Je ne suis pas précisément comme vous, madame, mais vous souvenez vous des yeux de l'abbé de Chaulieu, les deux dernières années de sa vie? […] On a encor en vieillissant un grand plaisir, qui n'est pas à négliger, c'est de compter les impertinents et les impertinentes qu'on a vu mourir, les ministres qu'on a vu renvoier et la foule de ridicules qui ont passé devant les yeux.
Vous êtes précisément dans l'état où l'on fait des réflexions; la perte des yeux sert au moins au recueillement de l'âme. […] Je mets à profit les temps où mes fluxions sur les yeux m'empêchent de lire.
J'aurai besoin d'une opération aux yeux que je n'ose hazarder au commencement de l'hiver. Vous me direz que je suis bien insolent de vouloir encor avoir des yeux à mon âge quand vous n'en avez plus depuis si longtems.
Vous êtes au phisique malheureusement comme les rois sont en morale; vous ne voyez que par les yeux d'autrui. […] Je donneray quand on voudra un de mes yeux pour vous faire ratrapper les deux vôtres. […] Mes yeux ont été deux ulcères pendant près de deux ans.
Je trouve d'ailleurs dans cette recherche, quelque vaine qu'elle puisse être, un assez grand avantage; l'étude des choses qui sont si fort au dessus de nous rendent les intérêts de ce monde bien petits à nos yeux, et quand on a le plaisir de se perdre dans l'immensité, on ne se soucie guères de ce qui se passe dans les rues de Paris. […] Ainsi, au milieu de quatre vingt lieues de montagnes de neiges assiégé par un très rude hiver, et mes yeux me refusant le service, j'ai passé tout mon temps à méditer.
Si vous jouïssiez de vos deux yeux je vous tiendrais bien plus heureuse que les reines, et surtout que leurs suivantes. Maitresse de vous même, de vôtre temps, de vos occupations, avec du goût, de l'imagination, de l'esprit, de la philosophie, et des amis, je ne vois pas quel sort pouraît être audessus du vôtre; mais il faut deux yeux, ou du moins un pour jouïr de la vie.
J’écris de ma main madame cette fois-ci, et d’une petite écriture comme votre grand’maman, malgré mes fluxions sur les yeux.
J'ai le tems de songer à tout celà dans ma profonde solitude avec des yeux éteints et ulcérés, couverts de blanc et de rouge. […] Je n'ai point encor été tenté d'imiter leur éxemple, premièrement parce que mes abominables fluxions sur les yeux ne me durent que l'hiver, en second lieu parce que je me couche toujours dans l'espérance de me moquer du genre humain en me réveillant.
Et la seule chose qui m'en empêche c'est mon extrait batistaire, daté, dit-on, de l'an 1694, lequel extrait batistaire est accompagné de recettes pour mes yeux, pour mes oreilles, et pour mes jambes qui sont dans le plus mauvais état du monde. […] Si j'étais à Paris je vous lirais en français quelques unes de ces Lettres, aiant l'anglais sous mes yeux.
A Colmar 3 mars [1754] Vôtre lettre, madame, m'a attendri plus que vous ne pensez; et je vous assure que mes yeux ont été un peu humides en lisant ce qui est arrivé aux vôtres. […] Je ne regrettais donc, Madame, dans vos yeux que la perte de leur beauté, et je vous savais même assez philosophe pour vous en consoler.
J'ai eu peine à en croire mes yeux. […] il revient des yeux aux limassons.
Adieu, Madame, si vous aviez des yeux, je vous dirais, venez philosopher avec nous, parce que vos yeux seraient éguaiés pendant neuf mois par le plus agréable aspect qui soit sur la terre; mais ce qui fait le charme de la vie est perdu pour vous; et je vous assure que celà me fait toujours saigner le cœur.
Voilà les neiges de nos montagnes qui commencent à fondre, et mes yeux qui commencent à voir. […] La campagne m'appelle, deux cent bras travaillent sous mes yeux, je bâtis, je plante, je sême, je fais vivre tout ce qui m'environne; les Saisons de st Lambert m'ont rendu la campagne encor plus précieuse.
Vous écrivezhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210095_1key001cor/nts/001 à la grand’maman en lui envoyant votre épître, que par parenthèse j’avais déjà lue quand elle l’a reçue: ‘Si cette épître trouvait grâce devant vos yeux, je vous dirais envoyez en copie pour amuser votre petite fille supposé qu’elle soit amusable, et qu’elle ne soit pas dans ses moments de dégoût.
Je ne sçait pas mon cher Voltaire, de quel oeil vous envisagé la mort; je m’en détourne la vûe autant qu’il m’est possible; j’en feroit de même pour la vie si cela se pouvoit; je ne sçait en vérité pas laquelle des deux mérite la préférence; je crains l’une, je haïs l’autre.
Que je vive avec toi, que j’expire à tes yeux, Et puisse ma main défaillante Serrer encor la tienne en nos derniers adieux!
Pour moi, je ne suis pas tout à fait de son opinion, et j'estime qu'il vaut mieux n'être pas, que d'être si horriblement mal; mais quand on n'a que deux yeux et une oreille de moins, on peut encor soutenir son éxistance tout doucement.
Si jamais je vais à Paris pour une opération qu’on dit qu’il faut faire à mes yeux, et qui ne réussira pas, ce sera beaucoup plus pour avoir la consolation de m’entretenir avec vous que pour recouvrer la vue, et pour prolonger ma vie.
pour moi Je ne ferme pas l'œil, et cette manière d'alonger ma vie me déplait fort.
Voilà ce que c’est que d’avoir des fluxions sur les yeux.
Le plaisir d'en sécouer le joug console de l'avoir porté, et il est agréable d'avoir devant les yeux les raisons qui vous désabusent des erreurs où la pluspart des hommes sont plongés depuis leur enfance jusqu'à leur mort. […] Il est bon de se remettre devant les yeux ces vérités, mais il est encore mieux de les jetter au feu.
Je pense que voylà le cas de souhaitter d'être sourde puisque la perte de vos yeux vous laisse encor des oreilles pour entendre touttes nos sottises.
Mes yeux me refusent le service tant que la neige est sur la terre.
Comment ai-je pu être si longtempshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1010176_1key001cor/nts/001 sans vous écrire, moy qui ai encor des yeux!
Voilà, à peu près, nôtre état; et quand avec celà on a perdu les deux yeux, il faut avouer qu'on a besoin de courage.
Mon thême n'est point non plus mon départ pour Paris pour venir vous voir et vous entendre, attendu que je ne puis sortir de mon lit, avec mes quatre vingt et un ans, douze pieds de neige, et perdant mes yeux et mes oreilles.
Vous ne le voïez guères, Madame, dans l'état où sont vos yeux, mais il est bon du moins d'en être réchauffé.
J'ai envoyé à L'académie l'Epitre dédicatoire, que je crois curieuse, la préface sur le Cid, dans laquelle il y a aussi quelques anecdotes qui pouront vous amuser, les nottes sur le Cid, sur les Horaces, sur Cinna, Pompée, Héraclius, Rodogune, qui ne vous amuseront point parce qu'il faut avoir le texte sous les yeux.
Il n'y a point de dédommagement pour les deux yeux, mais il y a de grandes consolations.
Il ne vous manque que des yeux, et tout me manque.
Je conçois même qu'on se permette quelques petites perfidies pour devenir la maîtresse d'un Roi ou d'un pape; mais les méchancetés inutiles sont bien sottes; j'en ai vu beaucoup de ce genre en ma vie, mais après tout il y a de plus grands malheurs, et je n'en sais point de pires que la perte des yeux et de l'estomac.
Vous avez perdu deux yeux que j’ai vus bien beaux il y a trente ans; mais vous avez conservé des amis, de l’esprit, de l’imagination et un bon estomac.
Je vous demande pardon, Madame, de vous parler d'un plaisir qu'on goûte avec ses deux yeux.
Ne m'aléguez point que Je suis aveugle; on Jouit du plaisir des autres, on voit en quelque sorte par leurs yeux, et puis la gloire monsieur, la gloire, la comptez vous pour rien?
On ne le met point sous ses yeux.
Je ne sçais plus ce que c’est que de mettre un habit; et lorsque le printems et l’été me délivrent de mes fluxions sur les yeux, mes journées entières sont consacrées à lire.
De tous ceux qui ont passé par Ferney c'est la sœur de Mr De Cucéhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220408_1key001cor/nts/002 dont j'ai été le plus content, car c'est à elle que je dois de n'avoir pas perdu entièrement les yeux.
Si vous n'étiez pas plongée dans l'horrible malheur d'avoir perdu les yeux, seul malheur que je redoute, je vous dirais: lisez et méprisez, allez aux spectacles et jugez, jouissez des beautés de la nature et de l'art.
J'ai voulu que le mari de vôtre grandmaman, qui fonde actuellement une colonie dans nôtre voisinage, vit par ses yeux qu'on peut avoir des manufactures dans nôtre climat horrible.
Je vois tout ce qui se passe du même œil que le verra La postérité; J'y vois Voltaire le seul bel esprit de ce siècle, qui auroit dût y servir de modèle, dicter les règles du bon goût, et qui par facilité à protégé ceux qui le détruisent; J'y vois un tas de philosophes, qui parcequ'ils ne croyent pas des fables se persuadent être fort Eclairés et devoir être législateurs, mais dont La vanité, L'orgueil et la sufisance décréditent leur morale.
Tout cela sont des réflexions bien oiseuses, mais il est certain que si nous n'avions pas de plaisir il y a cent ans, nous n'avions ni peine ni chagrins, et des 24 heures de la Journé, celles où l'on dore me paraissent les plus heureuses; vous ne sçavez point et vous ne pouvez sçavoir par vous même quel est l'état de ceux qui pensent, qui réfléchissent, qui ont quelque activité, et qui sont en même tems sans talent, sans passion, sans occupation, sans dissipation, qui ont eû des amis, qui les ont perdus sans pouvoir les remplaçer; Joignez à cela de la délicatesse dans le goût, un peu de dicernement, beaucoup d'amour pour la vérité; crevez les yeux à ces gens là, et placez les au milieu de Paris, de Pekin, enfin où vous voudrez, et je vous soutiendrai qu'il seroit heureux pour eux de n'être pas né.
Votre machine est une des meilleures de ce monde; n'est-il pas vrai que s'il vous fallait choisir entre la lumière et la pensée vous ne balanceriez pas, et que vous préféreriez les yeux de l'âme à ceux du corps?
Paris ce lundy 29 may 1764 Non monsieur, Je ne préférerois pas la pensée à la lumière, les yeux de L'âme à ceux du corps; Je consentirois bien plutôt à un aveuglement total.
J'ai des fluxions sur les yeux qui m'ont ôté l'usage de la vue des mois entiers.
Les troubles de Geneve ont dérangé tous mes plans, J'ay été Exposé pendant quelque tems à la famine, il ne m'a manqué que la peste; mais les fluxions sur les yeux m'en ont tenû lieu.
Il les étrangloit tous; une seule petitte chienne qui se trouva pleine eut grâçe devant ses yeux, il la lécha, la caressa, lui fit part de sa nouriture, elle accoucha, il ne fit aucun mal à toute sa petitte famille et Je ne sçay ce qu'elle devint, mais il arriva un jour que des mâtins vinrent aboyer le lion à la grille de sa loge; La petite chienne se Joignit à Eux, aboya le lyon et lui tira les oreilles; la punition fut prompte, il l'étrangla, mais le repentir suivit de près, il ne la mangea point, il se coucha auprès d'elle et parût pénétré de la plus grande tristesse; on Espéra qu'une inclination nouvelle pourroit le consoler, on se trompa, il étrangla sans miséricorde tous les chiens qu'on lui donnat.
Quand on lit pour s'instruire, on voit tout ce qui a échappé lorsqu'on ne lisait qu'avec les yeux.