlius ne fait rien de digne d’être applaudi, {p. 20}son action est fort simple et tout à fait dans son intérêt.
L’Académicien. — Pardonnez-moi, mon ami ; mais ce que vous me dites là est un lieu commun.
Le Romantique. — Pardonnez-moi, mon ami ; mais ce que vous me dites là est la défaite d’un homme qu’une longue habitude de se payer de phrases élégantes a rendu incapable de raisonner d’une manière serrée.
Il est impossible que vous ne conveniez pas que l’illusion que l’on va chercher au théâtre n’est pas une illusion parfaite. L’illusion parfaite était celle du soldat en faction au théâtre de Baltimore. Il est impossible que vous ne conveniez pas que les spectateurs savent bien qu’ils sont au théâtre, et qu’ils assistent à la représentation d’un ouvrage de l’art, et non pas à un fait vrai.
L’Académicien. — Qui songe à nier cela ?
Le Romantique. — Vous m’accordez donc l’illusion imparfaite ? Prenez garde à vous.
Croyez-vous que, de temps en temps, par exemple, deux ou trois fois dans un acte, et à chaque fois durant une seconde ou deux, l’illusion soit complète ?
{p. 21}L’Académicien. — Ceci n’est point clair. Pour vous répondre, j’aurais besoin de retourner plusieurs fois au théâtre, et de me voir agir.
Le Romantique. — Ah ! voilà une réponse charmante et pleine de bonne foi. On voit bien que vous êtes de l’Académie, et que vous n’avez plus besoin des suffrages de vos collègues pour y arriver. Un homme qui aurait à faire sa réputation de littérateur instruit, se donnerait bien de garde d’être si clair et de raisonner d’une manière si précise. Prenez garde à vous ; si vous continuez à être de bonne foi, nous allons être d’accord.
Il me semble que ces moments d’illusion parfaite sont plus fréquents qu’on ne le croit, en général, et surtout qu’on ne l’admet pour vrai dans les discussions littéraires. Mais ces moments durent infiniment peu ; par exemple, une demi-seconde, ou un quart de seconde. On oublie bien vite Manlius pour ne voir que Talma : ils ont plus de durée chez les jeunes femmes, et c’est pour cela qu’elles versent tant de larmes à la tragédie.
Mais recherchons dans quels moments de la tragédie le spectateur peut espérer de rencontrer ces instants délicieux d’illusion parfaite.
Ces instants charmants ne se rencontrent ni au {p. 22}moment d’un changement de scène, ni au moment précis où le poète fait sauter douze ou quinze jours au spectateur, ni au moment où le poète est obligé de placer un long récit dans la bouche d’un de ses personnages, uniquement pour informer le spectateur d’un fait antérieur, et dont la connaissance lui est nécessaire, ni au moment où arrivent trois ou quatre vers admirables, et remarquables comme vers.
Ces instants délicieux et si rares d’illusion parfaite ne peuvent se rencontrer que dans la chaleur d’une scène animée, lorsque les répliques des acteurs se pressent ; par exemple, quand Hermione dit à Oreste, qui vient d’assassiner Pyrrhus par son ordre :
Qui te l’a dit ?
Jamais on ne trouvera ces moments d’illusion parfaite, ni à l’instant où un meurtre est commis sur la scène, ni quand des gardes viennent arrêter un personnage pour le conduire en prison. Toutes ces choses, nous ne pouvons les croire véritables, et jamais elles ne produisent d’illusion. Ces morceaux ne sont faits que pour amener les scènes durant lesquelles les spectateurs rencontrent ces demi-secondes si délicieuses ; or, je dis que ces courts moments d’illusion parfaite se trouvent plus souvent dans les {p. 23}tragédies de Shakspeare que dans les tragédies de Racine.
Tout le plaisir que l’on trouve au spectacle tragique dépend de la fréquence de ces petits moments d’illusion, et de l’état d’émotion où, dans leurs intervalles, ils laissent l’âme du spectateur.
Une des choses qui s’opposent le plus à la naissance de ces moments d’illusion, c’est l’admiration, quelque juste qu’elle soit d’ailleurs, pour les beaux vers d’une tragédie.
C’est bien pis, si l’on se met à vouloir juger des vers d’une tragédie. Or, c’est justement là la situation de l’âme du spectateur parisien, lorsqu’il va voir, pour la première fois, la tragédie si vantée du Paria.
Voilà la question du Romanticisme réduite à ses derniers termes. Si vous êtes de mauvaise foi, ou si vous êtes insensible, ou si vous êtes pétrifié par Laharpe, vous me nierez mes petits moments d’illusion parfaite.
Et j’avoue que je ne puis rien vous répondre. Vos sentiments ne sont pas quelque chose de matériel que je puisse extraire de votre propre cœur, et mettre sous vos yeux pour vous confondre.
Je vous dis : Vous devez avoir tel sentiment en ce {p. 24}moment ; tous les hommes généralement bien organisés éprouvent tel sentiment en ce moment. Vous me répondrez : pardonnez-moi le mot, cela n’est pas vrai.
Moi, je n’ai rien à ajouter. Je suis arrivé aux derniers confins de ce que la logique peut saisir dans la poésie.
L’Académicien. — Voilà une métaphysique abominablement obscure ; et croyez-vous, avec cela, faire siffler Racine ?
Le Romantique. — D’abord, il n’y a que des charlatans qui prétendent enseigner l’algèbre sans peine, ou arracher une dent sans douleur. La question que nous agitons est une des plus difficiles dont puisse s’occuper l’esprit humain.
Quant à Racine, je suis bien aise que vous ayez nommé ce grand homme. L’on a fait de son nom une injure pour nous ; mais sa gloire est impérissable. Ce sera toujours l’un des plus grands génies qui aient été livrés à l’étonnement et à l’admiration des hommes. César en est-il un moins grand général, parce que, depuis ses campagnes contre nos ancêtres les Gaulois, on a inventé la poudre à canon ? Tout ce que nous prétendons, c’est que si César retenait au monde, son premier soin serait d’avoir du canon dans son armée. Dira-t-on que Catinat ou Luxembourg sont de plus grands capitaines que César, parce qu’ils avaient un parc d’artillerie, et prenaient en trois jours des places qui auraient arrêté les légions Romaines pendant un mois ? Ç’aurait été un beau raisonnement à faire à François Ier à Marignan, que de lui dire : Gardez-vous de vous servir de votre artillerie, César n’avait pas de canons ; est-ce que vous vous croiriez plus habile que César ?
Si des gens d’un talent incontestable, tels que MM. Chénier, Lemercier, Delavigne, eussent osé s’affranchir des règles dont on a reconnu l’absurdité depuis Racine, ils nous auraient donné mieux que Tibère, Agamemnon ou les Vêpres siciliennes. Pinto n’est-il pas cent fois supérieur à Clovis, Orovèse, Cyrus, ou telle autre tragédie fort régulière de M. Lemercier ?
Racine ne croyait pas que l’on pût faire la tragédie autrement. S’il vivait de nos jours, et qu’il osât suivre les règles nouvelles, il ferait cent fois mieux qu’Iphigénie. Au lieu de n’inspirer que de l’admiration, sentiment un peu froid, il ferait couler des torrents de larmes. Quel est l’homme un peu éclairé, qui n’a pas plus de plaisir à voir aux Français la Marie Stuard de M. Lebrun que le Bajazet de Racine ? Et pourtant les vers de M. Lebrun sont bien faibles ; l’immense différence dans la quantité de plaisir vient de ce que M. Lebrun a osé être à demi-romantique.
{p. 26}L’Académicien. — Vous avez parlé longtemps ; peut-être avez-vous bien parlé, mais vous ne m’avez pas convaincu du tout.
Le Romantique. — Je n’y attendais. Mais aussi voilà un entr’acte un peu long qui va finir, la toile se relève. Je voulais chasser l’ennui en vous mettant un peu en colère. Convenez que j’ai réussi.
Ici finit le dialogue des deux adversaires, dialogue dont j’ai été réellement témoin au parterre de la rue Chantereine, et dont il ne tiendrait qu’à moi de nommer les interlocuteurs. Le Romantique était poli ; il ne voulait pas pousser l’aimable académicien, beaucoup plus âgé que lui ; autrement il aurait ajouté : Pour pouvoir encore lire dans son propre cœur, pour que le voile de l’habitude puisse se déchirer, pour pouvoir se mettre en expérience pour les moments d’illusion parfaite dont nous parlons, il faut encore avoir l’âme susceptible d’impressions vives, il faut n’avoir pas quarante ans.
Nous avons des habitudes ; choquez ces habitudes, et nous ne serons sensibles pendant longtemps qu’à la contrariété qu’on nous donne. Supposons que Talma se présente sur la scène, et joue Manlius avec les cheveux poudrés à blanc et arrangés en ailes de pigeon, nous {p. 27}ne ferons que rire tout le temps du spectacle. En sera-t-il moins sublime au fond ? Non ; mais nous ne verrons pas ce sublime. Or, Lekain eût produit exactement le même effet en 1760, s’il se fût présenté sans poudre pour jouer ce même rôle de Manlius. Les spectateurs n’auraient été sensibles pendant toute la durée du spectacle qu’à leur habitude choquée. Voilà précisément où nous en sommes en France pour Shakspeare. Il contrarie un grand nombre de ces habitudes ridicules que la lecture assidue de Laharpe et des autres petits rhéteurs musqués du dix-huitième siècle nous a fait contracter. Ce qu’il y a de pis, c’est que nous mettons de la vanité à soutenir que ces mauvaises habitudes sont fondées dans la nature.
Les jeunes gens peuvent revenir encore de cette erreur d’amour-propre. Leur âme étant susceptible d’impressions vives, le plaisir peut leur faire oublier la vanité ; or, c’est ce qu’il est impossible de demander à un homme de plus de quarante ans. Les gens de cet âge à Paris ont pris leur parti sur toutes choses, et même sur des choses d’une bien autre importance que celle de savoir si, pour faire des tragédies intéressantes en 1825, il faut suivre le système de Racine ou celui de Shakspeare.
Chapitre II.
Le Rire §
Que ferez-vous, Monsieur, du nez d’un marguillier ?
Regnard.
{p. 28}Un prince d’Allemagne, connu par son amour pour les lettres, vient de proposer un prix pour la meilleure dissertation philosophique sur le rire. J’espère que le prix sera remporté par un Français. Ne serait-il pas ridicule que nous fussions vaincus dans cette carrière ? Il me semble que l’on fait plus de plaisanteries à Paris pendant une seule soirée, que dans toute l’Allemagne en un mois.
C’est cependant en allemand qu’est écrit le programme concernant le rire. Il s’agit d’en faire connaître la nature et les nuances ; il faut répondre clairement et nettement à cette question ardue : Qu’est-ce que le rire ?
Le grand malheur, c’est que les juges sont des Allemands ; il est à craindre que quelques demi-pensées disséminées élégamment en vingt pages de phrases académiques et de périodes savamment cadencées, ne paraissent que du {p. 29}vide à ces juges grossiers. C’est un avertissement que je crois devoir à ces jeunes écrivains simples avec tant de recherche, naturels avec tant de manière, éloquents avec si peu d’idées.
La gloire du distique et l’espoir du quatrain.
Ici il faut trouver des idées, ce qui est assurément fort impertinent. Ces Allemands sont si barbares !
Qu’est-ce que le rire ? Hobbes répond : Cette convulsion physique que tout le monde connaît, est produite par la vue imprévue de notre supériorité sur autrui.
Voyez passer ce jeune homme paré avec tant de recherche : il marche sur la pointe du pied, sur sa figure épanouie se lisent également et la certitude des succès, et le contentement de soi-même ; il va au bal, le voilà déjà sous la porte cochère, encombrée de lampions et de laquais ; il volait au plaisir, il tombe et se relève couvert de boue de la tête aux pieds ; ses gilets, jadis blancs et d’une coupe si savante, sa cravate nouée si élégamment, tout cela est rempli d’une boue noire et fétide. Un éclat de rire universel sort des voitures qui suivaient la sienne ; le Suisse sur sa porte se tient les côtés, la foule des laquais rit aux larmes et fait cercle autour du malheureux.
{p. 30}Il faut que le comique soit exposé avec clarté : il est nécessaire qu’il y ait une vue nette de notre supériorité sur autrui.
Mais cette supériorité est une chose si futile et si facilement anéantie par la moindre réflexion, qu’il faut que la vue nous en soit présentée d’une manière imprévue.
Voici donc deux conditions du comique : la clarté et l’imprévu.
Il n’y a plus de rire, si le désavantage de l’homme aux dépens duquel on prétendait nous égayer, nous fait songer, dès le premier moment, que nous aussi nous pouvons rencontrer le malheur.
Que le beau jeune homme qui allait au bal, et qui est tombé dans un tas de boue, ait la malice, en se relevant, de traîner la jambe et de faire soupçonner qu’il s’est blessé dangereusement, en un clin d’œil le rire cesse, et fait place à la terreur.
C’est tout simple, il n’y a plus jouissance de notre supériorité, il y a au contraire vue du malheur pour nous ; en descendant de voiture, je puis aussi me casser la jambe.
Une plaisanterie douce fait rire aux dépens du plaisanté ; une plaisanterie trop bonne ne fait plus rire, on frémit en songeant à l’affreux malheur du plaisanté.
{p. 31}Voilà deux cents ans que l’on fait des plaisanteries en France ; il faut donc que la plaisanterie soit très fine, autrement on l’entend dès le premier mot, partant plus d’imprévu.
Autre chose : il faut que j’accorde un certain degré d’estime à la personne aux dépens de laquelle on prétend me faire rire. Je prise beaucoup le talent de M. Picard ; cependant, dans plusieurs de ses comédies, les personnages destinés à nous égayer ont des mœurs si basses que je n’admets aucune comparaison d’eux à moi ; je les méprise parfaitement aussitôt qu’ils ont dit quatre phrases. On ne peut plus rien m’apprendre de ridicule sur leur compte.
Un imprimeur de Paris avait fait une tragédie sainte, intitulée : Josué. Il l’imprima avec tout le luxe possible, et l’envoya au célèbre Bodoni, son confrère, à Parme. Quelque temps après, l’imprimeur-auteur fit un voyage en Italie ; il alla voir son ami Bodoni : « Que pensez-vous de ma tragédie de Josué ? — Ah ! que de beautés ! — Il vous semble donc que cet ouvrage me vaudra quelque gloire ? — Ah ! cher ami, il vous immortalise. — Et les caractères, qu’en dites-vous ? — Sublimes et parfaitement soutenus, surtout les majuscules. »
Bodoni, enthousiaste de son art, ne voyait, dans la tragédie de son ami, que la beauté des {p. 32}caractères d’imprimerie. Ce conte me fit rire beaucoup plus qu’il ne le mérite. C’est que je connais l’auteur de Josué et l’estime infiniment ; c’est un homme sage, de bonnes manières et même d’esprit, rempli de talent pour le commerce de la librairie. Enfin je ne lui vois d’autres défauts qu’un peu de vanité, justement la passion aux dépens de laquelle la naïve réponse de Bodoni me fait rire.
Le rire fou que nous cueillons sur le Falstaff de Shakspeare lorsque dans son récit au prince Henri (qui fut depuis le fameux roi Henri V), il s’enfile dans le conte des vingt coquins sortis des quatre coquins en habit de Bougran, ce rire n’est délicieux que parce que Falstaff est un homme d’infiniment d’esprit et fort gai. Nous ne rions guère au contraire des sottises du père Cassandre ; notre supériorité sur lui est une chose trop reconnue d’avance.
Il entre de la vengeance d’ennui dans le rire qui nous est inspiré par un fat comme M. Maclou de Beaubuisson (du Comédien d’Étampes).
J’ai remarqué que dans la société, c’est presque toujours d’un air méchant, et non pas d’un air gai, qu’une jolie femme dit d’une autre femme qui danse : Mon Dieu, qu’elle est ridicule ! Traduisez ridicule par odieuse.
Après avoir ri comme un fou ce soir de M. Maclou de Beaubuisson, fort bien joué par Bernard-Léon, je pensais que j’avais senti, confusément peut-être, que cet être ridicule avait pu inspirer de l’amour à de jolies femmes de province, qui, à leur peu de goût près, auraient pu faire mon bonheur. Le rire d’un très joli garçon qui aurait des succès à foison, n’aurait pas eu peut-être la nuance de vengeance que je croyais remarquer dans le mien.
Comme le ridicule est une grande punition parmi les Français, ils rient souvent par vengeance. Ce rire-là ne fait rien à l’affaire, ne doit pas entrer dans notre analyse ; il fallait seulement le signaler en passant. Tout rire affecté, par cela seul ne signifie rien, c’est comme l’opinion de l’abbé Morellet en faveur des dîmes et du prieuré de Thimer.
Il n’est personne qui ne connaisse cinq ou six cents excellents contes qui circulent dans la société : l’on rit toujours à cause de la vanité désappointée. Si le conte est fait d’une manière trop prolixe, si le conteur emploie trop de paroles, et s’arrête à peindre trop de détails, l’esprit de l’auditeur devine la chute vers laquelle on le conduit trop lentement ; il n’y a plus de rire, parce qu’il n’y a plus d’imprévu.
Si, au contraire, le conteur sabre son histoire, {p. 34}et se précipite vers le dénouement, il n’y a pas rire, parce qu’il n’y a pas l’extrême clarté qu’il faut. Remarquez que très souvent le narrateur répète deux fois les cinq ou six mots qui font le dénouement de son histoire ; et, s’il sait son métier, s’il a l’art charmant de n’être ni obscur ni trop clair, la moisson de rire est beaucoup plus considérable à la seconde répétition qu’à la première.
L’Absurde, poussé à l’extrême, fait souvent rire, et donne une gaîté vive et délicieuse. Tel est le secret de Voltaire dans sa diatribe du docteur Akakia, et dans ses autres pamphlets. Le docteur Akakia, c’est-à-dire Maupertuis, dit lui-même les absurdités qu’un malin pourrait se permettre pour se moquer de ses systèmes. Ici je sens bien qu’il faudrait des citations ; mais je n’ai pas un seul livre français dans ma retraite de Montmorency. J’espère que la mémoire de mes lecteurs, si j’en ai, voudra bien se rappeler ce volume charmant de leur édition de Voltaire, intitulé Facéties, et dont je rencontre souvent dans le Miroir des imitations fort agréables.
Voltaire porta au théâtre cette habitude de mettre dans la bouche même des personnages comiques la description vive et brillante du ridicule qui les travaille, et ce grand homme dut être bien surpris de voir que personne ne riait. C’est {p. 35}qu’il est par trop contre nature qu’un homme se moque si clairement de soi-même. Quand dans la société nous nous donnons des ridicules exprès, c’est encore par excès de vanité, nous volons ce plaisir à la malignité des gens dont nous avons excité l’envie.
Mais fabriquer un personnage comme Fier-en-Fat, ce n’est pas peindre les faiblesses du cœur humain, c’est tout simplement faire réciter, à la première personne, les phrases burlesques d’un pamphlet, et leur donner la vie.
N’est-il pas singulier que Voltaire, si plaisant dans la satire et dans le roman philosophique, n’ait jamais pu faire une scène de comédie qui fit rire ? Carmontelle, au contraire, n’a pas un proverbe où l’on ne trouve ce talent. Il avait trop de naturel, ainsi que Sédaine ; il leur manquait l’esprit de Voltaire, qui, en ce genre, n’avait que de l’esprit.
Les critiques étrangers ont remarqué qu’il y a toujours un fond de méchanceté dans les plaisanteries les plus gaies de Candide et de Zadig. Le riche Voltaire se plaît à clouer nos regards sur la vue des malheurs inévitables de la pauvre nature humaine.
La lecture de Shlegel et de Dennis m’a porté au mépris des critiques français, Laharpe, Geoffroy, Marmontel, et au mépris de tous les critiques. {p. 36}Ces pauvres gens, impuissants à créer, prétendent à l’esprit, et ils n’ont point d’esprit. Par exemple, les critiques français proclament Molière le premier des comiques présents, passés et futurs. Il n’y a là-dedans, de vrai, que la première assertion. Assurément Molière, homme de génie, est supérieur à ce benêt qu’on admire dans les Cours de littérature, et qui s’appelle Destouches.
Mais Molière est inférieur à Aristophane.
Seulement, le comique est comme la musique : c’est une chose dont la beauté ne dure pas. La comédie de Molière est trop imbibée de satire, pour me donner souvent la sensation du rire gai, si je puis parler ainsi. J’aime à trouver, quand je vais me délasser au théâtre, une imagination folle qui me fasse rire comme un enfant.
Tous les sujets de Louis XIV se piquaient d’imiter un certain modèle, pour être élégants et de bon ton, et Louis XIV lui-même fut le dieu de cette religion. Il y avait un rire amer, quand on voyait son voisin se tromper dans l’imitation du modèle. C’est là toute la gaîté des Lettres de Madame de Sévigné. Un homme, dans la comédie ou dans la vie réelle, qui se fût avisé de suivre librement, et sans songer à rien, les élans d’une imagination folle, au lieu de faire {p. 37}rire la société de 1670, eût passé pour fou2.
Molière, homme de génie, s’il en fût, a eu le malheur de travailler pour cette société-là.
Aristophane au contraire entreprit de faire rire une société de gens aimables et légers qui cherchaient le bonheur par tous les chemins. Alcibiade songeait fort peu, je crois, à imiter qui que ce fût au monde ; il s’estimait heureux quand il riait, et non pas quand il avait la jouissance d’orgueil de se sentir bien semblable à Lauzun, à d’Antin, à Villeroy, ou à tel autre courtisan célèbre de Louis XIV.
Nos cours de littérature nous ont dit au collège que l’on rit à Molière, et nous le croyons, parce que nous restons toute notre vie, en France, des hommes de collège pour la littérature. J’ai entrepris d’aller à Paris toutes les fois que l’on donne aux Français des comédies de Molière ou d’un auteur estimé. Je marque avec un crayon, sur l’exemplaire que je tiens à la main, les endroits précis où l’on rit, et de quel genre est ce rire. L’on rit par exemple quand un acteur prononce le mot de lavement ou de mari {p. 38}trompé ; mais c’est le rire par scandale ; ce n’est pas celui que Laharpe nous annonce.
Le 4 décembre 1822, l’on donnait le Tartufe ; Mlle Mars jouait ; rien ne manquait à la fête. Eh bien ! dans tout le Tartufe on n’a ri que deux fois, sans plus, et encore fort légèrement. L’on a plusieurs fois applaudi à la vigueur de la satire ou à cause des allusions ; mais on n’a ri, le 4 décembre,
1º. Que quand Orgon, parlant à sa fille Mariane de son mariage avec Tartufe (IIe acte), découvre Dorine près de lui, qui l’écoute ;
2º. L’on a ri, dans la scène de brouille et de raccommodement entre Valère et Mariane, à une réflexion maligne que Dorine fait sur l’amour.
Étonné qu’on eût si peu ri à ce chef-d’œuvre de Molière, j’ai fait part de mon observation à une société de gens d’esprit : ils m’ont dit que je me trompais.
Quinze jours après je retourne à Paris pour voir Valérie ; l’on donnait aussi les Deux Gendres, comédie célèbre de M. Étienne. Je tenais mon exemplaire et mon crayon à la main : l’on n’a ri exactement qu’une seule fois ; c’est quand le gendre, conseiller d’état, et qui va être ministre, dit au petit cousin qu’il a lu son placet. Le spectateur rit, parce qu’il a fort bien vu le petit cousin déchirer ce placet, qu’il arrache des mains d’un laquais auquel le conseiller d’état l’a remis {p. 39}sans le lire.
Si je ne me trompe, le spectateur sympathise avec la venue de rire fou que le petit cousin dissimule, par honnêteté, en s’entendant faire des compliments sur le contenu d’un placet qu’il sait bien avoir déchiré sans qu’on l’ait lu. J’ai dit à mes gens d’esprit qu’on n’avait ri que cette seule fois aux Deux Gendres ; ils m’ont répondu que c’était une fort bonne comédie, et qui avait un grand mérite de composition. Ainsi soit-il ! mais le rire n’est donc pas nécessaire pour faire une fort bonne comédie française.
Serait-ce par hasard qu’il faut simplement un peu d’action fort raisonnable, mêlée a une assez, forte dose de satire, le tout coupé en dialogue, et traduit en vers alexandrins spirituels, faciles et élégants ? Les Deux Gendres écrits en vile prose, auraient-ils pu réussir ?
Serait-ce que, comme notre tragédie n’est qu’une suite d’odes3 entremêlées de narrations épiques4, que nous aimons à voir déclamer {p. 40}à la scène par Talma ; de même, notre comédie ne serait, depuis Destouches et Collin d’Harleville, qu’une épître badine, fine, spirituelle, que nous aimons à entendre lire, sous forme de dialogue, par Mlle Mars et Damas5 ?
Nous voici bien loin du rire, me dira-t-on ; vous faites un article de littérature ordinaire, comme M. C. dans le feuilleton des Débats.
Que voulez-vous ? c’est que, bien que je ne sois pas encore de la société des Bonnes lettres, je suis un ignorant, et de plus j’ai entrepris de parler sans avoir une idée ; j’espère que cette noble audace me fera recevoir aux Bonnes lettres.
Ainsi que le dit fort bien le programme allemand, le rire exige réellement, pour être connu, une dissertation de 150 pages, et encore faut-il que cette dissertation soit plutôt {p. 41}écrite en style de chimie, qu’en style d’académie.
Voyez ces jeunes filles dans cette maison d’éducation, dont le jardin est sous vos fenêtres ; elles rient de tout. Ne serait-ce point qu’elles voient le bonheur partout ?
Voyez cet Anglais morose qui vient déjeuner chez Tortoni, et y lit d’un air ennuyé, et à l’aide d’un lorgnon, de grosses lettres qu’il reçoit de Liverpool, et qui lui apportent des remises pour cent vingt mille francs ; ce n’est que la moitié de son revenu annuel ; mais il ne rit de rien : c’est que rien au monde n’est capable de lui procurer la vue du bonheur, pas même sa place de vice-président d’une société biblique.
Regnard est d’un génie bien inférieur à Molière ; mais j’oserai dire qu’il a marché dans le sentier de la véritable comédie.
Notre qualité d’hommes de collège en littérature, fait qu’en voyant ses comédies, au lieu de nous livrer à sa gaîté vraiment folle, nous pensons uniquement aux arrêts terribles qui le jettent au second rang. Si nous ne savions pas par cœur les textes mêmes de ces arrêts, sévères, nous tremblerions pour notre réputation d’hommes d’esprit.
Est-ce là, de bonne foi, la disposition où il faut être pour rire ?
{p. 42}Quant à Molière et à ses pièces, que me fait à moi l’imitation plus ou moins heureuse du bon ton de la cour et de l’impertinence des marquis ?
Aujourd’hui, il n’y a plus de cour, ou je m’estime autant, pour le moins, que les gens qui y vont ; et en sortant de dîner, après la bourse, si j’entre au théâtre, je veux qu’on me fasse rire, et je ne songe à imiter personne.
Il faut qu’on me présente des images naïves et brillantes de toutes les passions du cœur humain, et non pas seulement et toujours les grâces du marquis de Moncade6. Aujourd’hui, c’est ma fille qui est Mademoiselle Benjamine, et je sais fort bien la refuser à un marquis, s’il n’a pas 15 000 livres de rente, en biens fonds. Quant à ses lettres de change, s’il en fait et qu’il ne les paye pas, M. Mathieu, mon beau-frère, l’envoie à Sainte-Pélagie. Ce seul mot de Sainte-Pélagie, pour un homme titré, vieillit Molière.
Enfin si l’on veut me faire rire malgré le sérieux profond que me donnent la bourse et la politique, et les haines des partis, il faut que des gens passionnés se trompent, sous mes yeux, d’une manière plaisante, sur le chemin qui les mène au bonheur.
Chapitre III.
Ce que c’est que le Romanticisme §
Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible.
Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères.
Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent, aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes, les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple » sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible.
Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide, et prétendre que ces imitations ne feront pas bâiller le Français du dix-neuvième siècle, c’est du classicisme7.
{p. 44}Je n’hésite pas à avancer que Racine a été romantique ; il a donné, aux marquis de la cour de Louis XIV, une peinture des passions, tempérée par l’extrême dignité qui alors était de mode, et qui faisait qu’un duc de 1670, même dans les épanchements les plus tendres de l’amour paternel, ne manquait jamais d’appeler son fils Monsieur.
C’est pour cela que le Pylade d’Andromaque dit toujours à Oreste : Seigneur ; et cependant quelle amitié que celle d’Oreste et de Pylade !
Cette dignité-là n’est nullement dans les Grecs, et c’est à cause de cette dignité qui nous glace aujourd’hui, que Racine a été romantique.
Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et, pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates. Cent ans de guerres civiles et de troubles presque continuels, une foule de trahisons, de supplices, de dévouements généreux, avaient préparé les sujets d’Élisabeth à ce genre de tragédie, qui ne reproduit presque rien de tout le factice de la vie des cours et de la civilisation des peuples tranquilles. Les Anglais de {p. 45}1590, heureusement fort ignorants, aimèrent à contempler au théâtre, l’image des malheurs que le caractère ferme de leur reine venait d’éloigner de la vie réelle. Ces mêmes détails naïfs, que nos vers alexandrins repousseraient ? avec dédain, et que l’on prise tant aujourd’hui dans Ivanhoë et dans Rob-Roy, eussent paru manquer de dignité aux yeux des fiers marquis de Louis XIV.
Ces détails eussent mortellement effrayé les poupées sentimentales et musquées qui, sous Louis XV, ne pouvaient voir une araignée sans s’évanouir. Voilà, je le sens bien, une phrase peu digne.
Il faut du courage pour être romantique, car il faut hasarder.
Le classique prudent au contraire, ne s’avance jamais sans être soutenu, en cachette, par quelque vers d’Homère, ou par une remarque philosophique de Cicéron, dans son traité de Senectute.
Il me semble qu’il faut du courage à l’écrivain presque autant qu’au guerrier ; l’un ne doit pas plus songer aux journalistes que l’autre à l’hôpital.
Lord Byron, auteur de quelques héroïdes sublimes, mais toujours les mêmes, et de beaucoup {p. 46}de tragédies mortellement ennuyeuses, n’est point du tout le chef des romantiques.
S’il se trouvait un homme que les traducteurs à la toise se disputassent également à Madrid, à Stuttgard, à Paris et à Vienne, l’on pourrait avancer que cet homme a deviné les tendances morales de son époque8.
Parmi nous, le populaire Pigault-Lebrun est beaucoup plus romantique que le sensible auteur de Trilby.
Qui est-ce qui relit Trilby à Brest ou à Perpignan ?
Ce qu’il y a de romantique dans la tragédie actuelle, c’est que le poète donne toujours un beau rôle au diable. Il parle éloquemment, et il est fort goûté. On aime l’opposition.
Ce qu’il y a d’antiromantique, c’est M. Legouvé, dans sa tragédie de Henri IV, ne pouvant pas reproduire le plus beau mot de ce roi patriote : « Je voudrais que le plus pauvre paysan {p. 48}de mon royaume pût du moins avoir la poule au pot le dimanche. »
Ce mot, vraiment français, eût fourni une scène touchante au plus mince élève de Shakspeare. La tragédie racinienne dit bien plus noblement :
Je veux enfin qu’au jour marqué pour le repos,L’hôte laborieux des modestes hameauxSur sa table moins humble ait, par ma bienfaisance,Quelques-uns de ces mets réservés à l’aisance.
- La mort de Henri IV, acte IV9.
{p. 48}La comédie romantique d’abord ne nous montrerait pas ses personnages en habits brodés ; il n’y aurait pas perpétuellement des amoureux et un mariage à la fin de la pièce ; les personnages ne changeraient pas de caractère tout juste au cinquième acte ; on entreverrait quelquefois un amour qui ne peut être couronné par le mariage ; le mariage, elle ne l’appellerait pas l’hyménée pour faire la rime. Qui ne ferait pas rire, dans la société, en parlant d’hyménée ?
Les Précepteurs, de Fabre d’Églantine, avaient ouvert la carrière que la censure a fermée. Dans son Orange de Malte, un E…, dit-on, préparait sa nièce à accepter la place de maîtresse du roi 10. La seule situation énergique que nous ayons vue depuis vingt ans, la scène du paravent, dans le Tartufe de mœurs, nous la devons au théâtre anglais. Chez nous, tout ce qui est fort s’appelle indécent. On siffle l’Avare de Molière (7 février 1823), parce qu’un fils manque de respect à son père.
{p. 49}Ce que la comédie de l’époque a de plus romantique, ce ne sont pas les grandes pièces en cinq actes, comme les Deux Gendres : qui est-ce qui se dépouille de ses biens aujourd’hui ? c’est tout simplement le Solliciteur, le Ci-devant Jeune Homme (imité du Lord Ogleby de Garrick), Michel et Christine, le Chevalier de Canote, l’Étude du Procureur, les Calicots, les Chansons de Béranger, etc. Le romantique dans le bouffon, c’est l’interrogatoire de l’Esturgeon, du charmant vaudeville de M. Arnault ; c’est M. Beaufils. Voilà la manie du raisonner, et le dandinisme littéraire de l’époque.
M. l’abbé Delille fut éminemment romain ; tique pour le siècle de Louis XV. C’était bien la poésie faite pour le peuple qui, à Fontenoy disait, chapeau bas, à la colonne anglaise : « Messieurs, tirez les premiers. » Cela est fort noble assurément ; mais comment de telles gens ont-ils l’effronterie de dire qu’ils admirent Homère ?
Les anciens auraient bien ri de notre honneur.
Et l’on veut que cette poésie plaise à un Français qui fut de la retraite de Moskou11 !
{p. 52}De mémoire d’historien, jamais peuple n’a éprouvé, dans ses mœurs et dans ses plaisirs, de changement plus rapide et plus total que celui de 1780 à 1823 ; et l’on veut nous donner toujours la même littérature ! Que nos graves adversaires regardent autour d’eux : le sot de 1780 produisait des plaisanteries bêtes et sans sel ; il riait toujours ; le sot de 1823 produit des raisonnements philosophiques, vagues, rebattus, à dormir debout, il a toujours la figure allongée ; voilà une révolution notable. Une société dans laquelle un élément aussi essentiel et aussi répété que le sot, est changé à ce point, ne peut plus supporter ni le même ridicule, ni le même pathétique. Alors, tout le monde aspirait à faire rire son voisin ; aujourd’hui tout le monde veut le tromper.
Un procureur incrédule se donne les œuvres de Bourdaloue magnifiquement reliées ; et dit : cela convient, vis-à-vis des Clercs.
Le poète romantique par excellence, c’est Le Dante ; il adorait Virgile, et cependant il a fait la Divine Comédie, et l’épisode d’Ugolin, la chose au monde qui ressemble le moins à l’Énéide, {p. 51}c’est qu’il comprit que de son temps on avait peur de l’enfer.
Les Romantiques ne conseillent à personne d’imiter directement les Drames de Shakspeare. Ce qu’il faut imiter de ce grand homme, c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons, et l’art de donner à nos contemporains précisément le genre de tragédie dont ils ont besoin, mais qu’ils n’ont pas l’audace de réclamer, terrifiés qu’ils sont par la réputation du grand Racine.
Par hasard, la nouvelle tragédie française ressemblerait beaucoup à celle de Shakspeare.
Mais ce serait uniquement parce que nos circonstances sont les mêmes que celles de l’Angleterre en 1590. Nous aussi nous avons des partis, des supplices, des conspirations. Tel qui rit dans un salon, en lisant cette brochure, sera en prison dans huit jours. Tel autre qui plaisante avec lui, nommera le jury qui le condamnera.
Nous aurions bientôt la nouvelle tragédie française que j’ai l’audace de prédire, si nous avions assez, de sécurité pour nous occuper de littérature ; je dis sécurité, car le mal est surtout dans les imaginations qui sont effarouchées. Nous avons une sûreté dans nos campagnes, {p. 52}et sur les grandes routes, qui aurait bien étonné l’Angleterre de 1590.
Comme nous sommes infiniment supérieurs par l’esprit, aux Anglais de cette époque, notre tragédie nouvelle aura plus de simplicité. À chaque instant Shakspeare fait de la rhétorique, c’est qu’il avait besoin de faire comprendre telle situation de son drame, à un public grossier et qui avait plus de courage que de finesse.
Notre tragédie nouvelle ressemblera beaucoup à Pinto, le chef-d’œuvre de M. Lemercier, L’esprit français repoussera surtout le galimatias allemand que beaucoup de gens appellent Romantique aujourd’hui.
Schiller a copié Shakspeare et sa rhétorique ; il n’a pas eu l’esprit de donner à ses compatriotes la tragédie réclamée par leurs mœurs. J’oubliais l’unité de lieu ; elle sera emportée dans la déroute du vers Alexandrin.
La jolie comédie du Conteur de M. Picard, qui n’aurait besoin que d’être écrite par Beaumarchais ou par Sheridan, pour être délicieuse, a donné au public la bonne habitude de s’apercevoir qu’il est des sujets charmants pour lesquels les changements de décorations sont absolument nécessaires.
Nous sommes presque aussi avancés pour la tragédie : comment se fait-il qu’Émilie de Cinna {p. 53}vienne conspirer précisément dans le grand cabinet de l’Empereur ? comment se figurer Sylla joué sans changements de décorations ?
Si M. Chénier eût vécu, cet homme d’esprit nous eût débarrassés de l’unité de lieu dans la tragédie, et par conséquent des récits ennuyeux ; de l’unité de lieu qui rend à jamais impossibles au théâtre, les grands sujets nationaux : l’Assassinat de Montereau, les États de Blois, la Mort de Henri III.
Pour Henri III, il faut absolument, d’un côté : Paris, la duchesse de Montpensier, le cloître des Jacobins ; de l’autre : Saint-Cloud, l’irrésolution, la faiblesse, les voluptés, et tout à coup la mort, qui vient tout terminer.
La tragédie racinienne ne peut jamais prendre que les trente-six dernières heures d’une action ; donc jamais de développements de passions. Quelle conjuration a le temps de s’ourdir, quel mouvement populaire peut se développer en trente-six heures ?
Il est intéressant, il est beau de voir Othello, si amoureux au premier acte, tuer sa femme au cinquième. Si ce changement a lieu en trente-six heures, il est absurde, et je méprise Othello.
Macbeth, honnête homme au premier acte, séduit par sa femme, assassine son bienfaiteur {p. 54}et son roi, et devient un monstre sanguinaire. Ou je me trompé fort, ou ces changements de passions dans le cœur humain sont ce que la poésie peut offrir de plus magnifique aux yeux des hommes quelle touche et instruit à la fois.
Naïveté du Journal des Débats §
Feuilleton du 8 juillet 1818.
… Ô temps heureux où le parterre était composé presque en entier d’une jeunesse passionnée et studieuse, dont la mémoire était ornée d’avance de tous les beaux vers de Racine et de Voltaire ; d’une jeunesse qui ne se rendait au théâtre que pour y compléter le charme de ses lectures !
Résumé §
Je suis loin de prétendre que M. David se soit placé au-dessus des Lebrun et des Mignard. À mon avis, l’artiste moderne plus remarquable par la force du caractère que par le talent, est resté inférieur aux grands peintres du siècle de Louis XIV ; mais sans M. David, que seraient aujourd’hui MM. Gros, Girodet, Guérin, Prud’hon, et cette foule de peintres distingués sortis de son école ? Peut-être des Vanloo et des Boucher plus ou moins ridicules.
FIN.