La liberté de penser est la vie de l'âme, et il paraît qu'il n'y a pas baucoup d'âmes plus vivantes que la vôtre. […] On a été obligé d'adopter leur physique, d'imiter leur systême de finance, de construire les vaissaux selon leur méthode; quand les imitera-t-on dans la noble liberté de donner à l'esprit tout l'essor dont il est capable; quand est ce que les sots cesseront de poursuivre les sages? […] Je suis sous la protection d'un aigle; mais une mauvaise santé, pire que tous les chagrins attachez en France à la littérature, m'ôte tout mon bonheur. […] Je serais trop heureux si la nature ne s'avisait pas de me persécuter autant que la fortune me favorise. Si l'état de ma santé, madame, me permet jamais de revoir la France, un de mes baux jours serait celuy où je pourrais vous assurer de mon respect, et dire à votre amy tout ce que la plus profonde estime m'inspirerait pour vous et pour luy.
Je me sens déjà toute la pesanteur d'un commentateur. […] Comptez qu'il n'y a que la retraitte qui soit le séjour de L'occupation. […] Il ne coûtera que deux Louïs parce que je veux que les pauvres connaisseurs le lisent, et que les rois le paient. Adieu, Madame, supportez la vie et le siècle. […] Je vous demande un peu d'attention pour L'Ezour-Vedam.
J’ai trouvé qu’il n’y avait pas plus de preuves contre lui que contre les Calas, et que les assassins du chevalier de La Barre avaient à se reprocher le sang de Lalli tout autant que celui de cet infortuné jeune homme. […] Peutêtre dans l’indifférence où vous paraissez être pour les choses de ce monde vous ne vous intéressez point du tout à ce qui s’est passé dans l’Inde et dans le parlement. […] Je me suis mis à juger les vivants et les morts; j’ai fait un précis historique du procez de Mr de Morangiés, et je ne suis pas plus de l’avis du Bailli du palais que je n’ai été de l’avis du parlement dans tout ce qu’il a fait depuis le temps de la fronde excepté quand il a renvoié les jesuites. […] Il est bon d’avoir vôtre sufrage, mais je veux l’avoir par la force de la vérité, et je ne vous prierai pas même d’avoir la moindre complaisance. Tout ce que je crains, c’est de vous ennuier, mais après tout les objets que je vous présente valent bien tous les rogatons de Paris, et tous les détestables journaux que vous vous faittes lire pour attraper la fin de la journée.
Vous êtes non seulement dans la classe de tout les honnêtes gens, mais de tout ceux qui veulent passer pour l’être. Jamais disgrâce n’a été accompagnée de tant de gloire; il n’y en â point d’Exemple dans les histoires anciennes et modernes; le regret est général, et l’embaras de trouver des successeurs est une circonstance assez flateuse. Vous sçavez sans doûte tout les changements auxquels on travaille, c’est le tems des prodiges, c’est un nouveau Cahos, nous attendons qu’on le débrouille; on est accablé de remontrances, d’arrêtés, de lettres, de discours. […] J’aurois voulû que les Etrangers qui se rencontre sur le bord de l’Euphrate Eussent articulés quelque faits, mais leur rencontre qui marque leur bonne intelligence en est un qui suffit pour l’honneur de celui qui les rassemble. […] Ne voilà t’il pas un beau présent que la vie quand on L’accompagne de chagrin et de souffrances.
Je vais pour répondre à votre lettre la prendre par la queüe. […] Ne vous étonnez point si Je suis si peu instruite, Je n’ay point lû le mémoire de Linguet, il n’y a que la clarté et le charme de votre stile qui puisse me faire lire les choses dont le fond ne m’intéresse point. Je vous admire et je vous approuve du zèle que vous avez pour la chose publique et pour les individus qui la composent. Vous avez reçû des talents de la nature qui vous rendent comptable à tout l’Univers, il faut que vous répandiez partout l’abondance de ses dons. Pour moi à qui elle n’a donné que le pûre nécessaire, de l’esprit que ce qu’il en faut pour connoitre et sentir celui des autres, cinq sens qu’elle n’a pas Jugé à propos de me conserver Jusqu’à La fin de ma vie, Je ne dois ni ne peux vivre que pour moi; c’est aussy le party que J’ay pris; Je végète dans mon tonneau, Je reçois quelquefois bonne compagnie, le plus souvent médiocre, J’écoute les nouvelles, les Jugements qu’on porte sur les spectacles et sur les livres nouveaux, Je ne suis point tentée de voir les spectacles et quand J’ay de la curiosité pour les livres Je suis toujours attrappée.
Il faut avouer en général que le ton de la plaisanterie est de toutes les clefs de la musique française celle qui se chante le plus aisément. […] Il faut être aussi léger qu'on l'est en France pour avoir été quelque temps la dupe de ce misérable. […] L'assassinat juridique des Calas, et le meurtre du chevalier de La Barre n'ont pas fait honneur aux Welches dans les païs étrangers. […] Plus la raison fait de progrès d'un côté, et plus de l'autre le fanatisme grince des dents. […] Pour vous, Madame, qui n'êtes ni de l'espèce des singes ni de l'espèce des Tigres et qui vous consolez au coin de vôtre feu avec des amis dignes de vous, de toutes les horreurs et de toutes les folies de ce monde, prolongez en paix votre carrière.
Je pense sur le présent et sur l'avenir comme j'ai parlé dans ma Lettre. […] Je trouve que la vieillesse rend l'amitié bien nécessaire, elle est la consolation de nos misères et l'appui de nôtre faiblesse encor plus que la philosophie. […] Le chagrin qui use l'âme et le corps, n'approche point de lui. […] Voilà la saison, madame, où nous devons nous aimer tout deux à la folie. […] Je ne sais s'il est vrai que M: Le Dauphin ait vomi un abcès de la poitrine, et si cette crise poura le rendre aux vœux de la France.
Dites moi Je vous prie mon cher Voltaire, s'il est vray que vous prenez tous les Jours de la Casse, si c'est de La Cuite ou de la mondehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250402c_1key001cor/nts/001, quelle en est la dose, et l'heure à laquelle vous la prenez. […] Je ne vous crois point dans le même cas, votre esprit, votre mémoire, toutes les facultés de votre âme ne sont point affaiblis, vous êtes le Voltaire d'il y a 50 ans; votre goût ne s'est point perverti, et Je ne me trompe point à de certains Eloges que vous donnez, vous les accordez à la reconnoissance; d'ailleurs vos Exemples en sont le corectif; qu'on vous lise avec attention et que l'on Juge après si l'on vous imite assez bien pour mériter vos Eloges. Je n'ay lûe de tout les mémoires dont nous sommes inondés que ceux du procès de mr de Guignes; ceux de ses adversaires, sont l'ouvrage de diables déchainés. […] ne les trouvez vous pas nobles, modérés et du stile de la vérité? […] Vos louanges l'ont prévenu.
Le stile, la Justesse, le goût, tout cela fait il deviner un octogénaire? […] La première partie surtout m'a charmée, la dernière sent un peu plus l'âge mûr, j'en conviens, mais, monsieur de Voltaire, amant déclaré de la vérité, dites moi de bonne foy l'avez vous trouvé? […] Tout discour sur certaine matière me paroissent inutiles, le peuple ne les entend point, la Jeunesse ne s'en soucie guères, les gens d'esprits n'en ont pas besoin, et peut on se souçier d'Eclairer les sots: que chacun pense et vive à sa guise, et laissons chacun voir par ses lunettes; ne nous flatons jamais d'établir la tolérance, les persécutés la prêcherons toujours, et s'ils cessoient de l'être ils ne l'exerceroient pas; quelque opinions qu'ayent les hommes ils y veulent soumettre tout le monde. […] Sans flaterie, sans exagération je suis la personne du monde qui vous aime le plus et qui suis la plus enchantée de vos talents. […] Adieu, monsieur; votre amitié, votre correspondance est ce qui m'attache le plus à la vie, c'est le seul plaisir qui me reste.
Il est vrai que Job n’avait point perdu les deux yeux, et n’avait point surtout perdu la langue, car c’était un terrible bavard. Le diable à la vérité lui avait ôté tout son bien, et il ne m’a pris qu’une grande partie du mien. […] Sa philosophie et la trempe de son âme doivent encor contribuer à son bonheur dans le plus beau lieu de la nature. […] Joignez à tout celà l’acclamation de la voix publique, son lot me parait un des meilleurs de ce monde. Il me semble que quand on a tous les cœurs pour soi on est le premier personage de la terre.
Il contribue beaucoup à détruire chez les honnêtes gens le plus absurde et le plus abominable sistème qui ait jamais affligé la nature humaine. […] Avec le temps les Welches deviendront anglais. Dieu leur en fasse la grâce! […] Je ne le croyais pas. La bonne compagnie devrait être de la famille de Mathusalem.
Cela même amusa fort le conseil. […] J'ai donc pris le parti de rire de la médecine avec le plus profond respect, et de déjeuner comme les autres avec des attestations d'apoticaires. […] N'avez vous jamais entendu parler d'un nommé Le Bret, trésorier de la marine que j'ai fort connu, et qui en voiageant se faisait donner l'extrême onction dans tous les cabarets? […] On y trouve les portraits de tous les gens qui fesaient du bruit dans le monde du tems de Mlle Scudéri. […] J'ai encor la fièvre toutes les nuits, et je m'en moque.
Monsieur Le duc d'Orleans disait qu'il fallait avoir la foy des bohemes. […] Elle court le monde. C'est pour le remercier d'un livre qu'il a fait de moitié avec le cher frère Menou, intitulé, l' incrédulité combattue par le simple … bon sens. […] Car c'est à l'amusement qu'il faut toujours revenir, et sans ce point là l'existence serait à charge. C'est ce qui fait que les cartes employent le loisir de la prétendue bonne compagnie d'un bout de l'Europe à l'autre, c'est ce qui fait vendre tant de romans.
Vous voiez surtout à merveille le ridicule de la façon d'écrire d'aujourd'hui. Le stile qui est à la mode me porte plus que jamais à écrire avec la plus grande simplicité. […] Si vous aimiez l'histoire, vous auriez un amusement sûr, pour le reste de vôtre vie; mais j'ai peur que l'histoire ne vous ennuie. […] On n'a plus ni passion, ni illusion, on a le malheur d'être détrompé, le cœur se glace, et l'imagination ne sert qu'à nous tourmenter. […] Adieu, madame, prenez les pour ce qu'ils sont, et vivez aussi heureuse que vous le pouvez, en les méprisant, et en les tolérant.
C'est une terrible besogne, mais la curiosité est la maladie de l'esprit humain. J'ai du moins la consolation de voir que tous les fabricateurs de sistèmes n'en savent pas plus que moi, mais ils font tous les importants, et je ne veux pas l'être. […] Madame, ne vous vient-il pas quelquefois cent idées sur l'éternité du monde, sur la matière, sur la pensée, sur l'espace, sur l'infini? […] L'auteur est un goguenard de Neufchatel, et les plaisants de Neufchatel pouront fort bien vous paraître insipides. […] Heureusement ce que je vous envoie n'est pas long; et s'il vous ennuie vous pourez le jetter dans le feu.
Je vous ay Je crois déjà mandé que Je trouvois charmant les vers de mr Guillemet; la modestie, ou plutôt l'humilité de la grand'maman ne lui permet pas de les montrer à beaucoup de monde, mais le petit nombre de ceux qui les ont vûs en ont été charmé, et le grand papa qui n'aime point la louange n'a pû se deffendre de paroitre très satisfait de la grâce, de la délicatesse de celle que vous lui donnez. […] Je ne veux point abuser de votre complaisance en vous priant de m'écrire souvent, vous avez de bien meilleurs emplois à faire de votre tems, et moi par la raison contraire, n'ayant rien àfaire Je n'ay aussy rien à dire; mes lettres ne seroient remplies que des traités sur l'ennuy, sur le dégoût du monde, sur le malheur de viellir; cela ne seroit il pas bien amusant? […] Quel est donc l'ouvrage qui est actuellement sur le tapis? […] Cette réflexion est commune, elle a été dites et Ecrites par tout le monde mais sans le sentir, et moi Je ne le dis que parce que Je le sens. Ne croyez point que Je courre le monde, Je ne sors que pour souper, et Je ne soupe que chés mes connoissances les plus particulières; Je ne dis pas chés mes amis; ah monsr de Voltaire y en a t'il dans le monde?
le 8 7bre 1773 http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240113b_1key001cor/txt/001 J’attendois, mr, l’Evénément du procès de Mr. de Morangiéshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240113b_1key001cor/nts/001, pour joindre aux remerciemens que je vous dois de vôtre petite brochure, mon Compliment sur le gain d’un procès où vous avez beaucoup Contribué; vous devriés bien employer vôtre éloquence à faire abolir des usages qui confondent le vray avec le faux, et qui rendent les signatures inutiles; je voudrois aussi que vous fissiés des factum pour ce pauvre Roy de Pologne; il y à tant d’injustice, de supercherie et de Violence dans ce monde, qu’il faut quand on n’a pas vos talents pour les combatres, et s’i opposer, plier les épaules et se taire; il n’y a qu’une voix comme la Vôtre qui ayt le droit de se faire entendre. Avez vous lû le discours qui a remporté le prix à l’académie, l’Eloge de Colbert? […] J’ay été très contente de vos fragmens sur l’Inde et charmée de vôtre Epître à Marmontel. Nos beaux esprits y trouvent la fraicheur de vôtre primptems; et moy qui n’ay pas leur Eloquence je dis que vous êtes et seray toujours, modèle en tout genres; ne négligez pas de l’être en amitié; et conservez en pour la personne qui vous admire le plus et qui vous aime le plus constamment et le plus tendrement; cette personne c’est moy, je ne devrois pas craindre que vous vous y méprissiés.
Il faut qu'on soit bien oisif dans Paris et dans le voisinage pour avoir fait une nouvelle d'un devoir que j'ai rempli tous les ans quand ma mauvaise santé me l'a permis. […] C'est aujourd'hui un ex-maturin nommé Laurent, qui fait les honneurs de l'incrédulité. […] On a réimprimé encor le diné du Comte de Boulainvilliers et le militaire philosophe de st Hyacinte qui passait pour le fils de Bossuet. […] On dit que la Tragédie doit exciter la crainte et la pitié. C'est là l'impression que fait un certain monde; il fait lever les épaules de pitié, et il inspire la crainte des sots et des méchants.
Si à ces disgrâces de la nature la fortune se contentait d’ajouter la ruine de ma colonie je me consolerais encore. […] J’ai abhorré avec l’Europe entière les assassins du chevalier de La Barre, les assassins de Calas, les assassins de Sirven, les assassins du comte de Lally. Je les trouve dans la grande affaire dont il s’agit aujourd’hui tout aussi ridicules que du tems de la fronde. […] Je vous ai pardonné toujours vôtre fureur contre la philosophie, pardonnez moi la mienne contre la cohue des enquêtes. J’ai d’ailleurs pour moi le grand Condé qui disait que la guerre de la fronde n’était bonne qu’à être chantée en vers burlesques.
Vous serez surpris si Je vous advoûe que la perte de la vüe n'est pas mon plus grand malheur; celui qui m'accable c'est l'ennuy; L'amusement dites vous vaut mieux que la fermeté d'esprit; rien n'est plus vray, mais où trouve t'on de l'amusement? […] Tout ceux qui raisonnent n'ont pour bût que de faire admirer la subtilité de leur Esprit, et comptent pour rien la Justesse, la clarté, la précision; Voltaire, Voltaire, tout le reste sont des faux prophètes. […] J'aime qu'on me peigne les passions, mais les êtres inanimés Je ne les aime qu'En dessus de porte. […] vous en ririez, vous vous en mocqueriez, vous feriez connoissance avec la grand maman, que vous adoreriez, vous feriez le bonheur de sa petite fille, vous la délivreriez de l'ennuy. […] Que vous dirai-je de l'Epoux de la grand maman?
Je suis accablé à l’âge de 80 ans d’affaires qui dessèchent l’âme et de maux qui mettent le corps à la torture. […] Les dragons de mon temps n’avaient pas l’esprit de cette tournure là. […] Vous avez dû voir par vos conversations avec mr de Schowalow, l’oncle de l’auteur de l’épître, que la patrie d’Attila n’était pas le pays des sots. On parle français à la cour de l’impératrice plus purement qu’à Versailles, parce que nos belles dames ne se piquent pas de savoir la grammaire. […] Il y a un homme dans mon voisinage qui sait fort bien le chinois et qui a envoyé des vers chinois à l’empereur Kien Long, lequel empereur passe pour le meilleur poète de l’Asie.
J'aime fort le spectacle, l'appareil, touttes les pompes du démon, mais pour la potence je suis son serviteur. […] Il arrête la bierre, et la veuve qui conduit le convoy. La veuve jette les hauts cris. […] Elle la prend. […] Elle va enterrer son mari, et les deux amants ne parlent plus d'amour le reste de la pièce.
Et si Salomon a fait l'ecclesiaste, vous êtes de l'avis du plus sage et du plus voluptueux de tous les rois. […] Je serais homme à souhaiter de n'être point né si on m'accusait d'avoir fait le dictionaire philos. car quoyque cet ouvrage me paraisse aussi vrai que hardi, quoy qu'il respire la morale la plus pure, les hommes sont si sots et si méchants, les dévots sont si fanatiques que je serais sûrement persécuté. […] Tous les gros paquets sont saisis à la poste, les ministres n'aiment pas qu'on envoie sous leur nom des choses dont on peut leur faire des reproches. […] S'il faut payer chez vous ce tribut à l'usage on doit acquiter cette dette le plus vite qu'il est possible. […] Vivéz, philosophéz avec vos amis; qu'ils trompent le temps avec vous, qu'ils égaient avec vous le chagrin secret de la vieillesse, qu'ils vivent pour eux et pour vous.
Le goût est perdu. […] La peinture de l'Anglois et de l'Angloisehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050204_1key001cor/nts/004, et le contraste de leur caractère au nôtre est charmant; ne me faites point attendre long tems le reste. […] Je vous le demande à deux genoux; ayez soin de mon amusement; Je suis l'âme la plus délaissée du purgatoire de ce monde cy. […] Souvenez vous que Je suis votre plus ancienne connoissance et les vieilles connoissances valent mieux que les nouveaux amis. Enfin monsieur Je voudrois vous persuader d'avoir beaucoup d'attention pour moi mais Je crains de n'y pas réussir, J'aurois tout l'avantage et vous n'y en trouveriez aucun, si l'estime la plus parfaitte et l'amitié la plus tendre que Je vous ay vouée pour ma vie, ne pouvoient pas servir de compensation.
Je n'ai pas vos ressources, vous êtes à la tête de la bonne compagnie, et je vis dans la retraitte, mais je l'ai toujours aimée, et la vie de Paris m'est insuportable. […] Il n'y a plus de santé dans le monde. […] Celui là est bien philosophe, et méprise souverainement les pauvres préjugés qui empoisonnent la vie. […] Ne voiez vous pas combien la nature humaine est avilie depuis les beaux temps des Romains? […] L'ambition et la vengeance sont également l'apanage de nôtre espèce, pour nôtre malheur.
Il lui fallait des fêtes continuelles pour lui faire suporter l'horreur de mes déserts, qui de l'aveu des Russes sont pires que la Sibérie pendant cinq mois de l'année. […] Voilà, madame, l'éxacte vérité sur laquelle on a bâti bien des fables, selon la louable coutume de vôtre pays, et je crois même de tous les païs. […] La princesse part sous l'envelope de made la Duchesse de Choiseul. Si elle vous amuse je ferai plus de cas de l'Euphrate que de la Seine. […] Adieu, madame, tolérez la vie; je la tolère bien.
Je l'ay trouvée charmante; Je ne doute pas qu'elle ne soit de vous et le Pompignan y est encor mieux traité que dans les deux autres pièces. […] Passe pour être fat, mais hipocrite et méchant c'est trop; Le voilà Ecrasé sous les montagnes de Ridicule que vous Entassez sur lui; sa naissance et sa dévotion ne lui feront pas tenter d'Escalader ni le ciel ni la cour. Dieu le bénisse, c'est un sot et froid personnage. […] Apprenez donc que Je ne me suis point Jointe à mad. de Robec, qu'à peine Je la connoissois, et que Je n'ay jamais Eû le désir de la connoître davantage; J'ay fort blâmé sa vengeance et le choix de ses vengeurs; j'ay été bien aise du peu de succès de sa comédie et de la maladresse de son auteur; il n'a pas seû rendre ridicules les gens qu'il vouloit peindre, il a manqué son objet; en les attaquant sur l'honneur et la probité, il ne leur a pas Effleuré L'épiderme. […] Je me contente de rendre les moments présents supportables, Je vis avec plusieurs personnes aimables qui ont de l'humanité, de la compassion, il en résulte L'apparence de l'amitié, Je m'en contente; J'écarte la tristesse autant qu'il m'est possible, Je me livre à toutes les dissipations qui se présentent; enfin à tout prendre Je suis moins malheureuse que Je ne devrois l'être; vous ne seriez pas mécontent de moi si Je vous rendois compte de ma façon de penser, et ce seroit un grand plaisir que J'aurois.
Voicy le fait. […] Savez vous que l'horrible avanture du chevalier De la Barre a été causée par le tendre amour? […] Elles font dresser les cheveux à la tête. […] J'ai apris avec bien de l'étonnement qu'il savait toute la Tragédie de Mahomet par cœur. […] C'est de tous les opéra, sans éxception, le plus susceptible d'un grand fracas.
Ses impressions ne sont elles que pour la Cour? […] Je l'aime mieux là qu'à L'académie. […] Vous ne fûtes Jamais des Cotins le héros, et l'on ne dira point Et maintenant le soutient des dévots. […] Il est vray, Je ne m'en défend pas, J'aime mieux le plaisant que le sérieux. Cependant Je serois bien aise d'avoir votre Enciclopédie, c'est le seul moyen de me faire rechercher et mériter le beau titre d'enciclopédiste.
Quand je vois quelqu'un qui a eu le bonheur d'être admis chez vous, je l'interroge une heure entière. […] Celà seul me fait détester les romans qui suposent que nous sommes dans le meilleur des mondes possibles. […] Le nombre des souffrants est infini. La nature se moque des individus. Pourvu que la grande machine de l'univers aille son train les cirons qui l'habitent ne lui importent guères.
Je ne mérite pas de voir le jour, aussi je ne le vois guères, car il tombe encor de la neige chez moi au cinq de may. […] Voicy le fait. […] Le plus jeune avait treize ans, et le plus vieux en avait vingt cinq. […] Ce n'est point à Mr L'abbé Terrai qu'il demandera cette grâce, car il ne s'agit point d'argent, et Monsieur l'abbé le jette par les fenêtres. […] Il ne s'agit dans ce monde que d'atraper la fin de la journée sans douleur et sans ennui; et encor la chose est elle difficile.
L'on me parle d'un A B. […] Je ne crains point les frais, mais si les ouvrages entiers sont trop gros il faut les séparer. […] Les trois premiers étoient la Beaumelle, Beloste, et Belestat. […] Ce seroit le moyen de détruire tous les soupçons. […] Le goût est perdû parcequ'il n'y a plus de bons critiques, chacun loüe les ouvrages de son voisin pour obtenir l'approbation des siens.
Jamais on n'a été plus affligée que Je le fus samedy dernier à l'ouverture d'une lettre où l'on m'apprenoit que vous étiez mort subitement; Je fis un cri, J'eux un saisissement, qui sont des preuves bien sûres de tout ce que Je pense pour vous; Je fus dans le moment aussy touchée, aussy pénétrée qu'on le peut être de la perte de L'amy le plus intime avec qui l'on passe sa viehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050245_1key001cor/nts/001. A ce sentiment il s'en Joignit mille autres; tout me sembla perdu pour notre nation, tout me parût rentrer dans le cahos, et Je vis avec Edification que cette nouvelle fit la même impression sur tout le monde: Je ne sçay pas si vous avez des Ennemis, des Envieux &c. mais Je sçay bien qu'à la nouvelle de votre mort vous n'aviez plus que des admirateurs, chacun parla dans ce moment suivant sa conscience. […] Je vous tiendray pour mort et Je feray dire des messes pour le repos de votre âme dans tous les couvents de Jesuites; Je vous feray louer, célébrer, canoniser, par tous les Pompignans, Je vous attriburay tous les petits Ecrits que l'on débite dans les maisons sous votre nom, et Je ne me révolteray plus comme J'ay fait Jusqu'à cette heure, que tous nos sophistes de philosophes prétendent faire cause commune avec vous? […] Vous êtes le plus ingrat et le plus indigne des hommes si vous ne répondez point à L'amitié que J'ay pour vous et si vous ne vous faites pas une obligation et un plaisir d'avoir soin de mon amusement. Tancrede, Zulime, La vie du czar, Le Recueil de vos idées, ne verrai-je rien de tout cela?
J'ai rompu avec le genre humain pendant plus de six semaines; je me suis enterré dans mon imagination; ensuitte sont venus les ouvrages de campagne, et puis la fièvre. […] Je les sçais pourtant prèsque par coeur, mais je les ai relus avec un très grand plaisir, parce que c'est la peinture du monde la plus vive. […] Vous ne connaissez plus que ceux de l'âme. […] Vous jouïssez, au moins, de toutes les douceurs de la société. […] Il me semble qu'à la longue celà est bien insipide; il n'y a que les goûts et que les passions qui nous soutiennent dans ce monde; vous mettez à la place de ces passions la philosophie qui ne les vaut pas, et moi, Madame, j'y mets le tendre et respectueux attachement que j'aurai toujours pour vous.
C'est le sort de la plus part des ouvrages en plus d'un genre. […] L'avocat au conseil chargé de l'affaire l'a approuvé, m'a donné à plusieurs juges. S'il n'est pas permis de soutenir le droit le plus évident, où fuir? Je tiens qu'il faut le soutenir très fortement, ou l'abandonner. […] J'ay voulu les intéresser par la tournure.
15 may 1771 Non, non, Je ne haït point La Philosophie, mais j’estime peu, ceux qui n’en ont que le masque, sous lequel ils cachent L’orgueil, et L’insolence; Vous n’aimez pas plus que moy les paradoxes, les raisonnement ennuyeux, le stile froid, fade, ou déclamatoire; prenez vous en à vous, si je suis devenüe difficile. Me soupçonnez vous, de lire tous les Ecrits dont nous sommes inondés? Pour me forcer à les lire, on me dit qu’il y en a de vous; Je les parcourt; Je ne vous reconnoit dans aucuns; et je les jette tous au feu. […] J’en ai entendue qui m’ont parûe Jolies; Vous à t’on envoyé la Rivalité de l’Angleterre et de la Francehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210400_1key001cor/nts/004, par Mr Gaillard? […] Adieu, Je vous quitte, pour Ecrire à la grand maman; Je lui envoye vôtre lettre; Elle luy confirmera la continuation de vos sentiments pour elle, et pour son mary; Ils méritent l’un et l’autre l’estime et l’attachement du public; et surtout de vous et de moy; c’est là ce qui fonde le plus nôtre fraternité.
pourquoi mettre le nom de la divinité au bas du portrait du diable? […] Nous sommes étonnés de l'absurdité de la religion paienne, celle de la religion papiste étonnera bien d'avantage la postérité. […] Otez l'intérêt, reste la raison; et la raison n'est pas crédule. […] Le grand secret des vers c'est qu'ils puissent s'ajuster à toutes les conditions et à toutes les situations où l'on se trouve. […] Le vin n'a été inventé que pour donner de la force.
Je doûte que les morts soyent aussi contents de vous que le sont les vivants. […] Sans doûte J’aime ce Gustave, J’ay eu le bonheur de le connoitre pendant son séjour ici. Je puis vous assurer qu’il est aussi aimable dans la société, qu’il est grand et respectable à la tête de la chose publique. […] J’ay été très contente de le Kain, il a lû à merveille, mais Je ne suis point contente de la distribution des rôles, Je voudrais qu’il fît le Roi, il dit que cela ne se peut pas; Je n’entends pas les dignités théâtrales, il y en a pourtant bien de cette sorte à la cour et à la ville. […] Quand l’âme est aussi Jeune que l’est la vôtre, le corps s’en ressent; vous n’avez aucune incomodité positive.
Vous aurez de la peine à déchifrer son grifonnage. […] Convenez du moins qu'il la peint suivant ce que L'Education, et les moeurs du paÿs peuvent L'embelir ou la défigurer, et qu'il n'i a point L'uniformité dans ses personnages qu'on trouve dans presque toutes les pièces de Racine. Corneilie est plus grande que nature, j'en conviens, mais telles Etoient les Romaines, et presque toutes les grandes actions des Romains étoit le résultat de sentiment et de raisonnement qui s'Eloignoient du vray; il n'i a peutêtre que L'amour qui soit une passion naturelle, et c'est presque la seule que Racine ait peinte et rendû, et presque toujours à la manière françoise. […] Mais abandonnons cette matière, et revenons à la philosophie. […] Si vous avez quelque expédients donnez les moi.
Vous n'êtes informée que des plaisirs de Paris, et je le suis des malheurs de trois ou quatre cent mille âmes qui souffrent dans les provinces. […] Les comédiens allaient jouer la pièce lorsque des magistrats qui ont cru reconnaître nos prêtres dans les prêtres paiens s'y sont oposés. […] On la jouera si les honnêtes gens le désirent fortement; leur voix dirige à la fin l'opinion des magistrats mêmes. […] Je vous le demande avec la plus vive instance. […] Les derniers chapitres sont d'un sot et d'un ignorant qui ne sait ni le français, ni l'histoire.
Quant à la mort, raisonnons un peu, je vous prie: il est très certain qu'on ne la sent point, ce n'est point un moment douloureux, elle ressemble au sommeil comme deux goutes d'eau, ce n'est que l'idée qu'on ne se réveillera plus qui fait de la peine, c'est l'appareil de la mort qui est horrible, c'est la barbarie de l'extrême onction, c'est la cruauté qu'on a de nous avertir que tout est fini pour nous. […] Elle s'exécutera bien sans que le nôtaire et les prêtres s'en mêlent. […] Le seul plaisir de la vie à Genêve, c'est qu'on y peut mourir comme on veut. […] Vous vous faittes lire sans doute le texte, sans quoi les notes vous ennuieraient beaucoup. […] Le nombre prodigieux de fautes contre la langue, contre la netteté des idées et des expressions, contre les convenances, enfin contre l'intérêt, m'a si fort épouvanté, que je n'ai pas dit la moitié de ce que j'aurais pu dire.
Que l'académie se borne à traiter de la grammaire, à enseigner les règles, mais qu'elle ne donne point de sujets à traiter, qu'elle ne donne point d'entraves au génie, que les prix qu'elle a à distribuer soient pour les auteurs des bons ouvrages donnés aux publics; qu'on suivent en cela la méthode des Angloishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/nts/001. Enfin Monsieur, Je ne puis souffrir qu'on encourage les gens sans talents; ayez, ayez la sévérité et la fermeté de Despréaux, elles vous conviennent encore mieux qu'à luy; réformez vôtre maison; vous y avez trop de bouches, et de langues inutiles; vôtre livrée est trop nombreuse; contentéz vous d'Etre magnifique et dédaignez le faste. […] Jamais le gouvernement n'y consentira; Contenté vous de l'impression; vos Guebres sont dans les mains de tout le monde, et si vous Connoissiés nos Acteurs, vous verriés Combien ils vous sont inutiles; Ils n'ajoutent aucuns prestiges, à ce qu'ils représentent, tout au contraire, ils font voir le derrière des coulisses, et sentir tous les deffauts; vous ne pouvez être retenu par cette considération, J'en convient; mais Monsieur, vous voulés Etablir la tollerance, vous avez raison; Je voudrois que vous fussiés le premier à en ressentir les effets; pour y parvenir, prêchez la d'exemple, Contenté vous d'avoir montré la vérité, et laissé y tourner le dos à ceux qui ne la veulent point voir; vous avez tout dit; tenez vous en à ne vous pas dédire; et ne mettez point de nouveau obstacles à la chose du monde que je désire le plus, et sur laquelle J'ai eû une Conversation avec Madame Denishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/nts/002, dont elle vous rendra Compte. Votre Correspondance avec ma grand maman Gargantua me ravit; elle vous répond à ce qu'il y a de sollide, c'est ce qui doit luy appartenir; pour moy je ne suis que pour le frivole, Je ne vois point dans l'histoire des souliershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/txt/001, l'Etablissemens des Manufactures, Je n'y vois qu'un très beau sujet de conte de fées, qui pouroit surpasser Cendrillon; Voilà Monsieur, les progrès de mon esprit et de ma raison qui au bout de soixante et mille ans que J'ay vécû me mettent à Côté des enfans de quatre ans; ah! Je ne suis qu'une petite fille, mais J'ay une charmante grand maman, Il faut l'adorer Monsieur, et moy m'amuser et m'aimer toujours.
D'ailleurs, vous n'aimez guères que le plaisant. […] Elle ne sera bonne que pour les païs étrangers où l'on ne rit pas tant qu'en France, quoiqu'à présent nous n'aions pas trop de quoi rire. Si Mr L'abbé Terray vous a rogné un peu les ongles, il me les a coupées jusqu'au vif. […] L'estomac, l'estomac, Madame, est la vie éternelle. […] C'en est une fort grande que l'avanture de l'abbé Grizel.
Je soufre, je me débats contre mon éxistence que je maudis et que j'aime; je hais la vie et la mort; qui me consolera, qui me soutiendra? La nature entière est impuissante à me soulager. […] Vous ne pouviez vous empêcher de m'écrire la très philosophique et très triste Lettre que j'ai reçue de vous; et moi je vous écris nécessairement que le courage, la résignation aux loix de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir nôble de se sentir d'une autre nature que les sots, l'exercice de la faculté de penser sont des consolations véritables. […] Votre machine est une des meilleures de ce monde; n'est-il pas vrai que s'il vous fallait choisir entre la lumière et la pensée vous ne balanceriez pas, et que vous préféreriez les yeux de l'âme à ceux du corps? […] C'est une consolation de mettre son esprit sur le papier; confiez moi tout ce qui vous passe par la tête.
Je ne suis que le compagnon de vos misères, et compagnon d'ignorance de tous les autres médecins. […] Je ne crains pour lui que deux choses, les financiers et la goutte. […] De Tressan distribue à ses amis la demande et la réponse. […] La rage d'imprimer ses vers est une étrange chose, mais ce n'est pas à moi de la condamner. […] que le bon goût est rare!
J'ay fait mon possible pour l'engager à vous Ecrire directement, Je n'ay pû l'y déterminer, vous verrez les raisons qui l'en empêchent; Jugez combien elles me font sentir ma témérité; mais J'éprouve que plus la distance est grande plus la crainte diminue. Un moucheron n'a point de peur de la main qui peut l'Ecraser. […] La D. de Choiseul m'avoit encouragée à prendre la liberté de la lire, J'avois bien envie de pousser la témérité plus loin et de ne l'envoyer qu'après en avoir tiré une copie, mais Je ne voulus pas retarder d'une poste le plaisir qu'en recevroit mr Walpole. […] Vous verrez monsieur dans la lettre de mad. La D. de Choiseul, que vous pouvez lui adresser tous les jolis et charmants ouvrages qui tombent si souvent entre vos mains.
Ce 28e Juillet 1771 Il vous est Comode mon cher Voltaire, de vous persuader que Je n’aime pas les Encyclopédies; cela vous dispense de m’envoyer la vôtre, que J’aurois indépendamment de vous si on la trouvoit icy; Je n’aime point la sçience, la morale, la méthaphisyque in folio; je ne sçaurois admirer n’y me soumettre à l’hotorité et à l’importance de certains auteurs; sy J’ay tort est ce à vous de m’en punir, quand c’est à vous à qui il faut s’en prendre du peu de respect que J’ay pour ses messieurs, c’est vous qui m’avez formé le goût; leurs opinions peuvent être semblables aux vôtres, et je les adoptent volontiers; mais dans la forme et la manière ils ne vous ressemblent assurément pas. Monsieur Walpole qui est un de vos grands admirateurs, veut que je vous dise qu’il est infiniment flatté de l’honneur que vous lui faite, qu’il ne ce seroit jamais attendu à être cité par vous, et que les louanges que vous lui donnés C’est vous qui les lui faites mériter; ce sont vos ouvrages qu’il lit sans cesse; c’est l’admiration qu’ila de votre stile, quiforme le sien; mais il n’a pas cependant la présomption de le croire Encore assez bons, pour oser vous faire lui même ses remerciements; il veut qu’ils passent par moy; J’y souscrit en enfant perdû, sans craindre la critique, parce que je suis fort audessous de la prétention; C’est votre amitié que je veut mon cher Voltaire, et pour nouvelle preuve vôtre encyclopédie; vous ne devez pas Ecrire un mot sans m’en faire part; envoyé moi donc, incessamment, cette Encyclopédie affin de pouvoir la porter à Chanteloup, où j’espère aller au commencement de septembre; vous n’aurez ni rimes ni raisons de moy, que vous ne m’ayés accordé ma demande. Il me semble que vous m’aviés donné l’espérance de venir faire un tour icy; il n’i a point de tems où je ne vous désire; mais dans ce moment cy, je vous désirerois plus que dans tout autres; vous feriés connoissance avec Mr. Walpole, et je suis persuadée que vous seriés fort contant l’un de l’autre; et moy je le serois infiniment de me trouver entre vous deux; mais Vanité des Vanités Tout n’est que Vanitéhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220038_1key001cor/nts/001; J’en excepte l’amitié, que je crois quoi qu’on en dise, le plus grand bien de la vie.
La D. […] Je suis très convaincüe qu'elle y apportera toute L'activité et l'intérêt possible, il faut suivre son conseil et la laisser faire, elle n'aura pas même besoin qu'on l'en fasse souvenir. […] Ce n'est point le langage de la flaterie, c'est une vérité dont Je suis intimement persuadée. […] Vous m'avez reprochée que je n'aimois point la Musique de Gluck; venez l'entendre, et ne prononcez ma condamnation qu'après l'avoir entendûe. Après tout il n'en est pas de la musiquecomme des vers et de la prose, les organes en décident, nos oreilles peuvent être aussi diférentes de celles des autres que notre palais.
Il faut que vous n'ayez point reçû ma dernière lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190428b_1key001cor/nts/001, elle aura Eû le même sort qu'une que J'écrivis dans le même tems et que l'on ne mit point à la poste. […] Je ne me flatois pas d'avoir votre réponse avant le départ de mr Crauford qui a été le 29 du même mois, mais Je lui avois promis de la lui envoyer dès que Je l'aurois reçû. […] Les vers sont d'un très bon FRANÇOIS et d'un très bon français. Je n'ay pas la prétention ni la présomption d'attendre de telles marques de santé, mais Je désire et J'espère quelques lignes de poste pour ma satisfaction et celle de mr Crauford à qui Je les enverroient pour qu'il les montrât à mr Robertson. La grand maman est à Versailles depuis dix ou douze Jours, elle se porte bien, et le grand papa très bien, fort bien, parfaitement bien, enfin, selon notre désir et notre contentement.
Je vous avertis que la préface vous fera poufer de rire, et vous serez toute étonnée de voir que la plaisanterie n'est point déplacée. J'y joins un chant de la pucelle qui poura vous faire rire aussi. […] Il est, comme vous sçavez, le cousin de l'auteur de l'Ecossaise. […] Ne croiez pas que L'histoire de Pierre le grand puisse vous amuser autant que celle des Stuards. […] Adieu, Madame, si vous aviez des yeux, je vous dirais, venez philosopher avec nous, parce que vos yeux seraient éguaiés pendant neuf mois par le plus agréable aspect qui soit sur la terre; mais ce qui fait le charme de la vie est perdu pour vous; et je vous assure que celà me fait toujours saigner le cœur.
Vos lettres d'Amabed, m'ont fais beaucoup de plaisir; La préface, et l'épitre Dédicatoire des Guèbres, ne me paroissent pas de la même main que la Tragédiehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190087_1key001cor/nts/001. La petite fille aime les Vers; mais ce sont les vers de Monsieur Guillemet qu'elle aime; elle trouve que les Guèbres vaudroient bien mieux s'ils parloient en Prose, et du même stile que la préface et l'Epitre Dédicatoire. […] La Grand Maman est à Chanteloup depuis le vingt neuf avril, son absence a mis le Comble à mes ennuyes; elle arrive mercrédy, mais pour aller tout de suitte à Compiegne; si vous Connoissiés cette Grand Maman, vous en seriés fou; elle est comme vous, elle a tout envahie. […] Les paroles sont de Sédaine, Je ne sçaye si les ouvrages de cette auteur passeront à la Postérité; je ne sçaye pas s'il ne seroit pas dangereux qu'il devint model; les Genuite http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190087_1key001cor/nts/005 désgénèrent toujours; mais ce Sedaine a un genre qui fait un Grand effet, il a trouvé de nouvelle Cordes pour exciter la sensibilité; il va droit au Cœur, et laisse là tous les détours d'une métaphysique que Je trouve détestable en tous genres; on la place partout, et même en musique; plus la musique est recherchée et travaillée plus elle a de succés; Il y a icy un fameux joueur de violon qui faisois des prodiges sur sa chanterelle; un homme disoit à un autre, Monsieur, n'êtes vous pas enchanté, n'êtes vous au Comble de l'admiration, sentez vous combien cela est difficile? […] C'est ce que je dirois de tous les auteurs qui sautent à pied Joint sur le bon sens, pour nous faire des raisonnemens fatiguans, ennuyeux et faux; je metterois à leurs têtes Monsieur J.
Puisque vous avez vu les loix de Minos, il est juste que je vous envoie les notes qu’une bonne âme à mises à la fin de cette pièce. […] Je sais bien que l’intérêt personel d’un très grand nombre de familles, l’esprit de parti, la crainte des impôts et du pouvoir arbitraire, ont fait regreter dans Paris l’ancien parlement, mais pour moi, Madame, j’avoue que je ne pouvais qu’avoir en horreur des bourgeois tirans de tous les citoiens, qui étaient à la fois ridicules et sanguinaires. […] Je regardais la vénalité des charges comme l’oprobre de la France, et j’ai béni le jour où nous avons été délivrés de cette infamie. […] Un temps viendra où les haines des factions seront éteintes, et alors la vérité restera seule. […] Si je n’ai plus de gaieté j’aurai dumoins de la résignation et de la fermeté, un profond mépris pour toute superstition et un attachement inviolable pour vous.
Vous recevrez probablement l'éxemplaire de l'édition nouvelle par Mr D'Ogny. […] Je vous prie même de lire une note qui se trouve à la fin de la Tactique dans le même recueil. Elle est assez intéressante pour ceux qui n'aiment pas qu'on égorge le genre humain pour de l'argent. […] Je finirai bientôt ma carrière au coin de mon feu; étendez la vôtre, Madame, aussi loin que vous le pourez. […] mais la pluspart du tems tout est souffrance.
Et secondement, je n’étais pas content de l’édition dont vous avez la bonté de me parler. […] Pour peu que vous vouliez connaître le Systême de Spinosa vous le verrez assez proprement exposé dans les notes. […] Vous verrez de plus dans les notes des cabales, si j’ai eu si grand tort de me réjouir de la chute et de la dispersion de Messieurs. La pluspart sont comme moi à la campagne; je leur souhaite d’en tirer le parti que j’en tire. […] Je suis toujours malade comme je l’étais.
Il me semble que la retraitte rend les passions plus vives et plus profondes; La vie de Paris éparpille toutes les idées, on oublie tout, on s'amuse un moment de tout dans cette grande lanterne magique, où toutes les figures passent rapidement comme des ombres; mais dans la solitude on s'acharne sur ses sentiments. […] Pour moi, je voudrais manger le coeur des assassins juridiques du chevalier de La Barre. Mais j'adore le coeur de Madame La Duchesse De La Rochefoucaut. Je ne l'appelle point Madame D'Anville. […] Prenez, je vous en prie, le peu d'âme qui me reste, et quand vous l'aurez mise à vos piés, aiez la bonté de la mettre aux piés de l'âme de Madame la Duchesse de La Rochefoucaut.
Mais, mon cher Voltaire, ne vous ennuyez vous pas de tout les raisonnement métaphisiques, sur les matières inintelligibles? […] De tout ce qu'on a Ecrit sur ces matières, c'est le philosophe ignorant et la religion naturelle que Je lis avec [le] plus de plaisir. Je ne me tourmente point à chercher à connoitre ce qu'il est impossible de concevoir; l'éternité, le commencement, le plein, le wide: quel choix peut t'on faire? […] Voilà où Je m'en tiens; faire autant de bien que Je peux, le moins de mal qui m'est possible, laisser à chacun sa façon de penser, ne troubler le bonheur ni la paix de personne. Eviter l'ennuy et les indigestions, les supporter patiemment quand on ne peut faire autrement, aimer, estimer mon très bon ami Voltaire, souhaiter qu'il me survive, parler sans cesse de lui avec la grand maman, recevoir souvent de ses lettres et de ses ouvrages; voilà ce que Je désire pour le peu de Jours qui me restent.
J’eûs la visite de Mr. […] Mais mon cher Voltaire, je ne me soucie plus de rien; il n’y a de différence d’une otomate à moy, que la possibilité de parler, La nécessité de manger, et de d’ormir qui sont pour moy la Cause de mille incommodité; Je voudrois sçavoir pour quoy La nature n’est Composée que d’Etres malheureux; Car je suis persuadée, qu’il n’y en à pas un seul de véritablement heureux; et J’en suis si convaincûe, que je n’envie le sort n’y l’état de personnes; n’y d’aucunes espèces d’individus, tel qu’il puissent être, depuis l’huitre Jusqu’à l’ange. […] Si vous le sçavez dites le moy, et si vous ne le sçavez pas, n’y pensons plus. […] Voilà deux places vacantes à l’académie, et quatre mauvais discours à attendre. Ne sçachant plus que lire je relix l’Ylliade, ce Tintamare des Dieux, des hommes, des chariots, des chevaux m’étourdit; mais J’aime encore mieux cela que la fade, et languissante éloquence, La boursoufflée et amphatique Métaphysique de nos sots Ecrivains.
On dit que les dames y sont sujettes, et nous aussi, mais le fait est que vous m’écrivites que vous alliez à la campagne, et que j’ignore encor si vous y avez été ou non. […] Si vous ne l’avez pas fait vous deviez donc avoir la bonté de m’en instruire. […] Vous verrez que l’immortalité de l’âme, ou dumoins d’une petite figure aérienne qu’on appellait âme, était reçue dans ce tems là chez toutes les grandes nations. […] Il disait que la nature a tellement arrangé les choses que nous pensons par la tête comme nous marchons par les pieds. […] Il prétendait qu’il est de la dernière évidence, que l’homme est comme tous les autres animaux, et tous les végétaux, et peutêtre comme toutes les autres choses de l’univers, fait pour être et pour n’être plus.
Je pense que voylà le cas de souhaitter d'être sourde puisque la perte de vos yeux vous laisse encor des oreilles pour entendre touttes nos sottises. […] Franchement tout est de même parure depuis les remontrances et les réquisitoires jusqu'à nos romans et à nos comédies. Je trouve que le siècle de Louis 14 s'embellit tous les jours. […] Je n'avais point d'idée du bonheur réservé à la vieillesse dans la retraitte. […] Adieu madame consolez vous de votre existence et poussez la cependant le plus loin que vous pourez.
Tous les cœurs le suivirent, Car il les avait tous. […] On ne rit guère à la cour. […] Nous ririons même à la cour. […] On doit savoir qu'en chansons, hors de l'église point de salut. […] Au reste il ne faut pas s'imaginer que tous les sujets soient propres pour ces petits airs, ni qu'on puisse deviner à cent lieues l'apropos du moment; surtout quand on a sur les bras l'affaire la plus cruelle auprès de la quelle touttes les tracasseries de cour sont des roses.
Voicy une ocasion madame de montrer la bonté de votre cœur et votre crédit. La personne dont je vous parle est un jeune homme nommé mr l'abbé de Linant à qui il ne manque rien du tout que de la fortune. […] Je ne suis icy que le précurseur de mr Formont qui va bientôt obtenir cette grâce de vous, et je vous en remercieray comme si c'étoit à moy seul que vous l'eussiez faitte. En vérité si vous placez ce jeune homme vous ferez une action charmante, vous encouragerez un talent bien décidé qu'il a pour les vers, vous vous attacherez pour le reste de votre vie quelqu'un d'aimable qui vous devra tout, vous aurez le plaisir d'avoir tiré le mérite de la misère et de l'avoir mis dans la meilleure école du monde. […] Adieu madame, je vous suis attaché comme l'abbé Linant vous le sera, avec le plus respectueux et le plus tendre dévouement.
J'ose même me flatter que vous n'en direz du mal qu'à moi; c'est là le comble de la vertu pour une femme d'esprit. Vous me direz que la chose est bien difficile, et que la société serait perdue si l'on ne se moquait pas un peu de ceux qui nous sont le plus attachés. C'est le train du monde, mais ce n'est pas le vôtre, et nous n'avons dans l'état où nous sommes vous et moi, de plus grand besoin que de nous consoler l'un l'autre. […] Les Jesuites, les remontrances, les réquisitoires, l'histoire du jour servent à vous distraire, et moi je suis dans le Sibérie. Cependant, vous avez voulu que ce fût moi qui me chargeas quelquefois de vos amusements; pardonnez moi donc quand je ne réussis pas dans l'emploi que vous m'avez donné; c'est à vous que je prèche la tolérance.
Avez vous lû la lettre de 18 pages de celui Là à celui Cy. Existe t'il dans le monde un aussy triste fou que ce J. […] C'est bien la peine d'avoir de l'esprit et des talens pour en faire un pareil usage. […] Vous ne l'êtes point puisque vous n'avez point soin de moi. […] C'est en fait de lecture ce qu'est la dissipation dans la vie; cela ne vaut pas l'occupation ni la société, mais cela y suplée.
Nous donnons à l’Europe de temps en temps de ces spectacles affreux qui nous feraient passer pour la nation la plus sauvage et la plus barbare, si d’ailleurs nous n’avions pas tant de droits à la réputation de l’espèce la plus frivole et la plus comique. […] Le commerce des idées est de contrebande. […] Le plus rude commis à la douane de l’entendement humain ne pourait y trouver à redire. Je ne sais si nous ne devons pas cette rigueur qu’on exerce aujourd’hui contre tous les livres à messieurs les Athées. […] Nôtre terre est un temple de la divinité.
Vivre sans aimer la vie ne fait pas désirer sa fin, et même ne diminue guères la crainte de la perdre. Ceux de qui la vie est heureuse ont un point de vû bien triste, ils ont la certitude qu'elle finira. Tout cela sont des réflexions bien oiseuses, mais il est certain que si nous n'avions pas de plaisir il y a cent ans, nous n'avions ni peine ni chagrins, et des 24 heures de la Journé, celles où l'on dore me paraissent les plus heureuses; vous ne sçavez point et vous ne pouvez sçavoir par vous même quel est l'état de ceux qui pensent, qui réfléchissent, qui ont quelque activité, et qui sont en même tems sans talent, sans passion, sans occupation, sans dissipation, qui ont eû des amis, qui les ont perdus sans pouvoir les remplaçer; Joignez à cela de la délicatesse dans le goût, un peu de dicernement, beaucoup d'amour pour la vérité; crevez les yeux à ces gens là, et placez les au milieu de Paris, de Pekin, enfin où vous voudrez, et je vous soutiendrai qu'il seroit heureux pour eux de n'être pas né. L'exemple que vous me donnez de votre Jeune homme est singulier, mais tout les maux phisiques quelque grands qu'ils soyent (excepté la douleur), attristent et abattent moins l'âme, que les chagrins que nous causent le comerçe et la société des hommes. […] Je les trouve presque toutes fort Judicieuses, mais il y en a une dans les Horaces à laquelle je ne sçaurais souscrire.
Si vous avez perdu la vue du corps, et si je suis à peuprès dans le même état quand l’hiver aproche, il me semble que nous avons conservé, dumoins les yeux de l’entendement. Avouez que le parlement d’aujourd’hui répare les crimes que l’ancien a commis en assassinant juridiquement Lalli et le Chevalier de La Barre. J’ignore si Mr D’Ogny vous a fait tenir les fragments sur l’Inde et sur ce malheureux Lalli. […] Il est fondé dumoins sur la vérité, mais il vous faut des vérités intéressantes, et je voudrais que celles là pussent vous occuper quelques moments. Je voudrais surtout qu’une bonne santé vous rendit la vie suportable; si mes ouvrages ne le sont pas.
Si vous lisez le cathéchisme des Japonois vous y reconnaîtrez aisément les Anglais. Vous verrez d'un coup d'œil que les Breuxhé sont les Hébreux, les Pispates les papistes, Therlu et Vincal, Calvin et Luther, et ainsi du reste. […] En général, le livre inspire la vertu, et rend toutes les superstitions détestables. C'est toujours beaucoup dans les amertumes dont cette vie est remplie d'être guéri d'une maladie affreuse qui ronge le cœur de la plus part des hommes, et qui conduit au tombeau par des chemins bordés de monstres. […] Il voit mourir tous ses amis les uns après les autres, celà doit porter la tristesse dans l'âme, et vous devez vous servir l'un à l'autre de consolation.
Vos derniers vers sont les plus Jolis du monde. […] Vous êtes la plus parfaite et la plus singulière des sept merveilles qu'il a produit. Je voudrois vous faire le pendant de st Michel, terrassant les Erreurs et le fanatisme: mais que d'attribus il faudroit rassembler si l'on mettoit tout ceux qui vous désignent! Si vous ne voyez pas mon nom dans la liste des souscripteurs, croyez que c'est par humilité. […] Je vais perdre tout à l'heure la grand maman, elle part Jeudy pour Chanteloup, elle va tondre ses moutons, en faire carder et filer la laine dont on fera de beaux draps et toute sortes d'Etoffes.
Tout le monde fait aisément des noëls malins, parce que tout le monde les aime, mais on n'a jamais fait de noëls galants à la louange de personne, pas même à celle de la sainte famille, dont tous les chrétiens sont convenus de se moquer à la fin de Décembre. Cependant, pour satisfaire à vôtre étrange empressement j'ai invoqué L'ombre de L'abbé Pellegrin. […] Elle recommande de taire l'auteur, non pas, hélas! sur les yeux de votre tête, mais par toute l'amitié, par le tendre attachement que Le vieux Pellegrin à pour vous. […] Laissez paître vos bêtes, Vous messieurs qui ne l'êtes pas, etca.
Je voudrois que vous le partageassiez avec moi, vous verriez ce que c’est que la philosophie pratique et vous laisseriez toute spéculation, vous vous en tiendriez à croire que le vrai bonheur est dans la paix de l’âme. […] Si vous avez quelque nouvel ouvrage addressez les moi à Paris, on me les enverra ici, on a continuellement des occasions. La grand maman se porte à merveille, elle est aussi charmante que Jamais et plus heureuse qu’elle ne l’a Jamais été. […] Je suis bien sûre des regrets que J’auray en les quittant. […] Promettez moi la consolation de m’écrire souvent, ne traittons plus les grands sujets, ne cherchons plus les vérités introuvables, tenons nous en à celles de nos sentiments, aimez moi comme Je vous aime, voilà tout ce que Je désire.
La nature nous fait déjà assez de mal sans que les hommes nous en fassent encor. Cette vie est un combat perpétuel, et la philosophie est le seul emplâtre qu'on puisse mettre sur les blessures qu'on reçoit de tous côtés; elle ne guérit pas, mais elle console, et c'est beaucoup. Il y a encorun autre secrêt, c'est de lire les gazettes. Quand on voit, par éxemple, que le Prince Ivan a été Empereur à l'âge d'un an, qu'il a été vingtquatre ans en prison, et qu'au bout de ce temps là il est mort de huit coups de poignard, la philosophie trouve là de bonnes réfléxions à faire, et elle nous dit alors, que nous devons être heureux de tous les maux qui ne nous arrivent pas, comme la maitresse de l'avare est riche de tout ce qu'elle ne dépense pointhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1120142_1key001cor/nts/003. […] Vous voiez, Madame, que je me bats les flancs pour trouver la façon d'être le moins malheureux qu'il me soit possible; car pour le mot d'heureux, il ne parait guères fait que pour les romans.
Il m’a fallu mener Le Kain tous les jours à deux lieues pour jouer la comédie auprès de Genêve, et n’aiant rien à faire du tout, j’ai été accablé des détails les plus inquiétans. […] Faittes de la prose ou des vers, ou bâtissez des villes, celà est égal, l’envie vous persécutera infailliblement. […] Je ne vous l’envoie pas parce que je ne sais pas si vous aimez Horace, si vous souffrez encor les vers, si vous avez envie de lire les miens. […] Je vous souhaitte toute la santé, tous les amusements, toute la bonne compagnie, tous les bons soupers qu’on peut mettre à la place de deux yeux qui vous manquent. […] Il est vrai que les hommes ne se mangent pas les uns les autres dans Paris comme dans la nouvelle Zélande qui est habitée par des antropophages dans huit cent lieues de circonférence, mais on se mange dans Paris le blanc des yeux fort mal à propos.
J’ai exécuté les ordres de votre grand’maman à la lettre; je n’ai prononcé son nom qu’à des étrangers qui passent continuellement par nos cantons, et j’ai conclu que l’Europe pensait comme moi. Au reste je n’écris à personne, et je ne fatigue la poste qu’à porter les montres que ma colonie fabrique. […] Je fais des vœux pour eux, moi qui ne prie jamais dieu, et qui me contente de la résignation. […] Je vois parfaitement de loin toute la méchanceté des hommes et le néant de leurs illusions. J’attends la mort en ne changeant de sentiment sur rien, et surtout sur l’attachement que je vous ai voué pour le reste de ma vie.
Si votre ami avait lu cela et bien d'autres choses faites comme cela, il ne serait pas tourmenté sur la fin de sa vie par les idées les plus absurdes et les plus détestable que la fureur et la folie aient jamais inventées; il changerait avec tous les honnêtes gens de l'Europe qui ont changé. Je l'aime malgré sa faiblesse, et je prends vivement son parti contre un marquis de Bélestat qui le traite avec la plus cruelle injustice dans un ouvrage qui a trop de vogue et qu'il faut absolument réfuter. […] Méprisez le monde et la vie, tout cela n'est qu'un fantôme d'un moment.
Enfermé dans mon sépulcre blanc, j’ignore où vous en êtes; si vous allez trouver vôtre amie à la campagne; si la personne que vous me disiez devoir être nommée Lundy a été en effet nommée et déclarée; si les avocats se sont remis à plaider; si le Châtelet continue à faire ses fonctions; si l’opéra comique attire toujours tout Paris. […] Vous faittes cas de la nation anglaise, vous avez raison de l’estimer; elle a trouvé un très beau secret, c’est qu’aucun particulier chez elle ne va jamais à la campagne que quand il lui en prend envie. […] En ce cas, ils ont besoin d’une nouvelle vertu, la seule peut être qui lui manquât, et qu’on appelle l’économie. […] comment suportez vous la vie? […] Vous ne savez pas combien le vieil hermite vous regrete.
Le commerce des pères de l'église et des savants du temps de Charlemagne ne vaut pas le vôtre. […] C'est le party que j'ay pris. […] Je prendray les eaux en n'y croyant pas, comme j'ay lu les pères. […] Voylà donc les grands motifs sur lesquels roule le commerce de la vie! Savez vous bien vous autres, ce qu'il y a de plus difficile à Paris, c'est d'attraper le bout de la journée.
Mais vous dont l'âme se porte le mieux du monde, sentez, s'il vous plait, ce que vous devez à la nature. N'est-ce donc rien d'être guéri des malheureux préjugés qui mettent à la chaine la pluspart des hommes, et surtout des femmes? de ne pas mettre son âme entre les mains d'un charlatan? […] L'ennui est le pire de tous les états. […] La douceur, et la sûreté de la conversation est un plaisir aussi réel que celui d'un rendez-vous dans la jeunesse.
Je ne suis pas de ces pédants qui le trouvent fade, et qui le condamnent pour avoir parlé d'amour lorsqu'il en devait parler. Je le regarde comme le second de nos poëtes pour l'élégance, pour la naïveté, la vérité et la précision. […] Mon département est l'abîme du néant éternel où je vais bientôt entrer. […] Comme il faut se réconcilier dans ces moments là, j'avais sur le cœur l'injustice de son mari qui me croiait un petit ingrat. […] Soiez très sûre que si j'ai perdu tout ce qui fait vivre, passions, amusements, imagination, et toutes les bagatelles de ce monde, je vous reste sérieusement attaché, et que je le serai tant que mes petites apopléxies me le permettront; je vous regarderai comme la personne de mon siècle qui est le plus selon mon coeur et selon mon goût, suposé que j'aie encor goût et coeur.
Le goût chez vous marche avant tout. […] Avouez, Madame, que dans le fond du cœur vous êtes pour elle. […] Le Roi de Prusse est allé en Moravie rendre à L'Empereur sa visite familière. Il y a actuellement entre les souverains chrétiens une cordialité qui ne se trouve pas entre les ministres. Voilà, Madame, tout ce que sait un vieux solitaire qui voit avec horreur les jours s'accourcir et l'hiver s'aprocher.
Comment ne le serai-je pas? […] La scène est dans un couvent, la principale héroine est une relligieuse; et cette relligieuse est la veuve d'Alexandre. […] Une jeune princesse se brûle comme Malagrida à la fin de la pièce. […] Le parlement luy a soutenu à la pluralité de 8 voix contre cinq qu'il était parricide. […] On l'a roué.
Je crois qu'il n'approuve guères le style du théâtre Danois. […] Je laisse faire aux Dames les honneurs de ma retraitte champêtre; c'est à elles à voir si les lits sont bons, et si on a bien fait mousser le chocolat de messieurs à leur déjeuner. […] Je souhaitte que les Danois soient aussi indulgents que lui. […] A l'égard du tonnerre c'est une bagatelle; on l'inocule comme la petite vérole. […] Le moien de n'être pas audessus de la fortune quand on est si fort audessus des autres!
Il se peut que j'aie eu tort; il se peut aussi que les autres morceaux de ce Gluk ne soient pas de la même beauté. […] J'aime encor les beaux morceaux de Lully, malgré tous les Gluk du monde. […] Le tems fera le reste. […] Mais le tems vient où le sang innocent crie vengeance. […] Si vous ne l'aimez pas vous l'estimez, et il vous le rend au centuple.
La pluspart m’ont mis dans une extrême colère. J’ai été indigné que le siècle fût tombé de si haut. […] J’exige encor que vos convives aiment le Roi de Suede, et même un peu le Roi de Pologne. […] J’exige encor que la chose soit secrette, et que vos amis aient aumoins le plaisir d’y mettre du mistère, si le mistère est un plaisir. […] Lisez ce billet, ou plutôt faittes vous le lire, puis faittes le cacheter.
J'ai le malheur d'être tout le contraire de Ciceron. […] Le singulier de tout cecy, c'est que cet homme qui a perdu la moitié de ses Etats, et qui défend l'autre par les manœuvres du plus habile général, fait tous les jours encor plus de vers que l'abbé Pélegrin; il ferait bien mieux de faire la paix, dont il a, je crois, autant de besoin que nous. J'aime encor mieux avoir des rentes sur la France que sur la Prusse. […] L'industrie de la nation répare les balourdises du ministère. […] Vous avez à Paris la consolation de l'histoire du jour, et surtout la société de vos amis.
Je l'atends avec la plus grande impatience; je vous suplie d'ordonnér qu'on la fasse partir pas les guinbardeshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190444_1key001cor/nts/002 de Lion. C'était autrefois un bien vilain mot que celui de guinbarde; mais vous savez que les mots et les idées changent souvent chez les Français, et vous vous en appércévez tous les jours. […] Vous me dites que vôtre grand papa, le mari de vôtre grand maman se porte mieux que jamais; j'étais inquiet de sa santé; vous savez que je l'aime comme monsieur l'archevêque de Cambrai aimait dieu, pour lui même. […] Je m'imagine l'entendre parler quand elle écrit. […] Vous faites très bien de chercher la dissipation, elle vous est nécessaire, comme à moi la retraite.
L'envie et la médisance sont deux nimphes immortelles; ces demoiselles ont repandu que certains philosophes que vous n'aimez pas, avaient imaginé de me dresser un Statue comme à leur député, que ce n'était point les belles Lettres qu'on voulait encourager, mais qu'on voulait se servir de mon nom et de mon visage, pour ériger un monument à la liberté de penser. […] Vous savez que le gros recueil de l'enciclopédie est prisonier d'état à la Bastille avec st Billard et st Grisel. […] Je me flatte que les noms de M: et de Madame De Choiseul à la tête des souscripteurs seront ma sauvegarde. J'aurai l'honneur de vous envoier, Madame, les articles de la petite enciclopédie que je croirai pouvoir vous amuser un peu, car il ne s'agit à nos âges que de passer le tems, et de glisser sur la surface des choses. […] Soumettons nous à la nécessité qui gouverne toute chose.
Mes yeux me refusent le service tant que la neige est sur la terre. […] On s'est mis à tirer sur les passants dans la sainte cité de maître Jean Calvin. […] Tout celà est abominable; mais les prédicants disent que c'est pour avoir la paix. […] Les honneurs chez moi ne changent point les mœurs. […] Je me soucie de la Jérusalem délivrée comme de la Jérusalem esclave des Turcs.
Vous êtes content de ses ouvrages, vous le seriez de sa personne, il est gay, simple et bon; Les esprits anglois valent mieux que les nôtres, c'est bien mon avis. Je ne leur trouve point le ton dogmatique, impératif, ils disent des vérités plus fortes que nous n'en disons, mais ce n'est pas pour se distinguer, pour donner le ton, pour être célèbre; nos auteurs révoltent par leur orgueil, leurs bravades, et quoique presque tout ce qu'ils disent soyent vrais, on est choqué de la manière, qui sent moins la liberté que la licençe, et puis ils tombent souvent dans le paradoxe et dans les sophismes, et c'est mon horreur. Jean Jacque m'est anthipatique, il remettroit tout dans le cahos. […] J'aime beaucoup ce que vous dites sur nos historiens; qu'est ce que L'histoire, si elle n'a pas l'air de la plus grande vérité? Mais quoique l'esprit philosophique soit bon à tout et partout, je n'aime pas qu'on le fasse trop sentir dans l'histoire; cela peut rendre les faits suspects et faire penser que l'historien les ajuste à ses sistèmes.
ce 28 octobre 1772 N’allez pas croire que je vous suis fort obligée, ne vous attendez pas à des remerciemens; loin de vous en devoir, si nous étions dans le tems des actes des apôtres, vous moureriés subitementhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/001. Les pauvres gens qui subirent ce châtiment étoient moins coupables que vous. Je vous nommeray dix personnes qui ont vôtre Epitre à Horace, vous m’en parlés, vous me l’offrez, vous n’attendez que mon consentement pour me l’envoyer; je me hâte de vous marquer mon empressement, vôtre réponse se fait attendre mille ans, et finit par être un refus; c’est là Comme vous traitéz vos amis, c’est à ceux qui vous déchirent les oreilles, c’est à ceux à qui vous devriés les tirer que vous communiquez ce que vous avez de plus précieux, que vous confiéz vos secrets, dont ils donnent des copies à tous leurs bons amis, dont je n’ay pas L’honneur d’être; pour dédomagement vous voulés bien me procurer d’entendre les loix de Minos. […] Je compte admettre à la lecture de vos loix de Minos Mr. et Md. de Beauveau, Mrs Crafurnthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/002 et Pontdeveyle; ce dernier sera le porteur de vôtre billethttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/003; je n’en feray usage que vers le dix ou le douzehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/004 du mois prochain; les Beauveaus ne reviendrons de Fontainebleau que dans ce tems là; vous voyez bien qu’il y a tout l’interval qu’il faut pour réparer vos torts, ce qui est fort important pour me rendre auditeur Bénévole. Nous traiterons l’article de la grand maman une autre fois; mais pour le présent point de paix ni de trève que je n’aie vôtre Epitre; voilà quelles sont mes loix, quand vous les aurez exécutées je recevray celles de Minos, avec le respect, la soumission qu’elles méritent.
&c. fait verser des larmes de sang pour la perte du goût. […] Vous ne sçauriez être de bonne foy, vous qui devriez être le deffenseur du goût, vous soutenez, vous authorisez ceux qui le détruisent, vous faites perdre la seule ressource qui nous reste. Vous nous serviriez d'armes, mais vous les faites tomber des mains quand vous donnez des louanges à tout ce qui se fait, dont votre Exemple est la critique; Je suis désolée d'être si vieille non pas assurément que je regrette de ne pouvoir pas être long tems témoin de tout ce que je blâme, mais parceque Je n'ay plus la vivacité et la force qu'il me faudroit pour vous peindre avec Energie toute mon indignation. Tout est Pradon aujourd'huy dans tout les genre. […] Vous avez raison de regretter mr De l'Isle, Je pourrois peutêtre le remplacer dans la conversation, mais pour les lettres cela est impossible.
Ma consolation est dans la lecture, dans la vue des arbres que j'ai plantés, et du bled que j'ai semé. […] Croiez moi, il vaut mieux que tout le reste; il se ruinera, mais il n'y a pas grand mal, il n'a point d'enfans, mais surtout qu'il ne haïsse point les philosophes, parce qu'il a plus d'esprit qu'eux tous; c'est une fort mauvaise raison pour haïr les gens. […] Le tître n'annonce pas un bon ouvrage. Aureste, si l'auteur qui a eu la hardiesse de le faire a la lâcheté de me l'imputer, je le déclare un coquin, et je suis bien aise qu'il le sache. […] On aime la vie, mais le néant ne laisse pas d'avoir du bon.
1er xbre 1763 L'aveugle fait ce qu'il peut pour amuser L'aveugle. Le quinze vingt des des alpes convient que les remontrances des parlements, leurs arrêts, leurs démissions, la pastorale de Monseigneur Dupuy, sont des choses fort amusantes; mais il croit que le présent conte pourait aussi faire passer un quart d'heure de temps, attendu, comme il est très bien dit dans le dit conte, que les soirées d'hiver sont longueshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110075b_1key001cor/nts/001. Il faut que les aveugles fassent des contes, ou qu'ils jouent de la viélehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110075b_1key001cor/nts/002, car si on avait perdu quatre sens, il n'y aurait autre chose à faire qu'à se réjouïr avec le cinquième. Les alpes présentent leurs respects à St Joseph. On suppose que Mr Le Président Hainaut jouït d'une parfaitte santé; on l'assure du plus tendre et du plus véritable attachement.
Celà est embarassant pour un barbouilleur de papier tel que j’ai l’honneur de l’être. […] On dit que Dieu a créé le monde pour sa gloire. Il faut l’imiter autant qu’on peut. […] Mandez moi donc la confirmation de ces bonnes nouvelles. […] Le Systême de la nature est comme le systême de Lass, il fait tort au monde; celui qui l’a réfuté (bien ou mal) a fait fort sagement.
Compté que je serais désespéré de vous causer la plus légêre affliction. Vous sentez bien que dans la situation où je suis je ne dois donner aucune prise â la calomnie, vous savez qu'elle saisit les choses les plus innocentes pour les empoisonner. […] Ils adoraient un Dieu, et ils détestaient la superstition; je n'ai rien de commun avec les philosophes modernes que cette horreur pour le fanatisme intolérant, horreur bien raisonnable et qu'il est utile d'inspirer au genre humain, pour la sûreté des princes, pour la tranquillité des états, et pour le bonheur des particuliers. […] Mais soyez bien persuadée que de toutes les amitiés la vôtre m'est la plus chère. […] Jamais personne n'a eu l'esprit plus vrai que vous; vôtre âme se peint tout entière dans tout ce qui vous passe par la tête; c'est la nature elle même avec un esprit supérieur, point d'art, point de tour, point d'envie de se faire valoir, nul artifice, nul déguisement, nulle contrainte.
Voilà la classe où je me trouve et où je suis en grande compagnie; la seule diférence, qu'il y a de moi à mes confrères, c'est qu'ils sont content d'eux, et que je suis bien Eloigné de l'être d'Eux et encore moins de moi. […] Le duc de Villars. […] L'Education d'une fille et Macare sont imprimés, ainsy je les ay. Mais je n'ay pû parvenir à avoir les trois manières. […] Vos lettres me le font entrevoir, et je ne le trouve que dans ce que vous Ecrivez.
ce 29 Juillet 1770 Ne craignez rien monsieur, pour vous, ni pour votre statüe, vous êtes l'un et l'autre a l'abri de toute atteinte; Le tems pourra endomager la statüe mais pour vous qui est-ce qui peut vous nuire? […] La grand maman a le plus sincère désir de vous obliger en tout ce que vous désirez, elle entreprend de servir Mr Deprés Crassier, et quoiqu'accablée de sollicitations aucune des vôtres ne la fatigue; elle est de retour de sa Salantehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200359_1key001cor/nts/001 depuis le 20 de ce mois, elle parte aujourd'huy pour Compiegne dont elle ne reviendra que le 27 d'aoust. […] Divertissez nous, Egayez nous, nous en avons grand besoin et moi en particulier qui m'ennuy à la mort. […] Il faut de pareilles Evénément pour qu'on se trouve heureux, celui cy laisse l'abbé Terray bien en arrière. […] J'y ajouterois, et à ce qui regarde mes amis; tout le reste est pour moi comme ce qui se passe à la Chine ou ce qui est arrivé avant le déluge.
ce 30 7bre 1763 L'aveugle Dudeffand, au soi disant aveugle, mais très clair voyant Voltaire, Je ne vous diray point pourquoy J'ay tant tardé à vous répondre; si vous avez appris la mort de mad. de Luyneshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1100422b_1key001cor/nts/001, vous avez dût deviner quelles étoient mes raisons; vous en faire le détail seroit un grand ennuy pour vous et une grande fatigue pour moi. J'aime bien mieux vous raconter ce qui se passa l'autre Jour chés le roy de Pologne; La Reine y étoit, la cour étoit nombreuse, on parla de l'instruction pastorale de L'Evêque de Puyhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1100422b_1key001cor/nts/002, on loua l'ouvrage, on Exalta l'auteur; c'est un saint, disoit le roy de Pologne; c'est un homme bien Eloquent, disoit l'un; c'est un homme bien sçavant, disoit l'autre. Tout cela est vray, dit mr Le prince de Beauvau, mais il n'aura Jamais la célébrité de son frère. […] J'aimerois à la folie avoir une correspondance avec vous si vous étiez bien aise d'en avoir avec moi, mais vous n'avez Jamais rien à me dire, ce n'est que par le public que J'apprends ce que vous pensez, ce que vous dites, ce que vous faites, vous ne me Jugez digne d'aucune confidence. […] Je suis indignée de l'Eloquence régnante, J'aime mieux le stile des halles.
http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210330_1key001cor/txt/002Voilà une triste ressemblance; J’aimerois mieux en avoir d’autres et pouvoir Ecrire des Epitres aussi charmante que celles dont vous honorez les rois. […] Je fûs l’autre Jour à L’accadémie, à la réception de mr Le p. de Beauvau et de mr Gaillard.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210330_1key001cor/txt/002 Vous verrez incessamt tous les discours. […] En qualité d’historiographe, il fit l’histoire de l’accadémie; il voulut être aussy plaisant et aussy Epigramatique que L’abbé de Voisnon; mais ce fut l’âne qui imitoit le petit chienhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210330_1key001cor/nts/001, il en rappella parfaitement la fable; ce qui tint lieu de celle de mr de Nivernois qui contre son ordinaire n’en récita point. Voilà les nouvelles que vous aurez de moy; pour les autres Je ne les apprends que dans les gazettes; on n’est pas assez pressée de les sçavoir pour qu’on ne puisse pas les attendre quatres ou cinq Jours.
Il n’a jamais été si difficile d’envoier un pot de marmelade dans vôtre païs, lorsque toute l’Europe en mange. […] Elle m’a pardonné mon goût pour Catherine, elle me pardonnera bien la juste horreur que j’ai eue de tout tems pour les pédants qui firent la guerre des pots de chambre au grand Condé, et qui ont assassiné un pauvre chevalier de ma connaissance. […] Je crois que la France est le païs où il doit y avoir le plus d’amis; car après tout l’amitié est une consolation, et on a toujours besoin en France de se consoler. Ma plus grande consolation, Madame, a toujours été la bonté dont vous m’avez honoré dans tous les tems. Vous savez si je vous suis attaché, et si je ne compterai pas parmi les plus beaux moments de ma vie le plaisir de vous entendre, car grâces à nos yeux nous ne pourons guères nous voir.
Nous sommes tous comme des prisoniers condamnés à mort qui s'amusent un moment sur le préau, jusqu'à ce qu'on vienne les chercher pour les expédierhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1120085_1key001cor/nts/002. […] La première leçon que je crois qu'il faudrait donner aux hommes c'est de leur inspirer du courage dans l'esprit, et puisque nous sommes nés pour souffrir et pour mourir, il faut se familiariser avec cette dure destinée. […] Les derniers moments sont accompagnés dans une partie de l'Europe, de circonstances si dégoûtantes et si ridicules, qu'il est fort difficile de savoir ce que pensent les mourants; ils passent tous par les mêmes cérémonies. […] Il faut avouer que les anciens, nos maîtres, avaient sur nous un grand avantage, ils ne troublaient point la vie et la mort par des assujetissements qui rendaient l'un et l'autre funestes. […] Si vous ne l'êtes pas, brûlez ma Lettre, mais conservez moi un peu d'amitié pour le peu de temps que j'ai encor à ramper sur le tas de boue où la nature nous a mis.
Vous ne sçavez donc pas la vie qu'il mène? […] Je désire le petit écrit sur les bleds, tout ce qui passe par vos mains me convient infiniment. Pratiquez avec moi l'exportation indéfini. […] Pour la rhubarbe et les discours académiques, trouvez bon que Je n'en use pas. […] Faites partire sur le champ vos trois filles pour m'en apporter l'assurance; Joignez y le petit écrit sur les bleds.
Nos malheureux Welches n'écriront jamais l'histoire comme lui. Ils sont continuellement gênés, et garotés par trois sortes de chaines, celles de la cour, celles de l'Eglise, et celles des tribunaux appellés Parlements. On écrit l'histoire en France comme on fait un compliment à l'académie française, on cherche à aranger ses mots de façon qu'ils ne puissent choquer personne. […] Le bon de l'affaire, c'est qu'Helvétius, qui dans son livre de l'esprit, n'a pas dit la vingtième partie des choses sages, utiles et hardies dont on sait gré à mr Humes et à vingt auteurs anglais, a été brûlé et persécuté chez les Welches. Tout celà prouve que les Anglais sont des hommes, et les Français des enfans.
Pour le premier il est impossible; et pour le second, J'ai profité de vos sermons sur la tolérance, Je la pratique et la professe. […] Je ne me pique pas d'être fort solide mais Je ne le suis que trop puisque Je ne suis pas heureuse et que le souvenir du mal passé m'en fait prévoir de plus grands à l'avenir. […] Il n'y a que vous mon cher Voltaire qui sachiez tirer party de tout, pour qui tous les lieux, tous les tems, tous les âges ne dérangent point votre bonheur. Vous êtes l'enfant gâté de la nature, c'est à dire le seul qu'elle a aussi singulièrement bien traité. […] Mettriez vous à fond perdû sur la tête du Ninias?
Je les ay accablé de questions, de votre santé, de la vie que vous meniez, de la façon dont j'étois avec vous, si vous pensiez à me donner votre statue ou votre buste. […] Ce n'est point par une vaine curiosité que je vous prie de m'informer de vos motifs, mais par L'intérest véritable que je prend à vous; oui monsieur de Voltaire, rien n'est si vray, je suis et seray toujours La meilleure de vos amis. […] Je les ay montréz à fort peu de personnes et si il y en a eu une d'imprimée ce fut un certain monsieur Turgot que je ne vois plus qui a une mémoire diabolique qui me joua le tour. […] Envoyez moy tout cela je vous conjure, sous l'adresse de monsieur ou de madame de Choiseul. […] Vous aimez si fort votre Catherine qu'il pourroit bien vous passer par la tête de L'aller trouver, et ce seroit une grande folie.
Il m'aprenait que vous aviez été à l'opéra d'Iphigénie et que vous aviez trouvé les vers, le récitatif, les arietes, la simphoniehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250029b_1key001cor/nts/002, les décorations mêmes détestables. […] Je suis toujours pour le siècle de Louis 14 malgré tout le mérite du siècle de Louis 15 et de Louis 16. […] Je lui bats des mains avec le peuple; et je ne le trouve pas moins injuste envers moi. Je persiste dans ma haine contre les assassins du chevalier de la Bare et du comte de Lalli, et je n'ai jamais conçu comment il avait pu être mécontent de l'horreur que j'ay eues pour des injustices aux quelles il ne peut prendre le moindre intérest. […] Je serai pénétré de reconnaissance pour lui, je le regarderai comme un génie supérieur, mais je ne lui pardonerai jamais l'erreur dans la quelle il est tombé sur mon compte.
Ils ont comme vous l'art de plaire. Dudeffans vous êtes la mère De ces enfants ingénieux. […] ce que vous faites si bien, Pourquoi si rarement le faire? […] Je le sens bien par cette lettre séduisante que vous m'avez écrite, & c'est précisément ce qui fait que j'en voudrais avoir de pareilles tous les jours. […] Vous plaire est un excellent onguent pour la brûlure.
Je ne veux pas vous conter l’avanture d’une jeune fille amoureuse d’un aveuglehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240242_1key001cor/nts/001; j’ai prié Madame Neker de vous la dire, et elle s’en acquittera bien mieux que moi; mais je ne puis réprimer l’impertinence que j’ai de vous envoier un des cailloux de mon jardin, puisque vous m’avez ordonné de jetter les pierres de mon jardin dans le vôtre. […] Je l’ai jetté à la tête d’une Dame qui était tout émerveillée que je fusse assez fou pour faire encor des vers dans un âge où l’on ne doit dire que son in manushttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240242_1key001cor/nts/003. Pardonnez moi donc la liberté grande de mettre à vos pieds cette sottise. […] Le marquis de Lafare a traduit assez heureusement cet endroit. […] Je dois me taire en vers et en prose; mais en me taisant je vous serai toujours très vivement attaché; je ferai des vœux pour que vous viviez beaucoup plus longtemps que moi, pour qu’une santé parfaitte vous console de ce que vous avez perdu, pour que vous joüissiez d’un excellent estomac, pour que vous soiez aussi heureuse qu’on peut l’être dans un monde où les douleurs et les privations sont d’une nécessité absolue.
J'ai des fluxions sur les yeux qui m'ont ôté l'usage de la vue des mois entiers. Elles se promênent quelquefois dans les oreilles, et alors je vois, mais je suis sourd; elles tombent sur la gorge, et je deviens muet. […] Il faut un corps d'Hercule pour vivre icy, mais j'y suis libre, et j'ai trouvé que la liberté valait encor mieux que la santé. […] Il y a du raisonnerhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1120011_1key001cor/nts/003; mais en vérité il y a bien rarement de la pitié et de la terreur qui sont l'âme de la vraie Tragédie. […] C'est peut être la seule occasion où les préjugés aient été bons à quelque chose.
J'espère qu'il n'en sera pas de même à l'avenir, et que vous voudray bien vous servir de l'adresse que je vous ay indiquée. Vous vous douté bien que je suis parfaitement contente de vôtre prose et de vos vers; vous êtes et vous seray toujours le même; vous dites que votre Corps s'affoiblit, vôtre âme s'en mocque, et elle Conserve la même force et la même chaleur qu'elle avoit à vingtcinq ans. Je voudrois envérité mettre sur vôtre tête les années qui me restent, vous en feriés bon usage, et celuy que J'en fais est déplorable; Je sent tout le malheur qu'il y a de n'avoir rien acquis dans sa Jeunesse; on ne vit dans sa viellesse que sur le bien d'autruy, et l'on en sent d'autant plus sa misère; mais que faire à cela mon cher Voltaire? Les chagrins et l'ennuy qui tourmentent finiront bientôt; Je sent souvent du regrets de n'avoir pas étée m'établir à Geneve, dans le tems que J'étois dans le voisinage; Je me serois trouvée dans le vôtre, mais il faut chasser toutes ces pensées, et se contenter de brouter le foin au travers duquel on est placé. Souvenez vous quelque fois de vôtre contemporaine; consolez là, aidez luy à trainer les tristes restes de sa vie.
J'ignore tout ce qui se fait àprésent sur la terre. […] Mais se retirer de la foule pour faire du bien, encourager des arts nécessaires, être supérieure à son rang par ses actions comme par son esprit, n'estce pas la véritable philosophie? […] Elle protège du haut de sa colonie de Cartage la colonie de mon hameau. Elle me fait goûter chaque jour le plaisir de la reconnaissance. Je me flatte qu'elle était dans son Roiaume dans le temps que les badauts de Paris se tuaient au milieu des fêtes assez près de son hôtel.
Cela vaut des infolios; il n’y a que la nature qui ait le pouvoir de leur répondre; elle sçaura bien arrêtter les progrès que pourroit faire leurs exemples. Nous sommes dans un siècle bien singulier; toutes les têtes sont renversée. Tel qui n’a qu’une tête de linotte ce croit un Socrate; je ne met pas de ce nombre les deux soldats; mais tous les faiseurs de brochures, qui nous infectent de leurs fadasse et ennuyeux raisonnemens. Vos Lettres me font un plaisir infini; elles me soutiennents, me consolent; la raison et l’amitié, ont tout pouvoir sur moi. […] Guibert; je n’en feray que l’usage que vous me prescrirez.
Réellement Monsieur de Voltaire faites vous bien de me parler sans cesse de mes malheurs sans chercher à les adoucirs? La grand maman a reçû dieu et les hommes, elle l'a prêté, et Je n'ay encore pû parvenir à le voir. Je m'éveille tout le Jours à 6 heures, Je lis Jusqu'à dix ou onze; rien ne m'attriste autant que de n'avoir pas de livres agréables. […] Nous avons la comodité de l'adresse de la grand maman, mais n'oubliez pas qu'il faut deux Exemplaires. […] Je ne l'ay point encore lû, mais Je vous remercie d'avance du plaisir qu'elle me fera.
Je m’offre mon cher Voltaire à être l’entrepôt de votre correspondance. Pour moi Je serois bien fâchée de renoncer directement à la vôtre. Le Rôle que J’ay à Jouer sur le théâtre de la chose publique me dispense d’avoir un sentiment, une opinion ou du moins d’en entretenir les autres. Je ne puis pas m’empêcher de m’intéresser aux Edits, surtout à ceux qui regardent les rentes viagères; J’y avoit converti tout mon bien, et mr L’abbé Terray m’apprend que J’ay assez vécû; il dit à moi et à tout ceux qui n’ont que de ces Effets là, et qui lui représentent qu’il faut bien qu’ils vivent, qu’il n’en voit pas la nécessité. […] Ne me parler plus mon cher Voltaire sur le ton de votre dernière lettre, ayez toute confiance en mon attachement, il durera autant que ma vie, Je voudrois bien que ce fût par delà et que le paradis fût de retrouver ses amis et d’être uni à Eux pour toute l’Eternité.
On les a mis à la diligence, et elle part aujourd'huy. […] Je ne connois point cet homme, et Je vous laisse à Juger si J'ay envie de le connoitre. […] Trop de gens ont la clef de leur chambre. […] Le Rôle du curé m'a plut. […] Il y a des gens qui vous l'attribue, moi J'en doûte.
Je suis toujours de la confrérie tant que les neiges couvrent nos montagnes. […] Faittes vous lire seulement les articles Adam et adultère. […] Je sers l'état; je donne au Roi de nouveaux sujets; je fournis de l'argent même à Mr L'abbé Terray; et on ne me fait pas le moindre remerciement; on ne répond point à mes Lettres; on se moque de moi; et le mari de Madame Gargantua s'en moque tout le premier. Voilà comme sont faittes les puissances de ce monde. […] L'éloignement entre les gens qui pensent est horrible.
Elle va faire le bonheur de ses vassaux aulieu d'avoir la tête étourdie du fracas des fêtes dont il ne reste rien que de la lassitude, quand elles sont passées. […] Je me figure qu'elle a une âme égale et constante sans ostentation; qu'elle n'aime point à se prodiguer dans le monde; que chaque jour elle aimera d'avantage la retraite; qu'en connaissant les hommes par la supériorité de sa raison elle aime à répandre ses bienfaits par instinct; qu'elle est très instruite et ne veut point le paraître. Voilà le portrait que je me fais de la souveraine d'Amboise au pied de mes Alpes où j'ai encor de la neige. […] On dit que le bled a manqué jusques dans ses états. […] C'est de quoi éxercer la philosophie de vôtre grand-maman.
Mais mon cher Voltaire, Je ne puis y consentir, il faut nous aimer, il faut nous le dire Jusqu’à la fin de notre vie. […] Mais ce qui m’a été infiniment agréable, ce sont les assurances qu’il m’a donné de votre souvenir et de votre amitié; confirmez les en reprenant une correspondance qui m’est plus nécessaire que je ne puis vous le dire; elle dissipe mes Ennuis, elle me fait entendre un langage que sans vous je croirais perdû. […] Ce n’est point une grande maladie qu’elle â, c’est une estomach délabré, une foiblesse extrême qui l’empêche pour le présent de voir personne. […] Je suis bien triste mon cher Voltaire; Le ciel ne m’a point donné le courage, et les âmes foibles sont en proye à tous les malheurs. […] Comme ma vie ne seroit pas assez longue pour une telle lecture et que même cette lecture pourroit l’abréger en me faisant mourir d’ennuy, indiquez moi les pages qui renferment ces belles pierres précieuses.
Je vous diray que je suis très convaincû que la mort et L'apparition du père Berthier, n'est pas de Mr Grimm, ni de quelque autre à qui l'on a donné le blâme et à qui moi Je n'en fais pas honneur. […] Je ne le devine pas. […] L'apparition de Mr Silhouette détruit le crédit et semble avoir ôté toute ressource. On nous menace tous les Jours d'impôts terribles, mais on ne sçait comment s'y prendre pour les Etablir. […] N'aurons nous pas incessamment La vie du czar?
Je désire passionément que vous m'acordiez une grâce; tout Chanteloup soupera chez moy la veille de Noëlhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250215_1key001cor/nts/001; nonseulement les maitres de la maison, mais plusieurs de leurs amis intimes; ce même soupé ce devait faire il y a quatres ans; la lettre de cachets qu'ils reçurent ce jour là y mit obstacle. […] Je voudrois quelques jolis Couplets sur ces mêmes airs, pour le G. P., La G. […] Evité moy le tourment de l'incertitude. […] Elle arriva chez moy comme il me parloit de lui, je trouvay que c'étoit le Dieu dans la machine.
Il y a déjà beaucoup de personnes qui ont reçu votre ouvrage, indépendemment de la grand maman, à qui vous l'avés envoyé par la Poste. J'ignore par quelle voyes les autres l'ont reçus; mais il est singulier que D'Argental et moy ne l'ayons pas encore; vos anciens amis ne sont pas les mieux traités; mais pour les nouveaux s'ils ne sont pas contents, ils sont difficile à satisfaire. […] Lisez vous tous les mémoires dont nous sommes innondés? Jugés vous tous Les procès? J'attends avec impatience vôtre dom Pédre, et tout ce qui l'accompagne; on Loüe extrêmement un petit Ecrit sur La raison; La mienne s'accomode bien de la vôtre, Je voudrois toujours vous lire, et c'est le parti que je seray forcée de prendre; car malgré vos magnifiques Eloges, Je ne trouve ma félicité particulière que dans ce que vous faites.
J’ay tout perdû mon cher Voltaire, et il ne me reste plus à perdre que la vie. Il n’y à que vous pour qui la viellesse soit supportable, vous avez passé pour ainsi dire de cette vie cy sans mourir à l’Eternité; vous vous êtes séparé du présent, vous tenez à tout l’univers sans tenir à personne, vous voyez, vous Jugez les Evénements sans intérêt particulier, vous vous sufisez à vous même. Mais moi mon cher Voltaire, condamnée à un cachot perpétuel Je n’avois de resourçe que la société, que l’amitié de La plus charmante personne qui ait Jamais Existée. […] Ce fut le lundy 24 que mr de Choiseul reçut sa lettre de cachet, avec ordre de partir le mardy avant midy; ils sont arrivés le mercredy à Chanteloup. Mad. de Gramont est party ce Jour là pour les aller trouver.
Vôtre grande tante faisait très bien de prendre le temps comme il vient, et les hommes comme ils sont. Mais quand le temps est mauvais il faut un abri, et quand les hommes sont ou méchants ou prévenus, il faut ou les fuir, ou les détromper. C'est le cas où je me trouve. […] C'est icy où le quinze vingt des alpes a besoin des bontés de la très judicieuse quinze vingt de st Joseph. […] Vous aurez sans doute chez vous Mr D'Argenson, et vous vous consolerez tout deux du mal que la fortune a fait à l'un, et que la nature a fait à l'autre.
qu'est ce qui les Ecoute? […] Je m'en suis fait lire les tables. Tous vos ouvrages seront ils compris dans la suitte? […] Mr de Walpole est bien Convertihttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180014_1key001cor/nts/002, il faut lui pardonner ses Erreurs passées; L'orgueil national est grand dans les Anglois, ils ont de la peine à nous accorder la supérioritez dans les choses de goût, tandis que sans vous nous reconnoitrions en Eux toute supériorité dans les choses de raisonnement. […] Il n'y a que vous qui me tiriez de L'ennuy; vous me plaignez sans cesse.
Vous m'avez lavé la tête, je vous le pardonne, je l'avois mérité. […] Il n'étoit question de Noël que pour le chant, et non pour aucunes allégories; l'Etable et la ste famille n'avoient rien à démêler avec mon soupéz et ma compagnie. […] Croyé vous que j'en usse usé de même, avec les Marmontels, les Dorats, les Colardeaux &c. […] Ne me laissé point ignorer la chôse qui me ferois le plus de plaisir. […] Si elle n'est pas de vous, ou si vous ne voulé pas qu'on vous en Croye l'auteur, Je consentirois bien volontiers qu'on pût me soupçonner de l'être.
Tout mon étonnement est que la nation ait oublié les atrocités de ces barbares. […] Rendez la moi, Madame, après cinquante années de connaissance ou d’amitié. […] Je n’ai écouté que les mouvements de mon cœur. […] Je vous plains, je vous pardonne, et je vous souhaitte tout ce que la nature et la destinée vous refusent aussi bien qu’à moi. Pardonnez moi de même l’affliction que je vous témoigne en faveur de l’attachement qui ne finira qu’avec ma vie laquelle finira bientôt.
J'admire votre patience de lire les ouvrages les plus ennuyeux du monde. […] L'ouvrage il me semble en vaut la peine. […] Je voudrois sçavoir ce que vous pensez de la pièce du Conétable. Je sçay qu'on vous l'a lüe; mais vous ne me le direz pas. […] Malgré le peu d'année que J'ay de moins que vous, J'ay bien l'espérance que vous me survivrez et que vous me dédomagerez du plaisir que J'aurois à vous revoir, en m'écrivant souvent, et en laissant la folle de votre logis courir à bride abattüe.
J’en parle tous les jours. Elles font encor la consolation de ma vie. J’ai autant d’horreur pour l’ingratitude que pour les assassins du chevalier de La Barre et pour des bourgeois insolents qui voulaient être nos tirans. […] Je vous en conjure, Madame, par tout ce qu’il y a de plus sacré dans le monde, par l’amitié. […] Je vous souhaitte toutes les consolations qui peuvent vous rendre la vie suportable.
Quand nous serons à nôtre dernier moment, nous ne sentirons plus cette différence; La mort met les Gougeats et Les Enpereurs au même rang. Je suis fort peu sensibles à la mémoires qu'on laisse de soy. […] ne trouvé vous pas que la tolérance, la liberté, sont bien difficiles à Etablir? […] Ce moment cy est cependant le tems des révolutions; Elles ont commencées par le changement de goût dans la musique. Je dois rendre justice à la pénétration de feu mr.
Mais avouez que j’ai raison quand je dis que la nature a eu beaucoup de bonté en nous rendant frivoles et vains. Si nous étions toujours occupés de l’image de nos malheurs et de nos sottises, la nature humaine serait la nature infernale. […] Je vous enverrai un résumé de tout le pour et de tout le contre de cette affaire indéchifrable qui m’intéresse par une raison assez singulière, et vous verrez dans ce petit écrit des choses plus singulières encore. […] En général, je plains fort les pauvres mortels. Je vous souhaitte en particulier, Madame, toutes les consolations dont vous êtes susceptible.
Que dite vous de l'odehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250025_1key001cor/nts/002 de Mr. […] Mr. le Duc de Choiseul reçut Vendredy dix de ce mois, la permission de venir faire sa cour; il arriva Dimanche douze à huit heures du soir, il fut le lendemain Lundy à neuf heures du matin à la Muette, il y fut très bien reçu; il revint diné et souper à Paris et partit le mardy à huit heures du matin pour retourner à Chanteloup où il étoit attendu pour soupé; cela n'est il pas assés lestes? Il compte ne revenir icy que dans le mois de décembre. […] Vous sçavé, que le Roy et les Princes ses frères seront innoculés après demain par Richardhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250025_1key001cor/nts/005, à qui on a donné le surnom sans peur. Le Roy s'établit demain à Marly; Il a ordonné à son Capitaine des garde, et à son premier gentilhomme de La chambre de ne laisser approcher de Marly, aucune personne qui n'auroit point eu la petite Vérole.
car dans les temps de neige vous savez que je suis vôtre confrère en aveuglement, et vôtre maître en souffrance; soiez donc ma disciple en discrétion. […] Si j'avais de la vanité je la mettrais à les avoir reçues. Je suis persuadé que les copies qui courent des miennes ne sont pas fidèles; je le dirai hautement. Vous savez que vous m'avez déjà mis dans la disgrâce de Montcrifhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140011a_1key001cor/nts/002, voulez vous me brouiller avec toute l'académie et la philosophie? Je commence l'année par vous gronder, j'espère, si je vis, ne la pas finir de même.
Paris ce 5 septembre 1760 J'étois en colère contre vous, votre dernière lettre m'avoit déplû, vous m'y annonciez que vous ne m'enverriez plus rien, vous me reprochiez d'aimer Freron, vous me traitiez comme l'amie ou l'alliée des Pompignans et des Palissot; J'en ay été indignée et on le seroit à moins; mais faisons la paix, venez que Je vous embrasse. Je fus avant hier à la première représentation de Tancredehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1060097b_1key001cor/nts/001, J'y ay pleuré à chaudes larmes; J'avois été quelques semaine auparavant à L'Ecossoise, qui m'avoit fait un plaisir Extrême; vous avez balayé notre théâtre de tous les marmousets d'auteurs qui L'avilissoient et le salissoient depuis deux ou trois ans. […] Je vous le déclare net, Je ne puis révérer de certaines choses que vous approuvez tant, Je suis comme Mardoché: Je n'ay devant Aman pû fléchir les genoux Ni lui rendre un honneur que l'on ne doit qu'à vous. […] Il y a un hé bien mon père http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1060097b_1key001cor/nts/003 qui remüe l'âme depuis le bout des pieds Jusqu'à la pointe des cheveux. […] Aurez vous bien la cruauté de ne me rien envoyer?
Notre corespondance qui s'étoit ranimée étoit devenû pour moi un spécifique contre l'ennuy, et voilà que vous me refusez ce secour; cela n'est pas bien, monsieur; vous connoissez si parfaitement tout les plis et replis de l'âme, tout ce qui l'afflige, tout ce qui la console, vous avez si bien démêlé combien la mienne est sensible à l'amitié qu'il est mal à vous de ne m'en pas accorder du moins quelque apparence. […] Je me suis prise d'une grande amitié pour lui, Je me suis trouvé avec lui tant de conformité dans la façon de penser, de sentir et de Juger que cela a tenû lieu de l'habitude. […] Je disois l'autre jour que Je ne serois nullement fâchée si l'on me condamnoit à ne lire qu'un seul auteur pourvû que l'on m'en laissât le choix et J'ajoutay que c'étoit comme si j'avois reçû cette condamnation parcequ'en effet je ne pouvoit plus lire que vous. Je voudrois sçavoir si l'on oseroit m'accuser d'Engoument sur ce que Je pense de vous. […] Je fais quelquefois réflexion à tout ce qui vous est arrivé depuis que vous êtes au monde, à la fatalité qui vous a conduit où vous êtes; Je trouve que votre vieillesse est une manière d'apothéose; vous êtes déifié de votre vivant, Ferney est un temple où l'on vient des bouts de l'univers vous rendre hommage; mais toute cette gloire ne sufiroit pas pour vous rendre heureux si vous éprouviez quelque diminution dans vos talents; c'est la fécondité de votre imagination, l'étonnante facilité de rendre avec clarté et précision tout ce que vous pensez qui doit vous rendre parfaitement heureux; employez cette facilité je vous conjure à m'écrire souvent et longuement.
Je vous fais des remerciemens infinis de vos attentions, continuez les moi, envoyés moi tout vos callioux, ils sont plus précieux que tous les diamants qu'on a recueilly des tems passé, et ne peuvent entrer en comparaison avec ceux du tems présent. Oui Je le proteste, mon cher Voltaire, Je n'admire que vous et Je ne puis en admirer d'autres. J'ay dit à mad. de la Valliere que vous me parliez d'elle, que vous l'aimiez toujours, elle en a été flattée au delà de toute expression, elle m'a chargée de vous le dire, et qu'elle avoit deux de vos bustes sur sa cheminée. […] C'est une perte pour tout le monde. Nos philosophes diroient pour l'humanité.
Je conviens que je suis peu amusable, que l’on me procure souvent des moments de dégoût. […] Rougissez donc, monsieur, de recevoir des impressions par vos nouvelles connaissances contre la plus ancienne et la meilleure de vos amies. […] Ne les écoutez plus, et ne donnez point à la grand’maman occasion de croire que vous êtes ingrat et injuste, elle est témoin de mon amitié et de mon admiration pour vous, repentez vous et vous obtiendrez votre pardon. […] Il paraît depuis peu un testamenthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210095_1key001cor/nts/003 dont on ne peut deviner l’auteur, il est de la main d’un diable forcé à honorer les saints. Quand vous l’aurez lu je voudrais que vous me dissiez de qui vous le croyez; c’est peut-être lui faire trop d’honneur que d’avoir cette curiosité.
23 juillet 1768 Vous avez raison, monsieur, il faut un sujet pour Ecrire; il seroit cependant facile de s'en passer; la confiance y pourroit supléer; rien n'est si agréable qu'un comerce où l'on se dit tout ce qui passe par la tête, mais Je n'en suis pas là avec vous, ce marchez seroit trop avantageux pour moi, Je vous donneroit des boules de savons en Echange de votre or en barre. […] Je vous demande d'abord pourquoy cette Enorme animosité contre Labletterie; nonseulement ses amis, mais tous les gens de sa connoissance assurent qu'il ne vous a point Eû en vüe dans la note dont vous êtes irrité; ce qui est de certain, c'est qu'il ne vous a point nommé, et vos dernières productions ne permettent à personne de vous en faire L'application. Je ne sçay qu'elle a été l'occasion qui l'a fait connoitre à mr de Choiseul, mais Je sçay que sa traduction lui est dédiée, ce qui me paroissoit sufisant pour sa sauve garde, surtout vis à vis de vous. Quand au mal que vous dites de cette traduction vous croyez bien que je n'entreprendray pas de justiffier ce que vous condamner, elle peut avoir tous les deffauts que vous lui reprochéz, mais J'ay le courage de vous avouer que le stile, tout plat qu'il vous a parû, me plait infiniment plus que celui de nos autheurs modernes, des […]http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170468_1key001cor/txt/001&c. […] Enfin si ces annalles n'étoient pas une traduction, c'est à dire si le traducteur en étoit l'auteur, Je ne vois pas à quelques phrases près, qu'il méritât une critique aussi amer.
Celui qui redevient le confrère de Madame La marquise Du Deffant quand les neiges tombent sur les alpes a l'honneur de lui envoier cette petite pièce pour joindre au procez de mr Hume contre Jean Jaques. Elle ne fera que s'en amuser; mais made La Duchesse de Luxembourg croira t'elle encor que j'ai persécuté Jean Jaques, et ne verra t-elle pas que c'est un charlatan malhonnête homme? […] Je leur souhaitte la santé que je n'ai pas.
Paris 20 7bre 1760 Non, non, monsieur, Je ne suis pas un grand Enfant, Je suis une petite viélle qui ait tous les appanages de la viéllesse excepté la mauvaise humeur. Je blâme mr de Voltaire quand il s'associe ou plutôt se fait chef d'un party qui n'a rien de commun avec lui qu'un seul article, car pour la morale et les agrémens il n'y a nulle ressemblance n'y conformité; d'ailleurs si cela vous divertit vous avez raison, n'en parlons plus. […] Le présidenthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1060137_1key001cor/nts/004 veut que Je vous dise qu'il vous désaprouve infiniment de donner le 1er tome de votre histoire du czar avant le second; Je crois Effectivement qu'il n'a pas tort, mais si le second nous faisoit trop attendre le 1er , ne suivez pas son conseil, Je suis pressée de vivre. […] Est ce ainsy qu'on traite sa plus ancienne amie, qui sans vanité est aussi bon Juge de vos ouvrages que ceux à qui vous les envoyez. La colère me prend, Je finis de peur de vous dire des injures.
Les tirans savent bien celà, car ils vous mettent quelquefois un homme entre quatre murailles sans livres. Ce suplice est pire que la question qui ne dure qu'une heure. […] Les Turcs chassés de la Moldavie, de la Bessarabie, d'Azoph, d'Erzerum et d'une partie du païs de Médée, en un mot, toute cette grande révolution que vous ignorez peut être à Paris, ne sont qu'un point sur la carte de l'univers. […] Je vous les dois, Madame; je vous en remercie du fond de mon cœur. […] Je voudrais que vous eussiez la bonté de m'en instruire quand vous n'aurez rien à faire.
Il m’a semblé que M. de Bernstorf, qui se connaissait en hommes, l’avait placé à Paris; & que ce pauvre Struenzée, qui ne se connaissait qu’en Reines, l’avait envoyé à Naples. […] Vous aimés la vérité, mais l’attrape qui peut. Je l’ai cherchée toute ma vie sans pouvoir la rencontrer; je n’ai apperçu que quelque lueur qu’on prenait pour elle. C’est ce qui fait que j’ai toujours donné la préférence au sentiment sur la raison. […] Mes misères saluent les vôtres, avec tout l’attachement & toute l’amitié imaginables.
On les dévore dans les païs étrangers; on ne saura qu'avec le tems que ce recueil n'est que la friponerie d'un homme d'esprit qui s'est amusé à faire un de ces livres que nous appellons nous autres pédants pseudonime http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220446_1key001cor/nts/003. […] On a imprimé à Paris les cabales, la bégueule, Jean qui pleure et qui rit http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220446_1key001cor/nts/005, et on les a cruellement défigurés. […] Sa santé est bien mauvaise, et les révolutions du Dannemark ne le rétabliront pas. Il fesait un peu le mistérieux à Ferney, mais son mistère était qu'il ne savait rien. […] Il n'y a que les gens peu répandus qui sachent aimer.
Je ne sçait pas mon cher Voltaire, de quel oeil vous envisagé la mort; je m’en détourne la vûe autant qu’il m’est possible; j’en feroit de même pour la vie si cela se pouvoit; je ne sçait en vérité pas laquelle des deux mérite la préférence; je crains l’une, je haïs l’autre. Ah si on avoit un véritable ami, on ne seroit pas dans cette indécision; mais c’est la pierre philosophale, on se ruine dans cette recherche; aulieu de remèdes universels, on ne trouve que des poisons; vous êtes mille et mille fois plus heureux que moy; mon Etat de quinze Vingt n’est pas mon plus grand malheur; je me Console de ne rien voir, mais je m’afflige de ce que j’entend, et de ce que je n’entend pas; le goût est perdu, ainsy que le bon sens; cecy paroitra propos de vieille, mais non en vérité; mon âme n’a point vieillie; je suis touchée du bon et de l’agréable, autant et plus que je l’étois dans ma jeunesse; cela est vray. Ne me répété donc plus que vous ne sçavez pas si telles et telles de vos ouvrages me feront plaisir; je vous ay dit mille et mille fois, et je vous le dis aujourd’huy pour la dernière, qu’il n’y a que vous que je peut lire. […] Je ne sçait pas si j’aime Horace; mais je sçait que je vous aime, sous quelque forme que vous puissiés prendre, sur quelques sujets que vous puissiés traiter; pourquoy n’aije pas les loix de Minos? […] M’ocqué vous de vos envieux, leur rage ne vous fait point de tort, et vous sçavez la leur faire tourner Contre eux même; vous en avez déjà tué trois ou quatre.
J'ay été toute des premières à l'avoir. […] Vrayment mon cher Voltaire, mon petit logement est bien à votre service, prenez moi au mot, hâtez vous de le venir occupper. […] J'ay Envoyé votre première lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220357a_1key001cor/nts/001 à la grand'maman. Je vais vous copier mot pour mot ce qu'elle m'a Ecrithttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220357a_1key001cor/nts/002: 'Dites à mr de Voltaire ma chère petite fille que comme la disgrâce n'ôte pas le goût, nous avons conservés la même admiration pour lui, mais que la circonspection que notre position Exige ne nous permet pas d'être en commerce avec un homme aussi célèbre, et qu'elle nous fait désirer qu'il ne parle de nous ni en bien ni en mal dans aucuns de ses Ecrits publics ou qui peuvent le devenir; que son silence est le plus grand Egard qu'il puisse marquer à notre situation et la marque d'amitié qu'il puisse nous donner à laquelle nous serons le plus sensible.' Adieu mon cher Voltaire, il y a plus de 50 ans que Je vous aime, J'en ay peut être encore 4 ou 5 à vous aimer; c'est ma sentence que je prononce et non pas la vôtre.
Quand je vous aurai souhaité un bon estomac, de la dissipation et de l'amusement, il en résultera seulement que je vous ai ennuyée. […] L'ancienne n'était guère plus savante, et était certainement plus tracassière. Si vous vous faites lire l'histoire, vous aurez remarqué que depuis François 1er le parlement de Paris a cru toujours ressembler au parlement d'Angleterre. […] Le monde a toujours été gouverné par des équivoques. […] Il avait une pitié charmante pour ma curiosité; il me donnait des thèmes toutes les semaines; il égayait le sérieux de ma vie, car je suis très sérieux; je fais mes moissons, je plante, je bâtis, j'établis une colonie qu'on va peut-être détruire.
Je n'ay point ajouté foy à vos nouvelles Dignités, J'ay fait semblant de les croires pour vous agacer, cela m'a réussi, j'en suis fort aise. Je ne crois pas non plus à vos appoplexies; J'ay eû en même tems que vous presque la même indisposition, que J'ay regardé comme la suite de plusieurs mauvaises digestions, quoique j'eusse fait diette, ainsi que vous, la veille et la surveille; il me reste des étourdissements qui pourroient bien avoir un faux air de disposition appoplectique; mais qu'importe! Il faut finir, cette manière n'est peut être pas la pîre. […] c'est bien moi qui ay des regrets de ne pouvoir espérer de vous revoir; mais c'est peut être tant mieux, vous m'auriés trop attachée à la vie. Ecrivés moi souvent, je voudrais avoir de vos lettres tout les jours, elles m'afermissent dans le bon goût, que l'on attaque de toutes parts.
De st Joseph ce 19e mars [1773] Quoique J’ayt tout lieu de Croire Monsieur, que vous ne m’aimez plus, Je serois très fâchée que vous me soupçonnassiés de la même indifférence. J’ay été très allarmée d’entendre dire que vous étiés fort malade; Je n’ay point passé de Jour sans m’informer de vos nouvelles; les dernières me rassurent beaucoup, J’espère qu’elles me serons confirmées par vous même. […] Je vous remerciois de la lecture que vous m’aviés procuré des loix de Minos. Je vous disois tout le bien que J’en pensois; Je ne veut point croire que l’on puisse Jamais réussir à vous refroidir pour moy. Vous avez sans doute des amis plus éclairés que moy et dont les approbations et les louanges, doivent vous flater davantage; mais souvenez vous que vous n’en avez pas de plus anciens, et dont l’attachement soit plus Constant, plus tendre, et plus sincèrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230342b_1key001cor/nts/002.
Je ne suis au fait de Rien, Je ne m’intéresse à rien, Je n’apprend les nouvelles que par les gazettes. […] Ce n’est point une fausse défaite, c’est la pure vérité. On s’y porte fort bien, on n’a de chagrin que ceux qui viennent de l’attachement et de l’amitié; mais c’est beaucoup trop J’en conviens, Je l’Eprouve par moi même. […] Indépendament du plaisir que J’aurois de vous Embrasser et de vous entretenir, Je serois bien aise de sçavoir comment vous trouvez le bel Esprit d’aujourd’huy. Ce n’est pas le vôtre ni d’aucun de vos contemporains, c’est un genre tout neuf et qui me renvoye à ne lire que le siècle de Louis XIV, et à ce qu’on a Ecrit il y a 40 ou 50 ans.
15e févr: 1771 Je vous demande en grâce, madame, de vouloir bien me faire écrire sur le champ, s’il est vrai que le grand Maman ait reçu une Lettre du patron, et si cette Lettre est aussi agréable qu’on le dithttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210260a_1key001cor/nts/001. Les petits versiculets Barmécidienshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210260a_1key001cor/nts/002 ont couru; je peux en être fâché pour eux qui ne valent pas grand chose; mais je ne saurais en être fâché pour moi qui ne rougis point d’un sentiment honnête. […] Je ne leur ai jamais demandé de grâce qu’ils ne me l’aient accordé sur le champ. […] Je voudrais vous accompagner, Madame, dans vôtre voiage, mais mon triste état ne me permet pas de me remuer, et d’ailleurs je n’ai pas le bonheur d’être de ce païs que vous aimez, et où l’on va coucher chez qui l’on veut.
Puisse t'il vous amuser et vous convaincre que la pucelle est un ouvrage très moral. […] On dit que la vie est un fonds triste qu'il faut éguaier par des couleurs claires. Ne lisez un chant de la pucelle que quand vous aurez achevé le roman suisse de Jean Jacques et le roman turc de la Popliniere.
Denis m'avoit annoncée sont départ, et Je l'ay attendû pour vous Ecrire; elle me vint voir hier, elle part m'a t'elle dit à la fin de cette semaine; elle me surprit et m'affligea beaucoup en m'apprenant que vous aviez changé d'avis et que vous ne vouliez plus venir. […] et quelle est la cause de ce changement? […] J'ay un vray chagrin de perdre cette espérance; vous auriez trouvé d'anciens et véritables amis, vous auriez fait une immensité de nouvelles connoissances, le petit nombre de gens d'esprit et la multitude de ceux qui y prétendent; vous auriez entendû Hamelethttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190296a_1key001cor/nts/001, que vous n'auriez pas reconnû; de Jolis operas comiques, qui vous charmeroient; vous auriez trouvé à ce spectacle des acteurs parfait; partout ailleurs d'abominables, excepté Molé et Preville; vous auriez vû ma grand maman, et malgré toute l'humilité qu'elle professe elle n'auroit pas résisté au plaisir de faire connoissance avec mr Guillemet. […] Adieu, monsieur, J'envie le sort de mad. Denis, Je voudrois être votre sœur et faire la partie quarrée entre vous, elle, et le père Adam.
Je prends la liberté de me dire plus que jamais vôtre confrère aussi, car il y a quatre jours que je suis absolument aveugle. Nous sommes enterrés sous la neige. […] Vôtre grand maman, Dieu merci, est moins à plaindre; elle est dans le plus beau climat de la terre; elle sera honorée par tout; elle sera plus chère à son mari; elle possède un petit roiaume où elle fera du bien. […] On les porte à plus de deux millions. […] Je pense que vôtre grand maman l’a reçue.
ce Samedy 1er aoust 1772 J’attendois ce que vous m’aviés promis Monsieur pour répondre à votre dernière lettre, ne voulant pas vous donner l’ennuie de multiplier les miennes; mais ne Voilà t’il pas que vous me forcé à vous Ecrire, pour vous accabler de plainte et de reproche! Plusieurs personne ont reçue la dernière Edition de vos quatre derniers ouvrageshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230012_1key001cor/nts/001, nommément Mr. de Beauvau; c’est Mr Marin qui les distribue, et il n’y a rien pour moy. D’où vient faut il que je sois la moins bien traitée de vos amies? […] Je luy ay déjà beaucoup parlé de vous, vous seray le sujet éternel de nos Conversations. Sur les rapports qu’il m’a fait, je juge que vous n’êtes changé en rien de ce que vous Etiés, il y a quarante ou cinquante ans; pour l’esprit j’en étois sûre, mais suivant ce qu’il dit pour la figure aussy.
L'un est de vous remercier du fond de mon cœur de tout ce que vous daignez dire de moi à made de Villette; l'autre est de vous dire que j'ai profité des instructions que mr le comte de Schomberg m'a donnéeshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1290207a_1key001cor/nts/002 sur un grand homme dont la mémoire vous sera toujours chère. […] Panckoucke, homme d'un rare mérite, fort au dessus de sa profession de libraire; je lui rends la justice qui lui est due; et soit que je sois encore en vie quand l'ouvrage sera imprimé, soit que j'aie fini ma carrière, j'espère, madame, que vous ne serez pas mécontente de la manière dont j'aurai parlé d'un général et d'un ministre qui faisait tant d'honneur à la France.
http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250230b_1key001cor/txt/001 Je vois que J'ay eu tort, que J'ay fait une demande indiscrète, que J'ay eû trop de familiarité avec le grand Voltaire, et pour m'apprendre mon devoir il m'a fait répondre par l'abbé Pellegrin. […] Oui, quatre Couplets; chantez les. […] Voilà tout le remerciemens que vous aurez. […] Je croiois aussi vous faire plaisir en vous procurant une occasion de marquer vôtre attachement en confirmant Tout ce que depuis quatre ans vous m'en aviés fait Ecrire; vous avez pris de l'humeur mal àpropos. Si vous vous en repenté, si vous avés des remords, Le mal n'est pas sans remède.
6e juin 1774 Je vous dois un quartier, Madame, il faut que je me hâte de vous le paier, parce que bientôt je ne vous en paierai plus jamais. Le petit ouvrage de Mr de Chambon m'a paru mériter que je vous l'envoie, non pas à cause de son éloquence, car je le crois un peu trop simple; mais à cause des vérités qui m'y semblent prodiguées assez sagement. […] Souvenez vous de moi, Madame, en cas qu'on m'honore jamais d'une messe des morts; et soiez bien sûre que les sept ou huit jours que j'ai encore à vivre seront emploiés à vous aimer, à vous regretter, et à souhaitter qu'il y ait aumoins dans Paris cinq ou six Dames qui vous ressemblent.
Du 19 xbre Votre dernière lettre est Etonnante, Je serois fort tentée de m'en tenir à sa signature, et d'adresser ma réponse à L'abbé Pelegrin. Non jamais mon ancien, mon bon amy Voltaire ne pouvoit prendre un tel travers avec moy; ce fâcher de ce que je n'ay pas étée Contente, de recevoir de francs Noëls, aulieu de Couplets dont mr. et md. de Choiseul fussent l'unique objet, ce vanter qu'ils ont été approuvés par une compagnie nombreuse et du meilleur Ton; me prêcher L'indulgence dont vous n'avés eû n'y n'auray jamais besoin, et dont assurément vous n'avés jamais donné l'exemple. […] Croié moy mon cher Voltaire, vous auriés Grand tort de vous broüiller avec moy, personne ne vous considère et ne vous aime d'avantage que la plus ancienne de vos amies qui n'a pas crû manquer à la Considération qu'on vous doit, en vous donnant une occasion de lui faire plaisir, et à vous celle de donner quelques marques d'attachement au Personnes qu'elle crois que vous aiméz.
30 avril 1770 Dixain, contre votre grand maman Oui J'ay tort si Je vous ay dit Qu'elle n'étoit qu'une volage; Frère du brillant avantage De sa beauté, de son esprit, Et se moquent de l'esclavage De tous ceux qu'elle assujettit. Cette image est trop révoltante; Je crois qu'on la peut définir Une adorable indifférente Faisant du bien pour son plaisir.
Paris, 11 février [1778] J'arrive mort, et je ne veux ressusciter que pour me jeter aux genoux de mad. la marquise du Deffand.
[c. 1740] http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0910208b_1key001cor/txt/002 Madame, Si J'étois homme du monde, ce seroit avec vous que Je voudrois avoir l'honneur de vivre, mais je suis homme de lettre, c'est votre approbation qu'il me faut.