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107. (1762) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Mon prêtre est le seul honnête homme de prêtre qu'on ait encor vu. […] Une jeune princesse se brûle comme Malagrida à la fin de la pièce. […] Un de nos huguenots de Geneve a été accusé d'avoir pendu un de ses enfants à Toulouse, de crainte que cet enfant ne se fît papiste. […] Il a cité ses juges sur la roue au jugement de dieu. Il y a le plus horrible fanatisme d'un ou d'autre côté.

108. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Les faits de guerre ne sont pas trop amusants, et je dis hardiment qu'il n'y a rien de si ennuieux qu'un récit de battaille, et surtout de ces batailles inutiles qui n'ont servi qu'à répandre vainement le sang humain. […] La privation de la lumière et l'acquisition d'un certain âge, ne sont pas des choses agréables. […] J'ai le tems de songer à tout celà dans ma profonde solitude avec des yeux éteints et ulcérés, couverts de blanc et de rouge. […] Il faudrait qu'une montre à répétition fût bien insolente, pour croire qu'elle est d'une nature absolument différente de celle d'un tourne broche. […] A l'égard du ridicule de ce B….

109. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vraiment il s'agit entre nous de choses plus sérieuses, attendu nôtre état, nôtre âge, et nôtre façon de penser. […] Il tombe un jour de cheval à la chasse, il se meurtrit un peu la cuisse, on lui fait une petite incision et le voilà paralitique pour le reste de ses jours; non pas paralitique d'une partie de son corps, mais paralitique à ne pouvoir se servir d'aucun de ses membres, à ne pouvoir soulever sa tête, avec la certitude entière de ne pouvoir avoir jamais le moindre soulagement; il s'est accoutumé à son état, et il aime la vie comme un fou. […] On dit quelquefois d'un homme, il est mort comme un chien, mais vraiment un chien est très heureux de mourir sans tout cet abominable attirail dont on persécute le dernier moment de nôtre vie. […] Beaucoup d'honnêtes gens n'appellent point de prêtres. […] Made De Pompadour a eu toutes les horreurs de l'appareil, et celle de la certitude de se voir condamnée à quitter la plus agréable situation où une femme pût être.

110. (1773) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Ce n’est pas que la foule des princes et des princesses de Savoye et de Loraine, ou de Loraine et de Savoye, qui étonnent la Suisse par leur affluence, m’ait pris tout mon temps; ce n’est pas que Genêve encor plus étonnée que le reste de la Suisse m’ait vu à ses bals et à ses fêtes. […] J’ai trouvé qu’il n’y avait pas plus de preuves contre lui que contre les Calas, et que les assassins du chevalier de La Barre avaient à se reprocher le sang de Lalli tout autant que celui de cet infortuné jeune homme. Mais, sachant très bien que le public ne se soucierait point du tout aujourd’hui du procez de Lalli, que tout s’oublie, qu’on ne s’intéresse ni à Louis 14 ni à Henri 4, et qu’il faut toujours piquer la curiosité de nos Welches par quelque chose de nouveau, j’ai fait un petit précis des révolutions de L’Inde, à la fin du quel la catastrophe de Lalli s’est trouvée naturellement. […] Il est bon d’avoir vôtre sufrage, mais je veux l’avoir par la force de la vérité, et je ne vous prierai pas même d’avoir la moindre complaisance. Tout ce que je crains, c’est de vous ennuier, mais après tout les objets que je vous présente valent bien tous les rogatons de Paris, et tous les détestables journaux que vous vous faittes lire pour attraper la fin de la journée.

111. (1773) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

En tout cas, il ne tient qu’à vous de ne pas vous faire lire le commencement de cet ouvrage, et d’aller tout d’un coup aux avantures de ce pauvre Lalli, à son procez criminel, à son arrêt et à son bâillon. […] Le commerce des idées est de contrebande. […] Cependant, c’est un ouvrage dans lequel il n’y a rien que de vrai et d’honnête. […] Nôtre terre est un temple de la divinité. […] Une centaine d’êtres pensants, de la première volée, sont venus dans nos cantons.

112. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il ne faut pas qu'il y ait deux hommes de ce mêtier dans une nation, mais il faut qu'il y en ait un; je me repends d'avoir dit autrefois trop de mal de luihttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050232_1key001cor/nts/005; il y a un plaisir bien préférable à tout celà, c'est celui de voir verdir de vastes prairies, et croître de belles moissons; c'est la véritable vie de l'homme, tout le reste est illusion. Je vous demande pardon, Madame, de vous parler d'un plaisir qu'on goûte avec ses deux yeux. Vous ne connaissez plus que ceux de l'âme. Je vous trouve admirable de soutenir si bien vôtre état. Vous jouïssez, au moins, de toutes les douceurs de la société.

113. (1736) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Elle a été causée par trop de travail; et quel objet ai-je dans tous mes travaux que l'envie de vous plaire, de mériter votre suffrage? Celuy que vous donnez à mes Americains et surtout à la vertu tendre et simple d'Alzire me console bien de touttes Les critiques de la petite ville qui est à quatre lieues de Paris, à cinq cent lieues du bon goust et qu'on apelle la cour. […] Tout L'ouvrage de Pope fourmille de pareilles obscuritez. […] Ne craignez point de faire la disserteuse http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870395_1key001cor/nts/004, ne rougissez point de joindre aux grâces de votre personne la force de votre esprit. […] Je vous suplie madame de me ménager les bontez de mr le p.

114. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

sera ce devant les tribunaux de la Justice humaine, ou de la Justice divine? […] ou à la Vallée de Josaphat? […] peuvent ils se laisser aller à l'envie de rire? […] Je me sçais mauvais Gréz de me détourner par cette curiosité de vous parler de ce qui m'intéresse bien d'avantage, de vôtre charmante lettre; vous nous faites passer des momens bien agréables. […] Je relis les contes de fées, ceux de mad.

115. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Les parisiennes vont chez Esculape Tronchin comme on va aux eaux de Forges; mais l'air des alpes fait plus de mal que Tronchin ne fait de bien. […] J'aime mieux vous parler de Corneille que de Rousseau; j'avoue que j'aime mille fois mieux Racine. […] Enfin, quelle foule de mauvais vers, d'expressions ridicules et basses, de pensées alembiquées et retournées, comme vous dites, en trois ou quatre façons également mauvaises! Corneille a des éclairs dans une nuit profonde, et ces éclairs furent un beau jour pour une nation composée de petits maîtres grossiers, et de pédants plus grossiers encore, qui voulaient sortir de la barbarie. […] Je vous ai trop parlé de vers.

116. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'ai été bien aise de finir par La Harpe, parce que le mari de la grand maman lui fait du bien, et lui en poura faire encor. […] n'est elle pas toute remplie d'idées ingénieuses et d'imagination? […] Un diable d'homme, inspiré par Belzébuth, vient de publier un livre intitulé le Sistême de la nature dans lequel il croit démontrer à chaque page qu'il n'y a point de Dieu. […] Il est plein de longueurs, de répétitions, d'incorrections, et malgré tout celà on le dévore. […] Je lui ai volé une partie de ses habitans, et je fonde ma petite Colonie que le mari de vôtre grand maman protège de tout son cœur.

117. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je me suis avisé d’y fonder une Colonie et d’y établir deux belles manufactures de montres. J’en forme actuellement une troisième d’étoffes de soie. […] Celà est embarassant pour un barbouilleur de papier tel que j’ai l’honneur de l’être. […] Le Systême de la nature est comme le systême de Lass, il fait tort au monde; celui qui l’a réfuté (bien ou mal) a fait fort sagement.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210039_1key001cor/txt/004 Adieu, Madame, quelque chose que vous pensiez, de quelque chose que vous soiez dégoûtée, quelque vie que vous meniez, l’hermite de Ferney vous sera tendrement attaché jusqu’au moment où il ira savoir qui a raison de Platon ou de Spinosa, de st Paul ou d’Epictete, de Confucius ou du journal chrétien.

118. (1772) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

D’où vient faut il que je sois la moins bien traitée de vos amies? C’est de tout injustice. […] Hubert, de Geneve. Je luy ay déjà beaucoup parlé de vous, vous seray le sujet éternel de nos Conversations. […] Je n’en peut rien apprendre que par vous; prouvés moy donc qu’il n’est pas changé en me traitant mieux que vous ne faite; mon amitié sincère et Constante me met en droit d’exiger de vous, toutes sorte, d’attentions et de préférences.

119. (1751) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Mais ce voiage sera fort court, et je luy ay promis de rester chez luy jusqu'au mois de septembre. […] Je n'ay jamais vu d'homme si laborieux. […] Vous me parlez de deux éditions de mes sottises. […] Ils sont d'or et de pierreries, mais j'ay peur d'avoir la main lourde. […] J'ay d'autant plus de droit à ses bontez qu'il est du siècle de Louis 14.

120. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je n'ai pas moins d'indignation de voir qu'on m'impute ce petit livre farci de citations des pères du second et du troisième siècle. […] Il y a encorun autre secrêt, c'est de lire les gazettes. Quand on voit, par éxemple, que le Prince Ivan a été Empereur à l'âge d'un an, qu'il a été vingtquatre ans en prison, et qu'au bout de ce temps là il est mort de huit coups de poignard, la philosophie trouve là de bonnes réfléxions à faire, et elle nous dit alors, que nous devons être heureux de tous les maux qui ne nous arrivent pas, comme la maitresse de l'avare est riche de tout ce qu'elle ne dépense pointhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1120142_1key001cor/nts/003. […] Il y a peut être un état assez agréable dans le monde, c'est celui d'imbécile, mais il n'y a pas moien de vous proposer cette manière; vous êtes trop éloignée de cette espèce de félicité. C'est une chose assez plaisante qu'aucune personne d'esprit ne voudrait d'un bonheur fondé sur la sottise.

121. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Le dernier acte de cette fatale pièce fait toujours de douloureuses impressions. […] Cette idée redouble mon chagrin de ne vous point voir, et de me dire que peut être je ne vous reverrai jamais. […] Il y a des gens d'un très grand mérite chez les Welches, mais le gros de la nation est ridicule et détestable. Je suis bien aise de vous le dire avec autant de franchise que je vous dis combien je vous aime, combien j'estime vôtre façon de penser, à quel point je regrete d'être loin de vous. […] Je voudrais que dans un testament on ne parlât jamais que de ses parents et de ses amis.

122. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je ne suis pas précisément comme vous, madame, mais vous souvenez vous des yeux de l'abbé de Chaulieu, les deux dernières années de sa vie? […] On a besoin absolument dans cet état de la consolation de la société. […] On a toujours espéré assez vainement de jouïr de la vie, et à la fin, tout ce qu'on peut faire c'est de la supporter. […] Nonseulement il a beaucoup d'esprit, mais il l'a très décidé, et c'est beaucoup, car le monde est plein de gens d'esprit qui ne sçavent comment ils doivent penser. […] Il y a longtemps que je suis privé du bonheur de vous voir et de vous entendre.

123. (1759) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il m'est permis d'y faire construire un petit théâtre, d'y joüer avec ses amis et devant ses amis, mais je ne voudrais pas me hazarder dans Paris avec des gens de mauvaise humeur. […] Je croïais sa tête formée sur les principes de L'Angleterre, mais il a fait tout le contraire de ce qu'on fait à Londres. […] Vous m'avez parlé, Madame, de la Lorraine, et de la terre de Craon. […] J'aurais pris volontier Craon, si je m'étais flatté d'avoir l'honneur de vous y recevoir avec Me la maréchale de Mirepoix; mais ce sont là de beaux rêves. […] Je me tiens plus habile que lui, puis que sans être Jésuite je me suis fait une petite retraite de deux lieües de païs à moi apartenantes, libres & indépendantes.

124. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Qui de vous ou de moi a tort en amitié? […] Je n’ai rien sçu de ce qui se passe depuis un an dans aucun des tripots de Paris. […] Durest, je sais beaucoup plus de nouvelles du nord que de Paris. […] Il nous comparait à un instrument de musique qui ne rend plus de sons quand il est brisé. […] Aussi cet homme parvenu à l’âge de Démocrite riait de tout comme lui.

125. (1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je ne le suis pas encore; il est vray qu'il ne s'en faut de guères, mais Je suis cependant assés encore en vie pour avoir plus besoin de vos lettres que de prières. […] Que dites vous du procès de Jean Jacques et de mr Hûme? Avez vous lû la lettre de 18 pages de celui Là à celui Cy. […] C'est bien la peine d'avoir de l'esprit et des talens pour en faire un pareil usage. […] N'en faites vous pas assez de cas?

126. (1775) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je ne suis pas de ces pédants qui le trouvent fade, et qui le condamnent pour avoir parlé d'amour lorsqu'il en devait parler. […] Vous me croiez comblé d'honneurs, et elle me croit plein de ménagements, elle se moque de mes honneurs et de mon apopléxie. Jugez si dans cet état j'ai eu des choses bien amusantes à vous dire; je ne savais aucune nouvelle ni de l'opéra comique, ni de l'assemblée du clergé. Mais vous, madame, qui vivez dans le centre des plaisirs et des grandes affaires, comment voulez vous qu'un pauvre solitaire ose vous écrire du fond de ses déserts et ses neiges, privé de toute société, et de prèsque tous ses sens, lorsque vous en avez encor quatre éxcellents? […] Je vous demanderai vos bontés comme la première de mes consolations, et je dirai, C'est auprès d'elle que j'aurais voulu passer ma vie.

127. (1768) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

C'est un chef d'œuvre de goût, de bon sens, d'esprit, d'Eloquence, de politesse, &c. […] Je ne vous parlerai plus de Lableterie, J'aurois voulû que vous n'en Eûssïez pas parlé. […] Je suis au comble de ma Joye; Je viens de recevoir pour bouquet de ma feste les sept premiers volumes de votre dernière Edition. […] La D. de Choiseul, envoyez moi sous son Enveloppe tout ce que vous aurez de nouveau. Il n'y a que vous qui me tiriez de L'ennuy; vous me plaignez sans cesse.

128. (1775) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Cependant je vous envoie une seconde édition, parce que j'aprends dans mon lit qu'il n'y a plus d'éxemplaires de la première à Geneve. […] Je vous conseille de ne vous jamais faire lire de vers; car outre qu'on en est fort las, ils sont trop difficiles à lire; vous trouverez mieux Vôtre compte avec de la prose. Je vous prie même de lire une note qui se trouve à la fin de la Tactique dans le même recueil. […] Jouïssez de tous les plaisirs que vôtre triste état vous permet. […] Je vous prie de me pardonner mes lamentations, et de croire que le bonhomme Jeremie au milieu de ses montagnes vous est aussi tendrement attaché que s'il avait le bonheur de vous voir tous les jours.

129. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

J'ay toujours oublié de vous le dire. […] femme d'un ministre, d'un secrétaire d'état, et par dessus tout d'un surintendant des postes? […] Toute personne né sans talent devroit cesser de vivre quand elle cesse d'avoir des passions. Pour moi monsieur qui n'ay point de talent, et qui ne regrette pas de n'avoir point de passion, Je voudrois n'être pas née. A quoy sert de vivre quand on ne sçait que faire de son tems?

130. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il ne devait pas outrager un homme de quatre vingt deux ans qui fait tant d'honneur à nôtre corps. Rougissez d'avoir pris le parti de ce pédant orgueilleux. […] Mr Le Duc De Choiseul m'a écrit trois pages de sa main pour m'assurer de l'innocence de ce janséniste. Je me repents bien d'avoir répondu guaiement, et d'avoir tourné le tout en plaisanterie. […] Le roiaume du bon goût et de l'esprit est tombé en quenouille.

131. (1767) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

On ne sçavait pas seulement qu'il fût party; on n'avait ni dessein de l'arrêter ni envie de le retenir; on ne sçait où il va. […] Je me plains de ce que vous ne me parlez point de ce qui vous regarde, douteriez vous que Je m'y intéresse? […] J'approuve fort le grand Bossuet de l'importance qu'il a mis au Rêve de la palatine, et de l'avoir célébré en chaire. […] J'ay la plus Extrême impatience de l'avoir. […] Vous en imposerez à tous ceux qui y entreront, combien de sottises peutêtre m'éviterez vous de dire et d'entendre!

132. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

L’état même de ma santé ne me permettrait pas de vous voir ce qu’on appelle en visite. […] Vôtre triste état vous met dans la nécessité d’être consolée par la société, et cette société qu’il me faudrait chercher d’un bout de la ville à l’autre me serait insuportable. Elle est surtout empoisonnée par l’esprit de parti, de cabale, d’aigreur, de haine qui tourmente tous vos pauvres parisiens et le tout en pure perte. […] Tout ce que je puis faire pour le présent c’est de vous aimer de tout mon cœur comme j’ai fait pendant environ cinquante années. […] J’ai été désolé de l’idée qu’on a eue que j’ai pu changer de sentiment.

133. (1773) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

24e xbre 1773 Quoique je n’aie rien d’intéressant à vous dire, Madame; quoique je n’aie nulle nouvelle à vous mander, ni de la Suisse, ni de Genêve, ni de l’Allemagne; quoiqu’on m’écrive que vous vous divertissez, que vous donnez à souper la moitié de la semaine, et que vous allez souper en ville l’autre moitié; quoique d’ordinaire je ne puisse prendre sur moi d’écrire une Lettre sans avoir un sujet pressant de la faire; quoi que mes journées soient remplies par des occupations qui m’accablent et ne me laissent pas un moment, il faut pourtant que je vous écrive, dussai-je vous ennuier. Je ne veux pas vous conter l’avanture d’une jeune fille amoureuse d’un aveuglehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240242_1key001cor/nts/001; j’ai prié Madame Neker de vous la dire, et elle s’en acquittera bien mieux que moi; mais je ne puis réprimer l’impertinence que j’ai de vous envoier un des cailloux de mon jardin, puisque vous m’avez ordonné de jetter les pierres de mon jardin dans le vôtre. […] Pardonnez moi donc la liberté grande de mettre à vos pieds cette sottise. Il y a pourtant dans cette pauvreté je ne sais quoi de philosophique et d’assez vrai, mais ce n’est rien de dire vrai, il faut le bien dire, et puis celà n’est bon que pour ceux qui ont lu Tibulle en latin, et vous n’avez pas cet honneur. […] Je dois me taire en vers et en prose; mais en me taisant je vous serai toujours très vivement attaché; je ferai des vœux pour que vous viviez beaucoup plus longtemps que moi, pour qu’une santé parfaitte vous console de ce que vous avez perdu, pour que vous joüissiez d’un excellent estomac, pour que vous soiez aussi heureuse qu’on peut l’être dans un monde où les douleurs et les privations sont d’une nécessité absolue.

134. (1773) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Puisque vous avez vu les loix de Minos, il est juste que je vous envoie les notes qu’une bonne âme à mises à la fin de cette pièce. […] Je sais bien que l’intérêt personel d’un très grand nombre de familles, l’esprit de parti, la crainte des impôts et du pouvoir arbitraire, ont fait regreter dans Paris l’ancien parlement, mais pour moi, Madame, j’avoue que je ne pouvais qu’avoir en horreur des bourgeois tirans de tous les citoiens, qui étaient à la fois ridicules et sanguinaires. […] Je regardais la vénalité des charges comme l’oprobre de la France, et j’ai béni le jour où nous avons été délivrés de cette infamie. […] Je n’ai fait ma cour à personne, je n’ai demandé aucune grâce à personne, la satisfaction de manifester mes sentiments, et de dire la vérité, m’a tenu lieu de tout. […] Si je n’ai plus de gaieté j’aurai dumoins de la résignation et de la fermeté, un profond mépris pour toute superstition et un attachement inviolable pour vous.

135. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

L'adoucissement de cette malheureuse vie serait d'avoir auprès de soi, et sous sa main un ami qui pensât comme nous, et qui parlât à nôtre cœur et à nôtre imagination le langage véritable de l'un et de l'autre. […] J'ai de l'horreur pour la vie de Paris, mais je voudrais aumoins y passer un hiver avec vous. […] Celà me fait penser à la queue du siècle de Louïs XIV que j'ai eu l'honneur de vous envoier. […] Le seul homme presque, de l'âme de qui je fasse cas, est monsieur grand-maman; mais je me garde bien de le lui dire. Pour vous, madame, je vous dis très naïvement, que j'aime passionnément vôtre façon de penser, de sentir, et de vous exprimer, et que je me tiens malheureux dans mon bonheur de campagne, de passer ma vieillesse loin de vous.

136. (1754) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Nous ne sommes que des violons de village. […] aux amours de Didon? […] Peut-on traduire de la musique? […] Si vous avez encor mr de Formont je vous prie madame de le faire souvenir de moy; et s'il est parti je vous prie de ne me pas oublier en luy écrivant. […] La maladie ne laisse pas d'avoir de grands avantages; elle délivre de la société.

137. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'aurai besoin d'une opération aux yeux que je n'ose hazarder au commencement de l'hiver. […] J'ai ouï parler d'un jeune homme fort aimable d'une jolie figure, aiant de l'esprit, des connaissances, un bien honnête, qui après avoir fait un calcul du bien et du mal, s'est tué à Paris d'un coup de pistolethttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190318_1key001cor/nts/002. Il avait tort puisqu'il était jeune, et que par conséquent la boëte de Pandore lui apartenait de droit. […] Aureste, si l'auteur qui a eu la hardiesse de le faire a la lâcheté de me l'imputer, je le déclare un coquin, et je suis bien aise qu'il le sache. […] On aime la vie, mais le néant ne laisse pas d'avoir du bon.

138. (1760) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

On est inondé ici de petittes brochures qu'on vous attribûent toutes sous prétexte qu'en Effet il y en a quelques unes de vous. […] J'ay pris le party de nier qu'aucun de ces ouvrages fussent de vous; ce n'est pas qu'il n'y en ait quelques uns où Je n'ay crû vous reconnoitre, mais Je désaprouve si fort que vous soyez pour quelque chose dans la guerre des rats et des grenouilles (comme vous la nommez fort bien) que Je ne puis consentir à flatter la vanité d'un des deux partis, et même de tous les deux en vous croyant l'ami des uns et l'ennemi des autres. […] Si vous reveniez ici monsieur, Je serois bien étonnée si aucun de tous ces gens là vous paraissoit aimable, et digne de votre protection. Il y en a d'honnêtes gens J'en conviens, et même qui ont du goût et de l'esprit, mais nul usage du monde, nulle politesse, nulle gaité, nul agrément. […] Permettez moi de finir par un conseil.

139. (1759) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

de L'Egypte, et de Babilone? […] Je n'en aproche point du tout; mais j'ai donné aumoins une légère idée de cette école de peinture. […] Mon ami le Czar Pierre a créé en 20 ans un Empire de deux mille lieües; les Scithes de mon Impératrice Elisabeth viennent de battre mon roy de Prusse, tandis que nos grandes armées sont chassées par les paysans de Zell, et de Wolfenbutel. […] C'est un trésor de plaisanteries dont il n'y a point d'idée ailleurs. […] Je ne vous demande que la Lecture de 50 pages de ce 3e livre.

140. (1770) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Son testament est de 1766, il avoit alors son bon sens. […] De ses amis il n'en parle point. […] C'est bien à vous de parler ainsy, vous qui êtes (comme vous me l'Ecrivez) le plus ancien de mes amis! […] Votre Epitre au Roy de la Chine me plait infiniment. […] La grand maman et la petite fille n'ont elles pas sujet de se plaindre de n'en pas entendre parler?

141. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Ce bouquet n’est pas d’œillets et de roses, il y entre un peu d’épines et de chardons, mais il faut proportioner les offrandes aux saints. Il est triste qu’il entre nécessairement un peu de fleurs de Lys dans ce malheureux bouquet. […] Si nous étions toujours occupés de l’image de nos malheurs et de nos sottises, la nature humaine serait la nature infernale. […] Je vous enverrai un résumé de tout le pour et de tout le contre de cette affaire indéchifrable qui m’intéresse par une raison assez singulière, et vous verrez dans ce petit écrit des choses plus singulières encore. […] Conservez moi un peu d’amitié du fond de votre st Joseph à mes Alpes et à mon grand lac.

142. (1754) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je pensais que vous étiez à peu près dans l'état de madame de Staal, aïant par dessus elle le bonheur inestimable d'être libre, de vivre chez vous, et de n'être point assujettie chez une Princesse à une conduite génante qui tenait de l'hippocrisie, enfin d'avoir des amis qui pensent et qui parlent librement avec vous. […] C'est quand cette espérance nous manque absolument, ou lorsqu'une mélancolie insuportable nous saisit, que l'on triomphe alors de cet instinct qui nous fait aimer les chaines de la vie, et qu'on a le courage de sortir d'une maison mal bâtie qu'on désespère de racomoder. […] L'un de ces deux philosophes était une fille de dix-huit ans, à qui les jésuites avaient tourné la tête, et qui pour se défaire d'eux est allée dans l'autre monde. […] Il y a six mois que je ne sorts point de ma chambre, et que de douze heures du jour j'en souffre dix. […] Mais le plus vrai et le plus cher de mes désirs serait de passer avec vous le soir de cette journée orageuse qu'on appelle la vie.

143. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

et quelle est la cause de ce changement? […] Je me faisois une feste de vous embrasser, de vous dire un million de choses qu'on ne sçauroit Ecrire. J'ay un vray chagrin de perdre cette espérance; vous auriez trouvé d'anciens et véritables amis, vous auriez fait une immensité de nouvelles connoissances, le petit nombre de gens d'esprit et la multitude de ceux qui y prétendent; vous auriez entendû Hamelethttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190296a_1key001cor/nts/001, que vous n'auriez pas reconnû; de Jolis operas comiques, qui vous charmeroient; vous auriez trouvé à ce spectacle des acteurs parfait; partout ailleurs d'abominables, excepté Molé et Preville; vous auriez vû ma grand maman, et malgré toute l'humilité qu'elle professe elle n'auroit pas résisté au plaisir de faire connoissance avec mr Guillemet. […] Quand il ne prend pas soin de mon amusement Je suis prête à me pendre. […] Adieu, monsieur, J'envie le sort de mad.

144. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous reconnaîtrez que c'est un recueil de pièces écrites par des mains différentes. Il est d'ailleurs rempli de fautes d'impression et de calculs erronés qui peuvent faire quelque peine au lecteur. […] C'est toujours beaucoup dans les amertumes dont cette vie est remplie d'être guéri d'une maladie affreuse qui ronge le cœur de la plus part des hommes, et qui conduit au tombeau par des chemins bordés de monstres. […] Je prie Mr Le Président Hainaut de souffrir que je ne le sépare point de vous dans cette Lettre, et que je lui dise icy que je lui serai attaché jusqu'au dernier moment de ma vie. […] Un redoublement de mes maux qui me prend actuellement me remet dans mon lit, et m'empèche de dicter plus longtemps combien je suis dévoué à tout deux.

145. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

9e auguste 1771 de ma maison de quinze-vingt à la vôtre Envoiez moi des pâtes d’abricots de Genêve. […] Il n’a jamais été si difficile d’envoier un pot de marmelade dans vôtre païs, lorsque toute l’Europe en mange. […] Elle m’a pardonné mon goût pour Catherine, elle me pardonnera bien la juste horreur que j’ai eue de tout tems pour les pédants qui firent la guerre des pots de chambre au grand Condé, et qui ont assassiné un pauvre chevalier de ma connaissance. […] Je crois que la France est le païs où il doit y avoir le plus d’amis; car après tout l’amitié est une consolation, et on a toujours besoin en France de se consoler. […] Vous savez si je vous suis attaché, et si je ne compterai pas parmi les plus beaux moments de ma vie le plaisir de vous entendre, car grâces à nos yeux nous ne pourons guères nous voir.

146. (1758) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je vous plains d'être privée d'une consolation qui vous était nécessaire. […] Je m'aperçois bien qu'il n'y a que les morts d'heureux. […] Ayez la bonté de m'en dire des nouvelles. […] Mille raisoneurs et pas un seul homme de génie, plus de grâces, plus de guaité. La disette d'hommes en tout genre fait pitié.

147. (1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je ne donnay point de copie de celle ou vous plaisantiez sur Montcrif, mais on la lû devant un certain mr Turgot qui retient tout ce qu'il entend lire, et Je fus confondüe quelques Jours après d'apprendre qu'il en couroit des copies. […] Je suis très convaincû qu'on seroit ravi de me brouiller avec vous et que messrs les philosophes modernes ne me veulent pas de bien, ils seroient ravis de me faire perdre votre correspondance et votre amitié. […] Je n'ay point l'honneur de leur ressembler; Je leur laisse toute leur célébrité et je serois bien fâchée d'y participer. […] Mandez moi le plutôt que vous pourrez que vous êtes persuadé de tout ce que ce vous dis, et qu'il n'est au pouvoir de personne de nous mettre mal ensemble. […] Je n'auray de plaisir à vous Ecrire que quand J'auroy reçüe de vous une lettre qui détruise le chagrin que me fait celle que Je viens de recevoir.

148. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je crois le fond de son caractère un peu sérieux, d'une couleur très douce, toute brodée de fleurs naturelles. […] Voilà le portrait que je me fais de la souveraine d'Amboise au pied de mes Alpes où j'ai encor de la neige. […] J'ai mis sous sa protection des essais de ma manufacture de montres. Que ne suis-je un de ses vassaux d'Amboise! […] C'est de quoi éxercer la philosophie de vôtre grand-maman.

149. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Celà est de fort mauvaise augure. […] Je pourais offrir ma protection en Sibérie, et au Kamshatka, mais en France j'ai besoin de la protection de bien des gens, et même de celle du Roy. Il ne faut donc pas que ma statue de marbre m'écrase. Je me flatte que les noms de M: et de Madame De Choiseul à la tête des souscripteurs seront ma sauvegarde. J'aurai l'honneur de vous envoier, Madame, les articles de la petite enciclopédie que je croirai pouvoir vous amuser un peu, car il ne s'agit à nos âges que de passer le tems, et de glisser sur la surface des choses.

150. (1775) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Car sachez qu'on sert de la casse sur la table du roi de Maroc, comme chez nous de la gelée de Pomme ou de grozeille. […] Mais le sublime de la médecine domestique est à mon gré d'avoir un jour dans le mois consacré à la rubarbe. Je quitte ma robe de médecin, pour vous parler des filles de Minée. […] Je tâche de vous amuser de loin, ne pouvant m'aprocher de vous. […] Il n'y a point pour nous d'autre philosophie.

151. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Et si Salomon a fait l'ecclesiaste, vous êtes de l'avis du plus sage et du plus voluptueux de tous les rois. […] Je croirai avec vous qu'il eût baucoup mieux valu au prince Ivan de n'être pas né, que d'être empereur au berceau pour vivre vingt quatre ans dans un cachot et pour y mourir de huit coups de poignard. […] Il faut attendre l'occasion de quelque voiageur. […] Savez vous madame qu'il m'en coûte infiniment d'écrire? […] Adieu madame, je vous aime de loin, et je vous aime encor plus de près.

152. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Depuis ma correspondance avec l'Empereur de la Chine, je me suis beaucoup familiarisé avec les rois; mais je crains un certain public de Paris qu'il est beaucoup plus difficile d'aprivoiser. […] Il y en a un d'un Jesuite qui est l'auteur d'un livre intitulé Tout se dira, et d'un autre intitulé, il est tems de parler. Pour moi je ne me mêle point du tout des affaires d'état. Je me contente de dire hautement que je serai attaché à Mr le Duc et à Made la Duchesse de Choiseul, jusqu'au dernier moment de ma vie. […] Il y a bien de la générosité et de la finesse dans ce tour qui n'est pas assurément commun.

153. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Efforcez vous, je vous en prie, d'être de mon avis. […] C'est le sentiment de plusieurs gens de bien qui sont aussi gens d'esprit. […] C'est un grand plaisir d'avoir un parti, et de diriger un peu les opinions des hommes. […] C'est un chef d'œuvre de versification, mais de barbarie sacerdotale. […] Avez vous jamais lu, madame, la Tragédie de Saül et de David?

154. (1761) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Si vous avez imaginé que vous retrouveriez la politesse et les agréments des Lafare et des St Aulaire, l'imagination des Chaulieu, le brillant d'un Duc de la Feuillade, et tout le mérite du président Hainaut, dans nos littérateurs d'aujourd'hui, je vous conseille de décompter. […] Je ne suis point du tout jaloux de mes opinions, mais je le suis de pouvoir être utile; et je ne peux l'être qu'avec l'approbation de L'académie. […] Occupez vous de Pierre Corneille, il en vaut la peine par son sublime et par l'excèz de ses misères. […] Je ne pardonnerai jamais à ce jésuite, d'avoir plus parlé de frère Cotton, que de Henry 4, et de laisser à peine entrevoir que ce Henry 4 soit un grand homme. […] Je me mets aux pieds de made la Duchesse de Luxembourg.

155. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

C'est le malheur de l'absence. […] J'ai beaucoup de foi à son goût par tout ce que vous m'avez dit d'elle, et je n'en ai pas moins à son esprit par quelques unes de ses lettres que j'ai vues, soit entre les mains de mon gendre Dupuits, soit dans celles de Guillemet, typographe en la ville de Lyon. […] Malgré le penchant qu'ont les gens de mon âge à préférer toujours le passé au présent, j'avoue que de mon tems il n'y avait point de grand maman de cette trempe. […] Vivez, madame, avec des amis qui adoucissent le fardeau de la vie, qui occupent l'âme, et qui l'empêchent de tomber en langueur. […] Cette méthode rafraichit la mémoire, et empêche le goût de se rouiller, mais on ne peut user de cette recette à Paris; on y est forcé de parler à souper de l'histoire du jour; et quand on a donné des ridicules à son prochain on va se coucher.

156. (1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Si vous ôtez à ces sortes de gens leur préjugés, que leur restera t'il? […] C'est de croire fermement ce que l'on ne comprend pas. […] Voilà en gros ce que Je pense; si Je causois avec vous Je me flate que vous ne penseriez pas que je préférasse les charlatans aux bons médecins; Je seray toujours ravie de recevoir de vous des instructions et des recettes, donnez m'en contre l'ennuy, voilà de quoy J'ay besoin. […] L'abbé Bazin est un habile homme, je l'honore, Je le révère, mais il se donne trop de peines et de soins; il ne sçait pas le conte de la Coutûre qui n'aimoit pas les sermons. […] Adieu monsieur, soyez persuadé de ma tendre amitié, elle est plus tendre et plus sincère que celle de vos académiciens et de vos philosophes.

157. (1751) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Et puis figurez vous combien il est plaisant d'être libre chez un Roy, de penser, d'écrire, de dire tout ce qu'on veut. […] C'est un petit coin de terre que je dispute à un homme qui possède cent lieues de pays. […] J'aimerais bien mieux la faire lire à des personnes de votre espèce que de l'exposer au public. […] Mais l'autheur a été plus adroit que moy, il s'est bien donné de garde d'écrire en français. […] ou de la Sorbonne?

158. (1765) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

un homme de 30 ans Ecriroit il avec plus de force, d'Elégance et de délicatesse? La première partie surtout m'a charmée, la dernière sent un peu plus l'âge mûr, j'en conviens, mais, monsieur de Voltaire, amant déclaré de la vérité, dites moi de bonne foy l'avez vous trouvé? […] Existe t'il quelque chose de réel, tout n'est il pas illusion? […] Quand vous trouverez l'occasion de me faire de nouveaux présens profitez en je vous suplie. […] Pour moi qui n'ait point d'ambition je me borne à avoir quelques uns de ses livres sur mes tablettes, dont il y a une partie que Je n'ay point lüe et une autre que Je ne reliray jamais.

159. (1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Paris ce 25 Juin 1764 Vous êtes bien récalcitrant de Refuser de voir mad. de Jaucourt, la petite fille de mad. […] Comme je ne veux point vous tromper, je ne vous diray point ce qu'elle pense de St Augustin et de Calvin, mais j'ay peine à croire, qu'elle ne les sacrifia pas volontier au plaisir de passer une journée chés vous? Oh vous la verrez j'en suis sûre, vous ne voudriez pas que je vous Eusse sollicitée en vain; elle a assés d'esprit pour être charmée de vous, et sûrement assés de vanité pour se faire un grand honneur de vous avoir vû. […] Vous êtes content de ses ouvrages, vous le seriez de sa personne, il est gay, simple et bon; Les esprits anglois valent mieux que les nôtres, c'est bien mon avis. […] Convenez, monsieur de Voltaire, que J'abuse bien de l'ordre que vous m'avez donné, de vous communiquer toutes mes pensées et que je suis bien sotte de vous obéir.

160. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je les passe à me faire lire ce que vous m'envoyé; vos correspondans en Hollande vous serve bien, Communiqué moy toujours tout ce qu'ils vous envoyent; la grand Maman est bien contente de vous; Je reçois d'elle les mêmes remerciemens que vous me faite et Je vous en dois à l'un et à l'autre, de m'admettre en un si aimable Commerce; Monsieur Craufurudhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190379_1key001cor/nts/001 dont je vous ay parlé il y à quelques années, est icy depuis quelques jours; il s'en ira bientôt, j'en suis très fâchée; il a beaucoup d'esprit, beaucoup de goût, et de justesse; il à un peu d'amitié pour moy, et de l'adoration pour vous; il m'a priés de vous parler de luy, de vous faire souvenir du tems qu'il a passé avec vous; il à un ami dont la réputation ne vous est pas inconnüe, c'est Mr. Robertson; vous savez qu'il a fait l'histoire d'Ecossehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190379_1key001cor/nts/002, et la vie de Charlequinthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190379_1key001cor/nts/003; cet auteur voudrait vous faire hommages de ses ouvrages; je me suis chargée de vous en demander la permission; J'ay assuré que je n'aurois pas de peine à l'obtenir; Je désire qu'il puisse voir votre réponsehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190379_1key001cor/nts/004, ainsy Je vous supplie qu'elle soit de façon à le satisfaire; son respect, sa vénération pour vous sont extréme; ce qui me fait juger de son esprit et de son mérite. Vous voulez que je vous mande des nouvelles; Le grand Papa, se porte toujours fort bien; il est aussi charmant que jamais; il n'y a plus que luy en qui l'on trouve de la grâce, de l'agrément et de la gayeté; hors lui tout est sot, extravaguant, ou pédant. […] Adieu mon cher et ancien amy, je vous aime de tout mon coeur. […] J'attends avec grande impatience ce que vous me promettez à la fin de l'hiver; cela sera t'il gaye?

161. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il me parlait de vous, et vous ne m'en disiez mot. […] Je suis toujours pour le siècle de Louis 14 malgré tout le mérite du siècle de Louis 15 et de Louis 16. […] Je ne suis pas acoutumé à en recevoir de pareils. […] Pour vous madame je vous pardonne de ne m'avoir jamais instruit de rien, et d'avoir voulu que je vous écrivisse de mon désert où j'ignorais tout ce qui se passait dans le monde. […] M. de Lille a eu plus de compassion que vous.

162. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Si à ces disgrâces de la nature la fortune se contentait d’ajouter la ruine de ma colonie je me consolerais encore. […] J’ai abhorré avec l’Europe entière les assassins du chevalier de La Barre, les assassins de Calas, les assassins de Sirven, les assassins du comte de Lally. […] Je ne sais rien dans mes déserts de ce qui s’est passé derrière les coulisses de ce théâtre de Polichinelle. […] Soyez très sûre, Madame, que je mourrai en regretant de n’avoir pu passer auprès de vous quelques dernières heures de ma vie. Vous savez que vous étiez selon mon cœur, et que je suis le doien de tous ceux qui vous ont été attachés; je suis même le seul qui vous reste de vos anciens serviteurs.

163. (1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Paris ce 10 7bre 1764 Vous n'avez point eû de mes nouvelles monsieur, parce que depuis six semaines ou deux mois je suis noire comme de l'encre, ne prenant part à rien, m'ennuyant de tout, sans désirs, sans sentiment, et m'affligeant toujours du malheur d'être née; car quoique vous en puissiez dire c'est le seul véritable puisqu'il est le princippe et la cause de tout les autres, mais comme il est inutile de s'en affliger, il est ridicule de s'en plaindre. […] De toutes les pratiques accoutumés il ne fut question que de l'extrême onction. […] Le président de Montesquieu fit tout ce qu'on a coutume de faire et dit tout ce qu'on voulut lui faire dire. […] J'en suis fort mécontente je vous l'avoue; ne prenez pas la peine de vous Excuser par de mauvaises raisons, elles augmenteroient mon mécontentement. […] Il a reçû des compliment de tout le monde.

164. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous n'êtes informée que des plaisirs de Paris, et je le suis des malheurs de trois ou quatre cent mille âmes qui souffrent dans les provinces. […] Un jeune homme de la plus grande espérance, plein de candeur et de génie, m'aporta il y a près de six mois cet ouvrage que je vous ai envoié. J'ai beaucoup travaillé avec lui, je l'ai aidé de mon mieux. […] Les derniers chapitres sont d'un sot et d'un ignorant qui ne sait ni le français, ni l'histoire. Mon dernier chapitre à moi c'est de vous aimer très tendrement, et de souhaitter avec une passion malheureuse de vous voir et de vous entendre.

165. (1768) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

La D. de Choiseul, malgré ses ordres Je vous l'envoye; Je n'ay garde de lui obéïr en réduisant sa lettre à un Extrait de ma façon, ce seroit une profanation envers elle et un vol manifeste que je vous ferois. […] La D. de Choiseul m'avoit encouragée à prendre la liberté de la lire, J'avois bien envie de pousser la témérité plus loin et de ne l'envoyer qu'après en avoir tiré une copie, mais Je ne voulus pas retarder d'une poste le plaisir qu'en recevroit mr Walpole. […] Vous verrez monsieur dans la lettre de mad. La D. de Choiseul, que vous pouvez lui adresser tous les jolis et charmants ouvrages qui tombent si souvent entre vos mains. Adieu mon cher et ancien ami, ayez plus de confiance en moi et vous ne serez plus embarassé de m'Ecrire.

166. (1765) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

M. le chevalier de Bouflers avec son esprit, sa candeur, sa gaucherie pleine de grâces et la bonté de son caractère, ne sait ce qu'il dit. […] Il y a dans une vaste enceinte de quatre vingt lieues un horison bordé de montagnes couvertes d'une neige éternelle. Il part quelquefois de cet Olimpe de neige, un vent terrible qui aveugle les hommes et les animaux. […] La bonne compagnie devrait être de la famille de Mathusalem. J'espère du moins que vous et votre ami serez de la famille de Fontenelle.

167. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Le médecin du canton que j'habite est un ignorant de très mauvaise humeur qui s'est imaginé que je fesais très peu de cas de ses ordonnances. […] J'ai donc pris le parti de rire de la médecine avec le plus profond respect, et de déjeuner comme les autres avec des attestations d'apoticaires. […] Elles ne sont faittes que pour un certain ordre de gens. […] On y trouve les portraits de tous les gens qui fesaient du bruit dans le monde du tems de Mlle Scudéri. […] Mettez moi aux pieds de vôtre grand-maman, mais, si elle n'a pas le bonheur d'être folle de l'Arioste je suis au désespoir de sa sagesse.

168. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Monsieur de Bellestat, et luy, sont en communauté de bien; La Beaumelle fait passer sous son nom tout ce qu'il veut; il se tient visiblement cachéz derrière luy; et le Bellestat ce flatte de passer pour l'autheur et ce persuade peutêtre à la fin qu'il l'est en effet; si vous ne le connoissez que par ses lettres, et si vous ne l'avez jamais vû, vous êtes excusable de vous y tromper; mais ceux qui le connaisse s'accordent tous à dire, que c'est un bœuf, et en même tems un petit maitre, plein de toutes sortes de prétentions; on avoit déjà Ecrit icy du Languedoc, qu'il se donnoit pour l'auteur de cette Brochure; mais il a beau faire et beau dire, on ne le croira pas. […] La Grand Maman a reçue une lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180258b_1key001cor/nts/002 charmante de Mr Guillemet, Typographe en la ville de Lyon; il luy envoye deux exemplaires de l'A, B, C; ah, cet homme est tout aussy aimable que vous, et bien obligeant; il m'auroit envoyé un exemplaire du siècle de Louïs quatorze et de Louïs quinze, s'il y avoit pensé; j'espère qu'à l'avenir il ne nous laissera manquer de rien; oh, je n'ay garde, Monsieur, de vous croire l'auteur de L'A. […] Huet, il n'y a que luy qu'on puisse vous préférer; J'approuve le jugement qu'il porte de Montesquiou; il révolte plusieurs personnes; mais l'extrême admiration qu'on a pour ce bel Esprit ressemble assez à la vénération qu'on a pour les choses sacrée, qu'on respecte d'autant plus que l'on ne les comprend pas; Il y a un petit indouze, dont le titre est: Génie de Montesquiouhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180258b_1key001cor/nts/003; il y a quelques traits brillants, trasendants, mais quantité d'autres infiniment obscurs, inintelligibles, des Lieux communs, des pensées fausses; Jamais, jamais je ne souffrirez patiamment qu'on mette en paralelle Mr. de Montesquiou avec Messieurs Huet, et Guillemet; La Grand Maman est bien de cet avis; vous l'adoreriés si vous la Connoissiés, cette Grand Maman; vous êtes bien souvent le sujet de nos Conversations; elle voudroit que vous abandonnassiés La Bletterie, mais elle ne peut s'empêcher de rire de tout ce qu'il vous fournit de plaisant. […] Les vershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180258b_1key001cor/nts/004 de L'abbé de Voisnon au Roy de Dannemark, L'Epigrammehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180258b_1key001cor/nts/005 de Saurin, sur vous, cela ne vous a t'il pas paru bien bon? Les oraisons funèbres, les discours de l'académie, Comment tout cela vous paroit il?

169. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je me suis toujours aperçu qu'on n'est le maître de rien. […] Sentiments, passions, goûts, talents, manière de penser, de parler, de marcher, tout nous vient je ne sçais comment, tout est comme les idées que nous avons dans un rêve, elles nous viennent sans que nous nous en mêlions. […] Ce serait la philosophie de la nature. […] Je vous assure, Madame, que je voudrais bien voir une petite esquisse de l'espèce humaine de vôtre façon. Dictez quelque chose, je vous en prie, quand vous n'aurez rien à faire; quel plus bel emploi de vôtre temps que de penser?

170. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il n'y en a aucun qui aproche de Spinosa. […] Elle m'envoie le portrait de son beau visage entouré de vingt gros diamants, avec la plus belle pelisse du nord, et un Code de loix aussi admirable que nôtre jurisprudence française est impertinente. […] Ce n'est ni le parlement de Paris, ni la Sorbonne qui ont établi des chaires de professeurs en nôtre langue dans ces païs autrefois si barbares. […] Soiez très sûre, madame, que vos Lettres ont fait de mon envie extrême de vous revoir une très grande passion. […] La mienne prend la liberté d'embrasser la vôtre.

171. (1763) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous voiez surtout à merveille le ridicule de la façon d'écrire d'aujourd'hui. […] J'essaierai de vous faire parvenir un petit morceau dans ce genre, qui vous mettra au fait de bien des choses; celà est court, et n'est point du tout pédant. Le grand malheur de notre âge, madame, c'est qu'on se dégoûte de tout. […] Vous en avez beaucoup, et il est soutenu par la société de vos amis. Je vous prie de dire à Monsieur le Président Hainaut, que je lui serai bien sincèrement attaché pour tout le reste de ma vie.

172. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Figurez vous madame que la tragédie de Richard trois qu'ils comparent à Cinna, tient neuf années pour l'unité de temps, une douzaine de villes et de champs de batailles pour unité de lieu, et trente sept événements principaux pour unité d'action. […] Elle luy reproche d'avoir tué son mari. […] Va, je n'ay pas le courage de te tuer. […] Elle va enterrer son mari, et les deux amants ne parlent plus d'amour le reste de la pièce. N'est il pas vrai que si nos porteurs d'eau faisaient des pièces de téâtre, ils les feraient plus honnêtes?

173. (1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

D'où vient est ce que Je n'entend plus parler de vous? […] Je me suis prise d'une grande amitié pour lui, Je me suis trouvé avec lui tant de conformité dans la façon de penser, de sentir et de Juger que cela a tenû lieu de l'habitude. […] Je voudrois sçavoir si l'on oseroit m'accuser d'Engoument sur ce que Je pense de vous. […] Je fais quelquefois réflexion à tout ce qui vous est arrivé depuis que vous êtes au monde, à la fatalité qui vous a conduit où vous êtes; Je trouve que votre vieillesse est une manière d'apothéose; vous êtes déifié de votre vivant, Ferney est un temple où l'on vient des bouts de l'univers vous rendre hommage; mais toute cette gloire ne sufiroit pas pour vous rendre heureux si vous éprouviez quelque diminution dans vos talents; c'est la fécondité de votre imagination, l'étonnante facilité de rendre avec clarté et précision tout ce que vous pensez qui doit vous rendre parfaitement heureux; employez cette facilité je vous conjure à m'écrire souvent et longuement. […] Enfin monsieur, ayez pitié de moi et ne, me laissez pas périr d'Ennuy.

174. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous savez que j'aproche plus de quatrevingt que de soixante et dix, et vous n'ignorez pas combien la réputation d'octogénaire me flatte et m'est nécessaire. Vous êtes très coupable envers moi d'avoir étriqué mon âge aulieu de lui donner de l'ampleur. […] Le général m'a envoié de Rome ma patente. […] Il est vrai que je n'ai pas les bonnes fortunes du capucin de made de Forcalquier, mais on ne peut pas tout avoir. […] Je me soucie de la Jérusalem délivrée comme de la Jérusalem esclave des Turcs.

175. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Et secondement, je n’étais pas content de l’édition dont vous avez la bonté de me parler. […] Si vous aimez à vous moquer des systèmes de nos rêveurs, il y aura encor de quoi vous amuser. Vous verrez de plus dans les notes des cabales, si j’ai eu si grand tort de me réjouir de la chute et de la dispersion de Messieurs. […] C’est ainsi qu’il m’a rendu ridicule d’un bout de l’Europe à l’autre. […] Au bout de quatre ans de guerre, aulieu de mettre des impôtes elle augmente d’un cinquième la paie de toutes ses troupes.

176. (1768) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Mon fils adoptif Dupuits est pénétré de vos bontés. Il a dû vous rendre compte de la vie ridicule que je mène. Il y a trois ans que je ne suis sorti de ma maison; il y a un an que je ne sors point de mon cabinet, et six mois que je ne sors guères de mon lit. […] Je suis occupé de vôtre état. […] Je suis de tous les cirons le plus anciennement attaché à vous, et comme je disais fort bien dans le commencement de ma Lettre, malgré mon respect pour vous, Madame, je vous aime de tout mon cœur.

177. (1760) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Jamais on n'a été plus affligée que Je le fus samedy dernier à l'ouverture d'une lettre où l'on m'apprenoit que vous étiez mort subitement; Je fis un cri, J'eux un saisissement, qui sont des preuves bien sûres de tout ce que Je pense pour vous; Je fus dans le moment aussy touchée, aussy pénétrée qu'on le peut être de la perte de L'amy le plus intime avec qui l'on passe sa viehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050245_1key001cor/nts/001. […] Sçavez vous ce qui vous arrivera si vous ne m'écrivez pas et si vous ne m'envoyez pas vos deux chants de la pucelle? Je vous tiendray pour mort et Je feray dire des messes pour le repos de votre âme dans tous les couvents de Jesuites; Je vous feray louer, célébrer, canoniser, par tous les Pompignans, Je vous attriburay tous les petits Ecrits que l'on débite dans les maisons sous votre nom, et Je ne me révolteray plus comme J'ay fait Jusqu'à cette heure, que tous nos sophistes de philosophes prétendent faire cause commune avec vous? […] Vous êtes le plus ingrat et le plus indigne des hommes si vous ne répondez point à L'amitié que J'ay pour vous et si vous ne vous faites pas une obligation et un plaisir d'avoir soin de mon amusement. Tancrede, Zulime, La vie du czar, Le Recueil de vos idées, ne verrai-je rien de tout cela?

178. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Nous sommeshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/004 de petites roues de la grande machine, de petits animaux à deux pieds, et à deux mains comme les singes, moins agiles qu'eux, aussi comiques, et aiant une mesure d'idées plus grande. […] Il n'a dépendu ni de vous ni de moi de perdre les yeuxhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/nts/003, d'être privés de nos amis, d'être dans la situation où nous sommes. […] Vous ne pouviez vous empêcher de m'écrire la très philosophique et très triste Lettre que j'ai reçue de vous; et moi je vous écris nécessairement que le courage, la résignation aux loix de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir nôble de se sentir d'une autre nature que les sots, l'exercice de la faculté de penser sont des consolations véritables. […] C'est une consolation de mettre son esprit sur le papier; confiez moi tout ce qui vous passe par la tête. […] Vous ne vous doutez pas de ce mêtier là, c'est pourtant celui de nos premiers pêres.

179. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous sentez donc ce qu'on doit aux gens de son party. […] Je ne sçais si vous avez vu une lettre de moy au Roy de Pologne Stanislas. […] C'est ce qui fait que les cartes employent le loisir de la prétendue bonne compagnie d'un bout de l'Europe à l'autre, c'est ce qui fait vendre tant de romans. […] Je vous adresserai dans quelque temps un exemplaire de l'empire de touttes les Russies. Il y a une préface à faire pouffer de rire qui vous consolera de l'ennuy du livre.

180. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Mais j’ai un scrupule; on dit que son mari a autant de dettes qu’il a fait de belles actions. On les porte à plus de deux millions. […] Vous ne sauriez croire combien je suis fâché de mourir sans vous avoir revues l’une et l’autre. […] Je vous conjure de n’en point laisser prendre de copie. […] Je suis forcé de finir en vous disant que je vous serai attaché jusqu’au dernier moment de ma vie.

181. (1770) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

J'oubliay l'autre Jour de vous envoyer le papier que voicy. Je ne doute pas que vous n'acceptiez la proposition et que vous ne soyez fort flaté d'être du nombre des 20 hommes de mérite que mr Conty doit employer à cette traductionhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200019b_1key001cor/nts/001. Je ne connois point cet homme, et Je vous laisse à Juger si J'ay envie de le connoitre. […] Je voudrois que le chant que vous traduirez en vers fût précédé et suivi par ceux de Simon le Franc, de Poinsinet, de Darnault, de Thomas &c. […] Trop de gens ont la clef de leur chambre.

182. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J’écris de ma main madame cette fois-ci, et d’une petite écriture comme votre grand’maman, malgré mes fluxions sur les yeux. […] Je n’avais pas lieu assurément de me louer de messieurs, mais apres avoir dit ce que je pensais d’eux depuis vingt ans, j’ai gardé un profond silence sur toutes les choses de ce monde, et je n’ai laissé remplir mon cœur que des sentiments que je dois à mes généreux bienfaiteurs. Je fais des vœux pour eux, moi qui ne prie jamais dieu, et qui me contente de la résignation. […] Je vois parfaitement de loin toute la méchanceté des hommes et le néant de leurs illusions. J’attends la mort en ne changeant de sentiment sur rien, et surtout sur l’attachement que je vous ai voué pour le reste de ma vie.

183. (1761) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Qu'on me montre un homme qui soutienne la gloire de la nation, Qu'on me le montre, et je promets d'aimer. […] La butte St Roc, et mes montagnes qui fendent les nües, les riens de Paris, et les riens de la retraitte, tout celà est si égal, que je ne conseillerais ni à une parisienne d'aller dans les Alpes, ni à une citoyenne de nos rochers d'aller à Paris. […] si en cas qu'il y en ait un, il se soucie de nous? […] et me pria de lui faire réponse, sitôt la présente reçüe. Je reçois de pareilles Lettres tous les huit jours.

184. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Mais le principal sujet de ma Lettre est de vous remercier du fond de mon cœur et de toutes mes forces, si j'ai des forces, de l'humanité et de la bon[té] avec laquelle vous êtes entrée dans l'affaire dont Mr D'Argental vous a parlé. […] Comme justice a besoin d'aide, je n'en connais point de plus puissante que celle de Madame la Duchesse D'Anville. […] Il n'y a point de père et de mère dont les fils ne puissent être exposés à la [même] avanture. […] Vous savez de qu[oi il s'agit.] […] Je ne vous écris, Madame, que pour vous remercier clandestinement, et pour vous dire que de près ou de loin, je vous serai dévoué jusqu'au dernier moment de ma vie avec l'attachement le plus tendre et le plus respectueux.

185. (1734) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

à Bale ce 23 may [1734] Vraiment madame quand j'eus l'honneur de vous écrire, et de vous prier d'engager vos amis à parler à Monsieur de Maurepas ce n'étoit pas de peur qu'il ne me fit du mal, c'étoit afin qu'il me fit du bien. […] madame la duchesse du Maine est elle bien fâchée que j'aye mis Newton au dessus de Descartes? […] Je comptois sortir de France pour jamais quand je donnoy la malheureuse permission il y a deux ans à Tiriot d'imprimer ces bagatelles. J'ay bien changé d'avis depuis ce temps là, et malheureusement, ces lettres paraissent en France lors que j'ay le plus d'envie d'y rester. […] Ayez la bonté de mettre une petite marque comme deux DD, par exemple; afin que je reconnoisse vos lettres.

186. (1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je conviens qu'il n'i en a point d'autres; mais c'est pour la santé de L'âme ce que sont les infusions de tilleul, de camomille, de bouillon blanchttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110168b_1key001cor/nts/001&c. […] Vous voyez que je ne me peins pas avec des couleurs trop favorables et que je vous donne de moi l'idé d'une vielle bien triste, bien attrabilaire et bien ennuyeuse; rabatez en je vous prie quelque chose, et croyez que si je passois quelques heures avec vous, j'aurois autant de gaité que j'en avois dans ma Jeunesse. […] Chargez vous de mon amusement. […] J'ay cependant éssayé d'en lire, mais le peu de bon raisonnement, de vérité qu'on y trouve, sont noyé dans un fatras d'Eloquence, de stil accadémique, à qui je préfère celui de la bibliothèque bleû. […] Il n'i a d'heureux que ceux qui n'aissent avec des talents, ils n'ont pas besoin de ceux des autres, ils portent partout leur bonheur, et peuvent se passer de tout.

187. (1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Paris 18 Juillet 1764 Vous vous trouvez peut être fort bien de L'interuption de notre corespondance, mais ne m'en faites jamais l'aveu je vous prie, Je n'ay point de plus sensible plaisir que de recevoir de vos lettres, ni d'occupations plus agréables que d'y répondre; Je sçay bien que le marchez n'est point égal entre nous mais qu'est ce que cela fait, ce n'est point à vous à compter ric à ric. http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1120031_1key001cor/txt/001Apres ce beau préambule je vous diray que ce qui a retardé ma réponse c'est que J'attendois celle de mad. de Luxembourg, je lui avoit donné les extraits de vos deux lettres; Je n'ay pas voulû me charger de vous rendre ses paroles, J'ay voulû qu'elle mit par écrit ce qu'elle pensoit, afin de n'y rien ajouter ni diminuer. Vous aurez de la peine à déchifrer son grifonnage. […] Son stil est enchanteur et continuement admirable; Corneille, n'a comme vous dites que des Eclairs, mais qui Enlèvent et qui font que malgré l'énormité de ses défaults, on a pour lui du respect et de la vénération. […] Faut il se pendre ou mourir d'ennuy?

188. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Le traducteur est un La Bastide de Chiniac avocat de son métier. […] Vous ne me dites point si elle paie des ports de Lettres, et s'il faut adresser le paquet sous l'envelope de son mari, qui ne sera point du tout content de l'ouvrage. […] Elle le demande comme vous; il faut qu'elle fasse écrire par Corby à Marc Michel Rey, libraire d'Amsterdam, et qu'il lui ordonne d'en envoier deux par la poste. […] Il a une grande âme avec beaucoup d'esprit. […] Comptez que ce cœur est plein de vous.

189. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je vous avertis que la préface vous fera poufer de rire, et vous serez toute étonnée de voir que la plaisanterie n'est point déplacée. J'y joins un chant de la pucelle qui poura vous faire rire aussi. Je vous promets encor de vous chercher des fariboles philosophiques dans ma bibliothèque; mais il faut que vous sçachiez que je ne suis guères le maître d'entrer dans ma bibliothèque à présent, parce qu'elle est dans l'apartement qu'occupe mr le Duc de Villars avec tout son monde; il nous a joüé, à huis clos, Gengis Kan, dans l'orphelin de la Chine; il vaut mieux que tous vos comédiens de Paris. […] Il est, comme vous sçavez, le cousin de l'auteur de l'Ecossaise. […] J'ai chez moi un homme d'un mérite râre, un homme de grande condition, ancien officier, retiré dans ses terres.

190. (1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Ne parlons plus de bonheur, c'est la pierre philosophale qui ruine ceux qui la cherchent; on ne se rend point heureux par sistème, il n'i a de bonnes recettes pour le trouver que celles d'une de mes grands tantes, de prendre le tems comme il vient et les gens comme ils sont. […] Ce n'est pas que je le croie Exempt de peines et de chagrins, mais ce sont de ceux qu'on à dans la Jeunesse, il est toujours dehors, il ne rentre jamais en lui même. […] Vous êtes, dit elle, le plus grand ennemi de Jean Jacques, et elle se pique d'un grand amour pour lui. […] ; de nouveaux arrangemens pour les actions de la compagnie des Indes. […] Ne vous dégoûtez point de moi, pensez à mon état et tâchez de L'adouçir, en m'écrivant très souvent.

191. (1761) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

C'est beaucoup d'avoir des amis. […] Levons nous en disant que ferai-je aujourduy pour me procurer de la santé et de L'amusement? […] Cela vaut cinquante mille fois mieux que de s'enuier en province avec une croix d'or. […] Votre société doit faire l'unique charme de sa vie. Avez vous lu la conversation de l'abbé Grizel, et d'un intendant des menus?

192. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Est il possible que votre rancune contre la Bletrie (qui sans doûte n'avoit pensé à vous) ne cède pas au désir de plaire et d'obliger ma grand maman? […] Point de guerre entre les viéllards, vous y auriez trop d'avantage, vos Ecrits n'ont que 25 ans. […] C. et de toutes les autres brochures, mais me croira t'on? […] Non non, n'ayez pas peur, rien n'altérera l'opinion que j'ay de votre religion et de votre piété. […] Ah pourquoy ne puis-je avoir l'espérance de vous revoir?

193. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'ai le malheur d'être tout le contraire de Ciceron. […] C'est encor une grande consolation de s'être formé une société de gens qui ont une âme ferme et un bon cœur. […] Le singulier de tout cecy, c'est que cet homme qui a perdu la moitié de ses Etats, et qui défend l'autre par les manœuvres du plus habile général, fait tous les jours encor plus de vers que l'abbé Pélegrin; il ferait bien mieux de faire la paix, dont il a, je crois, autant de besoin que nous. […] Nôtre destinée est de faire toujours des sottises, et de nous en relever; nous ne manquons prèsque jamais une occasion de nous ruiner et de nous faire battre, mais au bout de quelques années, il n'y parait pas. […] Vous avez à Paris la consolation de l'histoire du jour, et surtout la société de vos amis.

194. (1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Voilà ce que Je vous suplie de me dire; Je me suis figurée jusqu'à présent que nos connoissances étoient bornées aux pouvoirs, aux facultés et à l'étendüe de nos sens; Je sçay que nos sens sont sujets à l'illusion, mais quel autre guide peut on avoir? […] et comment ce seul sentiment peut il vous garantir de tous les objets qui vous environnent? Quelque puériles qu'ils soyent par eux mêmes, il est naturel que nous en soyons plus affectés que d'idées vagues qui sont pour nous le cahos ou même le néant. Pour moi monsieur Je l'advoüe, je n'ay qu'une pensée fixe, qu'un sentiment, qu'un chagrin, qu'un malheur, c'est la douleur d'être née; il n'i a point de rôle qu'on puisse joüer sur le théâtre du monde, auxquels Je ne préférasse le néant; et ce qui vous paroitra bien inconséquend, c'est que quand J'aurois la dernière Evidence d'y devoir rentrer je n'en aurois pas moins d'horreur pour la mort; expliquez moi à moi même, Eclairez moi, faites moi part des vérités que vous découvrirez, enseignez moi le moyen de supporter la vie, ou d'en voir la fin sans répugnancehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140117_1key001cor/nts/001; vous avez toujours des idées claires et Justes, il n'i a que vous avec qui Je voudrois raisonner, mais malgré l'opinion que J'ay de vos lumières je seray fort trompé si vous pouvez satisfaire aux choses que je vous demande. […] On dit que Jean Jacque ne fait pas un grand Effet en Angleterre, on y est un peu plus occuppé de l'affaire des colonies, que de lui, de ses ouvrages, de sa servante, et de son habit d'Arménien.

195. (1770) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je conviens que je suis peu amusable, que l’on me procure souvent des moments de dégoût. […] Mais que vous ayez besoin de prendre votre temps avec moi pour réussir, vous devez savoir que ce temps dure depuis quelque temps, il y a un peu plus de cinquante ans que vous en faites l’épreuve. Rougissez donc, monsieur, de recevoir des impressions par vos nouvelles connaissances contre la plus ancienne et la meilleure de vos amies. […] Ne les écoutez plus, et ne donnez point à la grand’maman occasion de croire que vous êtes ingrat et injuste, elle est témoin de mon amitié et de mon admiration pour vous, repentez vous et vous obtiendrez votre pardon. […] Quand vous l’aurez lu je voudrais que vous me dissiez de qui vous le croyez; c’est peut-être lui faire trop d’honneur que d’avoir cette curiosité.

196. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je ne mérite pas de voir le jour, aussi je ne le vois guères, car il tombe encor de la neige chez moi au cinq de may. […] Elle a encor en dernier lieu honoré de nouvelles faveurs mon gendre Dupuits. […] Puissiez vous jouïr longtems des charmes de son amitié et de sa conversation! Quand il y aura quelques articles de belles Lettres moins ennuieux que ceux de métaphisique, j'aurai l'honneur de vous les envoier. Il ne s'agit dans ce monde que d'atraper la fin de la journée sans douleur et sans ennui; et encor la chose est elle difficile.

197. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Mais Dieu rendit tout à Job, et il n’a pas la mine de me rien rendre. Vôtre grand-maman a de la santé et bonne compagnie. Sa philosophie et la trempe de son âme doivent encor contribuer à son bonheur dans le plus beau lieu de la nature. […] Enfin, elle jouïra des agréments de vôtre société. Joignez à tout celà l’acclamation de la voix publique, son lot me parait un des meilleurs de ce monde.

198. (1766) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je me suis toujours rangé du parti de ces grands hommes. […] Voilà ce qui m'a lié avec des personneshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140055b_1key001cor/nts/003 de mérite qui peut être ont trop d'infléxibilité dans l'esprit, qui se plient peu aux usages du monde, qui aiment mieux instruire que plaire, qui veulent se faire écouter, et qui dédaignent d'écouter, mais ils rachêtent ces défauts par de grandes connaissances et par de grandes vertus. J'ai d'ailleurs des raisons particulières d'être attaché à quelques uns d'entr'eux, et une ancienne amitié est toujours respectable. Mais soyez bien persuadée que de toutes les amitiés la vôtre m'est la plus chère. […] Jamais personne n'a eu l'esprit plus vrai que vous; vôtre âme se peint tout entière dans tout ce qui vous passe par la tête; c'est la nature elle même avec un esprit supérieur, point d'art, point de tour, point d'envie de se faire valoir, nul artifice, nul déguisement, nulle contrainte.

199. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il y est dit un petit mot de lui. […] Vous êtes devenue turque pour n’être pas de mon avis. Avouez du moins qu’on lit l’enciclopédie à Moscou, et que les flottes d’Arcangel sont dans les mers de la Grèce. Avouez que Catherine a humilié l’empire le plus formidable sans mettre aucun impôt sur ses sujets, tandis qu’après neuf ans de paix on nous prend nos rescriptions sans nous rembourser, et qu’on accable d’un dixième le revenu de la veuve et de l’orphelin. A propos de justice, Madame, vous souvenez vous de quatre épîtres sur la loi naturelle?

200. (1762) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Elle marche, elle digère, elle écrit, elle gouverne très bien les affaires de sa maison. […] Pour des hommes de ce caractère je n'en connais point. […] Tout ce qui me fâche c'est qu'il ne fasse plus de petits vers, c'est grand dommage. […] Si je savais de plus grandes nouvelles madame je vous en dirais pour vous amuzer, mais vous avez la meilleure compagnie de Paris chez vous, et vous n'avez pas besoin de ce qui se passe au pied des alpes. Vivez madame, digérez, pensez, et même riez de touttes les sottises de ce monde, depuis l'inquisition de Lisbonne jusqu'aux pauvretez de Paris, et agréés mon tendre respect.

201. (1770) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Vous ne pourriez sans ingratitude être mécontent d'elle. Si elle ne vous Ecris pas souvent c'est qu'elle n'a pas un moment à elle; elle fait usage de ceux qu'elle passe avec vos amis pour dire de vous toutes les choses que Je voudrois que vous Entendissiez. Vous ne sçauriez nous Envoyer trop souvent de vos œuvres; de quelque genre qu'elles soyent elles plaisent et réveillent. […] Je voudrois vous faire le pendant de st Michel, terrassant les Erreurs et le fanatisme: mais que d'attribus il faudroit rassembler si l'on mettoit tout ceux qui vous désignent! […] Soyez son Emûle dans votre ville de Versoy et faites à qui mieux mieux le bonheur de tout ce qui vous environne.

202. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

30e juin 1771 Croiez moi, Madame, si quelque chose dépend de nous tâchons tout deux de ne point prendre d’humeur; c’est ce que nous pouvons faire de mieux à nôtre âge et dans le triste état où nous sommes. […] Comme j’ai été un peu persécuté par eux je suis en droit de les détester; mais il me suffit de leur rendre justice. Rendez la moi, Madame, après cinquante années de connaissance ou d’amitié. […] Je n’ai écouté que les mouvements de mon cœur. […] Il y a d’ailleurs tant de sujets de s’affliger qu’il ne faut pas s’en faire de nouveaux.

203. (1760) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Pour la femme qui a raison vous sçavez de qui elle est. […] Nous avons les poésies du Roy de Prusse, J'en ay lu très peu de choses, et Je vous prie de ne me point condamner à en lire davantage. […] Mad. de Mirepoix auroit été ravie de faire ce marché avec vous, ce n'est point sa faute s'il n'a pas réussy. […] Vous l'avez envoyée ou donné à d'autres qu'à moi; on m'a parlé aussy d'un dialogue d'un Jesuite et d'un bramin, on m'a promis de me le faire avoir. Je vous prie monsieur de m'accorder toute préférence.

204. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Ce Dimanche 16e Juillet [1769] J'ay reçue deux de vos présent Monsieur, par la Grand Mamanhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190087_1key001cor/nts/001; elle a joint au dernier la Copie de la lettre de Mr. […] Vos lettres d'Amabed, m'ont fais beaucoup de plaisir; La préface, et l'épitre Dédicatoire des Guèbres, ne me paroissent pas de la même main que la Tragédiehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190087_1key001cor/nts/001. […] Monsieur de Voltaire ayez pitié de moy, tous les vivans m'ennuyent, indiqué moy quelques mort qui puissent m'amuser; J'ay rélüe vingt fois les livres qui me plaise, et je suis toujours obligée d'y revenir; Je voudrois une brochure de vous toutes les semaines, je suis persuadée que vous pouriés fournir à cette dépence; Je crois qu'il n'y a qu'une Certaine dose d'imagination, pour chaque siècle, et qui est éparpillé dans les différentes nations; vous vous en êtes emparé subtilément, et n'en avez pas laissé un Grain à personne; c'est donc à vous à distribuer vos richesses; et dans vos largesses il faut préférer vôtre bonne et ancienne amie. […] son siècle n'est pas digne d'elle. […] Les paroles sont de Sédaine, Je ne sçaye si les ouvrages de cette auteur passeront à la Postérité; je ne sçaye pas s'il ne seroit pas dangereux qu'il devint model; les Genuite http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190087_1key001cor/nts/005 désgénèrent toujours; mais ce Sedaine a un genre qui fait un Grand effet, il a trouvé de nouvelle Cordes pour exciter la sensibilité; il va droit au Cœur, et laisse là tous les détours d'une métaphysique que Je trouve détestable en tous genres; on la place partout, et même en musique; plus la musique est recherchée et travaillée plus elle a de succés; Il y a icy un fameux joueur de violon qui faisois des prodiges sur sa chanterelle; un homme disoit à un autre, Monsieur, n'êtes vous pas enchanté, n'êtes vous au Comble de l'admiration, sentez vous combien cela est difficile?

205. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'ai peur qu'en qualité de ministre, accoutumé aux cérémonies, il n'ait été un peu choqué de ma rusticité. Je laisse faire aux Dames les honneurs de ma retraitte champêtre; c'est à elles à voir si les lits sont bons, et si on a bien fait mousser le chocolat de messieurs à leur déjeuner. […] Elle me donna d'une drogue qui ne m'a pas guéri, mais qui m'a beaucoup soulagé. […] Le moien de n'être pas audessus de la fortune quand on est si fort audessus des autres! […] C'était un plaisir de voir mon abominable village changé en une jolie petite ville, et de nombreux artistes étrangers devenus français, bien logés et fesant bonne chère avec leurs familles, dans de jolies maisons de pierre de taille que je leur avais bâties.

206. (1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Premièrement le président a été malade et m'a donné beaucoup d'inquiétude. Ensuitte la maladie et la mort de mad. de Pompadour, qui m'ont occuppés et intéressés autant que tant d'autres à qui cela ne fasoit rien, et puis des peines et des Embaras domestiques qui ont troublés mon foible génie. Je voulois attendre d'être un peu plus calme pour pouvoir causer avec vous. […] Je viens de lire une histoire d'Ecosse qui n'est pour ainsi dire que la vie de Marie Stuart, elle a mis le comble à ma tristesse; J'espère que votre Corneille me tirera de cet Etat. […] Je vous aime de tout mon coeur et vous me consoleriez d'être née au moins quelque moments.

207. (1765) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Le départ de made la Duchesse d'Anville a été retardé de jour en jour; mais enfin, elle ne sera pas toujours à Genêve. […] Je m'y suis livré au plaisir de causer avec vous, comme si j'étais au coin de vôtre feu. […] Je trouve que la vieillesse rend l'amitié bien nécessaire, elle est la consolation de nos misères et l'appui de nôtre faiblesse encor plus que la philosophie. […] Le chagrin qui use l'âme et le corps, n'approche point de lui. […] C'est dans mon cœur un sentiment de toute l'année.

208. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Ce n'est pas que les honneurs changent mes mœurs, mais c'est que j'ai été entouré de massacres, et que les genevois qui n'ont pas voulu être tués et qui se sont réfugiés chez moi, n'ont pas laissé que de m'occuper. […] L'autre monte la garde soir et matin, et ne marche qu'au son du tambour; ainsi vous courez grand risque de vous passer de ma petite enciclopédie. […] C'en est une fort grande que l'avanture de l'abbé Grizel. […] Je n'ai nulle idée de sa jolie figure, je ne la connais que par son soulier. Jouïssez pendant quarante ans, Madame, d'une société si délicieuse.

209. (1768) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Ne devait il pas l'éxcepter de cette censure aussi générale qu'injuste? […] est-ce à vous de décrier vos sujets? Permettez moi de vous faire cette remontrance en qualité de vôtre avocat général. […] Et sérieusement, je serais au désespoir qu'on me soupçonât d'avoir été le traducteur de ce livre hardi dans mon jeune âge, car en 1762 je n'avais que 69 ans. […] Un de mes articles de foi, Madame, est de croire que vous avez un esprit supérieur.

210. (1773) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

le 8 7bre 1773 http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240113b_1key001cor/txt/001 J’attendois, mr, l’Evénément du procès de Mr. de Morangiéshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240113b_1key001cor/nts/001, pour joindre aux remerciemens que je vous dois de vôtre petite brochure, mon Compliment sur le gain d’un procès où vous avez beaucoup Contribué; vous devriés bien employer vôtre éloquence à faire abolir des usages qui confondent le vray avec le faux, et qui rendent les signatures inutiles; je voudrois aussi que vous fissiés des factum pour ce pauvre Roy de Pologne; il y à tant d’injustice, de supercherie et de Violence dans ce monde, qu’il faut quand on n’a pas vos talents pour les combatres, et s’i opposer, plier les épaules et se taire; il n’y a qu’une voix comme la Vôtre qui ayt le droit de se faire entendre. Avez vous lû le discours qui a remporté le prix à l’académie, l’Eloge de Colbert? […] J’ay été très contente de vos fragmens sur l’Inde et charmée de vôtre Epître à Marmontel. Nos beaux esprits y trouvent la fraicheur de vôtre primptems; et moy qui n’ay pas leur Eloquence je dis que vous êtes et seray toujours, modèle en tout genres; ne négligez pas de l’être en amitié; et conservez en pour la personne qui vous admire le plus et qui vous aime le plus constamment et le plus tendrement; cette personne c’est moy, je ne devrois pas craindre que vous vous y méprissiés.

211. (1768) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je n'ai découvert l'auteur qu'aujourd'hui après trois mois de recherches. […] Il est très profond dans l'histoire de France. […] Il s'agit de Henri 4. […] Je compte même dédier mon ouvrage à l'académie française, parce que j'y prends le parti d'un de ses membres. La pluspart des gens voient déchirer leurs confrères avec une espèce de plaisir.

212. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'ai hazardé d'envoier à vôtre grand-maman ce que vous demandiez. Celà lui a été adressé par la poste de Lyon, sous l'envelope de son mari. Vous n'avez jamais voulu me dire si Messieurs de la poste faisaient à vôtre grand-maman la galanterie d'afranchir ses ports de Lettres. […] C'est de là que vient mon cher, ma chère. […] Vous voulez donc avoir le privilège exclusif de la haine; Eh bien, Madame, je vous avertis que je ne hais plus la Blétrie, que je lui pardonne, et que vous aurez le plaisir de haïr toute seule.

213. (1765) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il n'y a point de dédommagement pour les deux yeux, mais il y a de grandes consolations. […] Nous avons beaucoup parlé de vous et de Mr le Président Hainaut; vous savez bien que je m'intéresserai tendrement à l'un et à l'autre jusqu'au dernier moment de ma vie. […] Je vais faire chercher encor une pucelle pour vous amuser; mais je doute que j'aie le temps de la trouver avant le départ de made De Florian. On trouve rarement des pucelles chez ces marauds de huguenots de Genêve; je ne sors jamais de chez moi, et je m'en trouve bien. […] Je n'étais pas instruit de la maladie de made La Duchesse De Luxembourg.

214. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je voudrais, Madame, que vous sçussiez ce que c'est que ce bréviaire, ce ramas d'antiennes et de réponses en latin de cuisine! […] ne vous pas laisser la mondre marque d'amitié dans son testament, après vous avoir dit pendant quarante ans qu'il vous aimait! […] Je suis très persuadé que l'âme noble de vôtre grand-maman trouvera celà bien infâme. […] Le belle Maguelone avec Robert le diable, Valaient peut être aumoins les romans de nos jours; Ils parlaient de combats, de plaisirs et d'amours. […] Mais quelque chose que vous aiez la bonté de m'écrire, faittes contresigner par vôtre grand maman, ou envoiez vôtre Lettre chez Mr Marin, secrétaire général de la Librairie, rue des filles st Thomas, qui me la fera tenir très sûrement, le tout pour cause.

215. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je vous imite aussi en parlant d'elle et de son respectable mari, et en leur étant tendrement attaché, quoi qu'ils en disent, et une preuve que je ne change point c'est que je suis chez moi. […] Elles sont écrites d'un stile léger et naturel qui semble imiter celui de Made De Sévigné. Plusieurs faits sont vrais, quelques uns faux, peu d'expressions de mauvais ton. Tous ceux qui n'auront pas connu cette femme croiront que ces lettres sont d'elle. […] Gardez vous, d'ailleurs d'aimer trop les étrangers; leurs amitiés sont comme eux, des oiseaux de passage.

216. (1754) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Le commerce des pères de l'église et des savants du temps de Charlemagne ne vaut pas le vôtre. […] Je ne suis plus de ce monde et je me trouve assez bien de n'en plus être. […] Savez vous bien vous autres, ce qu'il y a de plus difficile à Paris, c'est d'attraper le bout de la journée. […] Mais tâchons de l'être à notre manière. […] Rien ne dépend de nous.

217. (1768) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je suis un vieux Polichinelle qui ai besoin d'un compère. […] Vous me parlez du janseniste, ou de l'exjanséniste La Blétrie. […] Il logeait autrefois chez ma nièce Florian et ne cessait de dire du mal de moi. […] Ai-je eu tort de lui prouver que je suis encor en vie? […] On fait la guerre honnêtement contre des capitaines qui ont de l'honneur, mais pour les pirates on les pend au mât de son vaissau.

218. (1772) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je suis ici depuis le 18 de ce mois. […] Il y a ici un de vos amis, mr de Sch’ombert qui est en grande relation avec vous à ce qu’il m’a dit. […] Je pourray recevoir encore ici de vos lettres. […] J’auray peu d’espérance de les revoir, Je ne vivray pas assez pour Compter sur leur retour, et il ne sera plus question de voyage pour moi. Promettez moi la consolation de m’écrire souvent, ne traittons plus les grands sujets, ne cherchons plus les vérités introuvables, tenons nous en à celles de nos sentiments, aimez moi comme Je vous aime, voilà tout ce que Je désire.

219. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Quand je vous aurai souhaité un bon estomac, de la dissipation et de l'amusement, il en résultera seulement que je vous ai ennuyée. […] J'ai un neveu qui est gros comme un muid et qui est doyen des conseillers clercs du nouveau parlement; il faut me pardonner de prendre un peu le parti de sa compagnie. […] Si vous vous faites lire l'histoire, vous aurez remarqué que depuis François 1er le parlement de Paris a cru toujours ressembler au parlement d'Angleterre. C'est précisément comme si un de nos consuls se croyait consul romain. […] Louis 16 et Gluk vont faire de nouveaux Français.

220. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Puis-je me flatter que vous aurez la bonté de lui mander que dans le nombre très grand de ses serviteurs je suis le plus inutile et le plus triste, et que si je pouvais quitter mon lit, je viendrais lui demander la permission de me mettre au chevet du sien pour lui faire la Lecture? Mais je commencerais d’abord par vous, Madame; ce serait vraiment un joli voiage à faire, que de venir passer quinze jours auprès de vous, et de là quinze jours auprès d’elle. […] C’est bien assez de savoir que la mauvaise humeur du parlement de Paris contre M: le Duc d’Aiguillon est aussi ridicule que tout ce qu’il a fait du tems de la fronde, mais non pas si dangereux. […] On m’a envoié un tomehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210197_1key001cor/nts/006 de lettres à une illustre morte; elles m’auraient fait mourir d’ennui si je ne l’étais déja de chagrin. […] J’ai beaucoup de relation avec l’Espagne pour la vente des montres de ma colonie, ainsi je m’intéresse fort à Mr le mis d’Ossun qui la protège, mais pour les affaires de l’église vous savez que je ne m’en mêle pas.

221. (1768) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Pour aujourd'huy Je ne manque pas de matière pour remplir cette lettre. Je vous demande d'abord pourquoy cette Enorme animosité contre Labletterie; nonseulement ses amis, mais tous les gens de sa connoissance assurent qu'il ne vous a point Eû en vüe dans la note dont vous êtes irrité; ce qui est de certain, c'est qu'il ne vous a point nommé, et vos dernières productions ne permettent à personne de vous en faire L'application. […] Quand au mal que vous dites de cette traduction vous croyez bien que je n'entreprendray pas de justiffier ce que vous condamner, elle peut avoir tous les deffauts que vous lui reprochéz, mais J'ay le courage de vous avouer que le stile, tout plat qu'il vous a parû, me plait infiniment plus que celui de nos autheurs modernes, des […]http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170468_1key001cor/txt/001&c. […] &c. et de tant d'autres que je n'ose vous nommer. […] Je ne connoit point Labletrie ni Je ne suis lié avec aucun de ses amis, mais Je ne puis douter que mr de Choiseul n'ait de la bonté pour lui.

222. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Paris 20 7bre 1769 Vous avez beau dire Monsieur, vous ne me persuaderez Jamais, que ce qui produit de si mauvais ouvrages, et qui introduit un si détestable goût soit un établissement bon et utile; pourquoy inçiter les gens à parler quand ils n'ont rien à dire? […] Que l'académie se borne à traiter de la grammaire, à enseigner les règles, mais qu'elle ne donne point de sujets à traiter, qu'elle ne donne point d'entraves au génie, que les prix qu'elle a à distribuer soient pour les auteurs des bons ouvrages donnés aux publics; qu'on suivent en cela la méthode des Angloishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/nts/001. Enfin Monsieur, Je ne puis souffrir qu'on encourage les gens sans talents; ayez, ayez la sévérité et la fermeté de Despréaux, elles vous conviennent encore mieux qu'à luy; réformez vôtre maison; vous y avez trop de bouches, et de langues inutiles; vôtre livrée est trop nombreuse; contentéz vous d'Etre magnifique et dédaignez le faste. […] Jamais le gouvernement n'y consentira; Contenté vous de l'impression; vos Guebres sont dans les mains de tout le monde, et si vous Connoissiés nos Acteurs, vous verriés Combien ils vous sont inutiles; Ils n'ajoutent aucuns prestiges, à ce qu'ils représentent, tout au contraire, ils font voir le derrière des coulisses, et sentir tous les deffauts; vous ne pouvez être retenu par cette considération, J'en convient; mais Monsieur, vous voulés Etablir la tollerance, vous avez raison; Je voudrois que vous fussiés le premier à en ressentir les effets; pour y parvenir, prêchez la d'exemple, Contenté vous d'avoir montré la vérité, et laissé y tourner le dos à ceux qui ne la veulent point voir; vous avez tout dit; tenez vous en à ne vous pas dédire; et ne mettez point de nouveau obstacles à la chose du monde que je désire le plus, et sur laquelle J'ai eû une Conversation avec Madame Denishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/nts/002, dont elle vous rendra Compte. Votre Correspondance avec ma grand maman Gargantua me ravit; elle vous répond à ce qu'il y a de sollide, c'est ce qui doit luy appartenir; pour moy je ne suis que pour le frivole, Je ne vois point dans l'histoire des souliershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/txt/001, l'Etablissemens des Manufactures, Je n'y vois qu'un très beau sujet de conte de fées, qui pouroit surpasser Cendrillon; Voilà Monsieur, les progrès de mon esprit et de ma raison qui au bout de soixante et mille ans que J'ay vécû me mettent à Côté des enfans de quatre ans; ah!

223. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il faut bien que j'y compte encor un peu, puisque j'ose vous envoier de telles fadaises. J'ose même me flatter que vous n'en direz du mal qu'à moi; c'est là le comble de la vertu pour une femme d'esprit. […] Je voudrais vous amuser d'avantage, et plus souvent. Mais songez que vous êtes dans le tourbillon de Paris, et que je suis au milieu de quatre rangs de montagnes couvertes de neige. […] Un de vos plus anciens serviteurs, et assurément en des plus attachés en mérite un peu.

224. (1768) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Beaucoup d'hommes à Paris ressemblent à des singes. […] Ne vous acquittez pas d'un usage prescrit, vous êtes un monstre d'athéisme. Acquittez vous en, vous êtes un monstre d'hypocrisie. Telle est la logique de l'envie et de la calomnie. […] La Blétrie est de ce nombre.

225. (1735) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Une lettre de vous est une faveur, dont je n'avais pas besoin d’être privé si longtemps pour en sentir tout le prix, mais des vers! […] Ils ont comme vous l'art de plaire. […] Il est vrai encore qu'une de vos faveurs est sans doute plus précieuse que mille empressements d'une autre. […] Je me sais bien bon gré d'avoir griffonné dans ma vie tant de prose & tant de vers, puisque cela a l'honneur de vous amuser quelquefois; mes pauvres quakershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870114_1key001cor/nts/001 vous sont bien obligés de les aimer. Ils sont bien plus fiers de votre suffrage, que fâchés d'avoir été brûlés.

226. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il de déroba par la fuitte à cette boucherie de cannibales. […] A peine se souvient on dans Paris de cette horreur abominable. […] Songez qu’aiant fondé une Colonie dans ma Sibérie je dois aprouver infiniment la grâce que fait le Roi à tous les seigneurs des terres de paier les frais de leurs justices. […] Je sais qu’on ne s’occupe que de souper et de dire son avis au hazard sur les nouvelles du jour. […] Je ne demande aucune grâce à personne, et je ne veux rien de personne.

227. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous voiez, madame, que je suis un confrère assez occupé des affaires de nôtre petite république de quinze vingt. […] Le fond en est toujours le même, mais les talents ne sont pas de tous les temps, et le talent d'être aimable, qui a toujours été assez râre, dégénère comme un autre. […] Celà vient peut être de ce qu'on ne lit pas assez les moiens de plaire de Moncrifhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110191_1key001cor/nts/001; on n'est occupé que des énormes sottises qu'on fait de tous côtés. […] Il n'y a point de livre de Théologie moins cher. […] Adieu, Madame, courage, faisons de nécessité vertu.

228. (1775) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

D'Enville aussitôt que je l'aurois voulu, et il falloit que Je sçûsse par elle à qui vous pourriés adresser ce que vous voulé bien m'envoyer; mr. de Maurepas consent que ce soit à luy, avec une seconde addresse à Md. […] Il y a déjà beaucoup de personnes qui ont reçu votre ouvrage, indépendemment de la grand maman, à qui vous l'avés envoyé par la Poste. […] Tous ceux à qui vous prodiguez des louanges ont été vraisemblablement à Ferney vous rendre visites, car s'il suffisoit de la réputation vous n'auriés pas oublié de certaines personnes qui méritent autant vos Eloges. […] J'ay étée ravie de voir Mr. Dupuis; Je luy ay fait mille questions qui partoient toutes de ma tendre amitié pour vous; Je vois que nos santés sont assez semblables, ainsy que nos âges; il me serois bien doux, je ne sçaurois dire de vous voir, mais de vous entendre; quel plaisir j'aurois que vous entrassiés dans ma chambre sans que l'on vous annonça, et que Je vous reconnusse à vôtre son de voix!

229. (1749) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'avois prié Monsieur le président Henaut de vous instruire d'un acouchement qui avoit paru si singulier et si heureux. […] Si quelque chose pouvoit augmenter l'état horrible où je suis, ce seroit d'avoir pris avec guaieté une avanture dont la suitte empoisonne le reste de ma vie misérable. […] C'est à la sensibilité de votre cœur que j'ay recours dans le désespoir où je suis. […] De là je reviens à Paris sans savoir ce que je deviendray, et espérant bientôt la rejoindre. Soufrez qu'en arrivant j'aye la douloureuse consolation de vous parler d'elle, et de pleurer à vos pieds, une femme qui avec ses faiblesses avoit une âme respectable.

230. (1773) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

De st Joseph ce 19e mars [1773] Quoique J’ayt tout lieu de Croire Monsieur, que vous ne m’aimez plus, Je serois très fâchée que vous me soupçonnassiés de la même indifférence. J’ay été très allarmée d’entendre dire que vous étiés fort malade; Je n’ay point passé de Jour sans m’informer de vos nouvelles; les dernières me rassurent beaucoup, J’espère qu’elles me serons confirmées par vous même. Vous ne m’avez point écrit depuis ma dernière lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230342b_1key001cor/nts/001 qui étoit du mois de novembre; d’où vient ce silence? Je vous remerciois de la lecture que vous m’aviés procuré des loix de Minos.

231. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Il est bon que Paris vive de ces niaiseries, puisqu'il n'a pas de quoi vivre d'ailleurs. […] Tâchez, Madame, de rire comme moi, de tant de pauvretés en tout genre; il est vrai que dans l'état où vous êtes on ne rit guères, mais vous soutenez cet état, vous vous y êtes accoutumée, c'est pour vous une espèce nouvelle d'éxistence; vôtre âme peut en être devenüe plus recueillie, plus forte, et vos idées plus lumineuses; vous avez sans doute quelque éxcellent lecteur auprès de vous, c'est une consolation continuelle; vous devez être entourée de ressources; nous avons dans Genève, à un demi quart de lieüe de chez moi, une femmehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1060026_1key001cor/nts/002 de cent deux ans qui a trois enfans sourds et muets; ils font conversation avec leur mère du matin au soir, tantôt par écrit, tantôt en remuant les doigts, joüent très bien tous les jeux, sçavent toutes les avantures de la ville et donnent des ridicules à leur prochain, aussibien que les plus grands babillards; ils entendent tout ce qu'on dit au remüement des lèvres. […] Si vous digérez, vous êtes sauvée dans ce monde, vous vivrez longtemps et doucement, pourvu, surtout, que les boulets de canon du prince Ferdinand et des flottes anglaises n'emportent pas le poignet de vôtre païeur des rentes. […] Je sens vivement la perte de ce bonheur. Je vous aime, malgré votre goust pour les feuilles de Fréron.

232. (1772) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je vous nommeray dix personnes qui ont vôtre Epitre à Horace, vous m’en parlés, vous me l’offrez, vous n’attendez que mon consentement pour me l’envoyer; je me hâte de vous marquer mon empressement, vôtre réponse se fait attendre mille ans, et finit par être un refus; c’est là Comme vous traitéz vos amis, c’est à ceux qui vous déchirent les oreilles, c’est à ceux à qui vous devriés les tirer que vous communiquez ce que vous avez de plus précieux, que vous confiéz vos secrets, dont ils donnent des copies à tous leurs bons amis, dont je n’ay pas L’honneur d’être; pour dédomagement vous voulés bien me procurer d’entendre les loix de Minos. J’accepte cette faveur, mais elle ne répare point vos torts; et si vous vous souciéz d’estre bien avec moy, si vous vouléz que je ne vous croie pas un donneur de galbanum, vous m’enverrez sans tarder un moment, vôtre Epitre à Horace. Je compte admettre à la lecture de vos loix de Minos Mr. et Md. de Beauveau, Mrs Crafurnthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/002 et Pontdeveyle; ce dernier sera le porteur de vôtre billethttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/003; je n’en feray usage que vers le dix ou le douzehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230124_1key001cor/nts/004 du mois prochain; les Beauveaus ne reviendrons de Fontainebleau que dans ce tems là; vous voyez bien qu’il y a tout l’interval qu’il faut pour réparer vos torts, ce qui est fort important pour me rendre auditeur Bénévole. Nous traiterons l’article de la grand maman une autre fois; mais pour le présent point de paix ni de trève que je n’aie vôtre Epitre; voilà quelles sont mes loix, quand vous les aurez exécutées je recevray celles de Minos, avec le respect, la soumission qu’elles méritent.

233. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous ne vous attendiez pas à être chargée d'une négociation, Madame. C'est icy où le quinze vingt des alpes a besoin des bontés de la très judicieuse quinze vingt de st Joseph. Rousseau, dont vous me parlez, m'écrivit il y a trois ans ces propres mots, de Montmorency, Je ne vous aime point, vous donnez chez vous des spectacles, vous corrompez les mœurs de ma patrie pour prix de l'azile qu'elle vous a donné. […] Pourquoi me faisait-il l'outrage de me dire que Genêve m'avait donné une azile? […] C'est Jeannot Lapin qui est un foudre de guerre.

234. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je serai mort avant qu'il soit imprimé, attendu que de mes deux libraires l'un est devenu magistrat et ambassadeur, l'autre monte la garde continuellement, en qualité de major, dans le tripot de Genêve qu'on appelle République. […] Quand vous vous serez amusée ou ennuiée de ces trois rogatons, n'oubliez pas, je vous en prie, de gronder horriblement vôtre grandmaman. […] C'est la plus belle entreprise qu'on ait jamais faitte dans le mont Jura depuis qu'il éxiste; celà est bien audessus de ma manufacture de soie. Je sers l'état; je donne au Roi de nouveaux sujets; je fournis de l'argent même à Mr L'abbé Terray; et on ne me fait pas le moindre remerciement; on ne répond point à mes Lettres; on se moque de moi; et le mari de Madame Gargantua s'en moque tout le premier. Voilà comme sont faittes les puissances de ce monde.

235. (1760) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je blâme mr de Voltaire quand il s'associe ou plutôt se fait chef d'un party qui n'a rien de commun avec lui qu'un seul article, car pour la morale et les agrémens il n'y a nulle ressemblance n'y conformité; d'ailleurs si cela vous divertit vous avez raison, n'en parlons plus. […] Je vous parle de votre tragédie, de votre comédie, vous ne daignez pas m'en dire un mot. J'ay lieu de croire que mes lettres vous ennuyent, J'en serois fâchée, parceque les vôtres me font plaisir. […] D'où vient s'il vous plait n'ai-je ce que vous faites qu'après tout le monde? Est ce ainsy qu'on traite sa plus ancienne amie, qui sans vanité est aussi bon Juge de vos ouvrages que ceux à qui vous les envoyez.

236. (1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Puissiez vous trouver aussi de quoi vous amuser quand vous êtes seule! […] Les Turcs chassés de la Moldavie, de la Bessarabie, d'Azoph, d'Erzerum et d'une partie du païs de Médée, en un mot, toute cette grande révolution que vous ignorez peut être à Paris, ne sont qu'un point sur la carte de l'univers. […] Je suis confondu des bontés de vôtre grand maman. Je vous les dois, Madame; je vous en remercie du fond de mon cœur. […] Je voudrais que vous eussiez la bonté de m'en instruire quand vous n'aurez rien à faire.

237. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Réellement Monsieur de Voltaire faites vous bien de me parler sans cesse de mes malheurs sans chercher à les adoucirs? […] Je m'éveille tout le Jours à 6 heures, Je lis Jusqu'à dix ou onze; rien ne m'attriste autant que de n'avoir pas de livres agréables. […] Nous avons la comodité de l'adresse de la grand maman, mais n'oubliez pas qu'il faut deux Exemplaires. […] Que J'aurois de Joye de vous revoir, que de choses nous aurions à nous dire! […] Denis de ne rien négliger pour vous faire persister dans ce projet.

238. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je n’ai depuis huit jours aucune nouvelle de Paris dans mon enceinte de neiges. […] Vous faittes cas de la nation anglaise, vous avez raison de l’estimer; elle a trouvé un très beau secret, c’est qu’aucun particulier chez elle ne va jamais à la campagne que quand il lui en prend envie. […] En ce cas, ils ont besoin d’une nouvelle vertu, la seule peut être qui lui manquât, et qu’on appelle l’économie. Mais vous, Madame, comment vous êtes vous tirée d’affaire dans les réductions qu’on a faittes sur vôtre revenu? […] La mienne est à vous, mais très inutilement, et probablement je ne vous reverrai jamais, et c’est dont je suis beaucoup plus affligé que de ma goute et de ma fièvre.

239. (1760) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je fus avant hier à la première représentation de Tancredehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1060097b_1key001cor/nts/001, J'y ay pleuré à chaudes larmes; J'avois été quelques semaine auparavant à L'Ecossoise, qui m'avoit fait un plaisir Extrême; vous avez balayé notre théâtre de tous les marmousets d'auteurs qui L'avilissoient et le salissoient depuis deux ou trois ans. Je suis folle de vous, et Eussiez vous mille fois plus de torts avec moi, Je vous aimeray toujours et n'admireray que vous. […] Je soupay hier avec Marmontel, Je lui ay parlé de vous sans fin, sans cesse; il dit que vous vous portez à merveille, et que vous n'êtes point du tout changé, il n'en est pas ainsy de moi, mais si J'étois avec vous je prendrois patience. Aurez vous bien la cruauté de ne me rien envoyer? Je ne me paye point de vos raisons, ce ne sont que des prétextes.

240. (1766) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Tout ce qui est un éternel sujet de dispute, est d'une inutilité éternelle. […] Il me semble qu'elle est consolante; elle détruit toute superstition, elle rend l'âme tranquille; ce n'est pas la tranquillité stupide d'un esprit qui n'a jamais pensé, c'est le repos philosophique d'une âme éclairée. […] Je mets à profit les temps où mes fluxions sur les yeux m'empêchent de lire. […] Je m'imagine que je pense encore comme vous sur cette pièce; elle m'a paru noblement pensée et noblement écrite, et s'il ne s'agissait que du style, je dirais qu'il est fort au dessus de celui des représentations, et surtout de celui de la plupart de nos auteurs. […] La mienne n'est pas trop bonne, mais il est nécessaire d'avoir patience.

241. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J’ai été indigné que le siècle fût tombé de si haut. […] J’ai voulu, dans la Tragédie des loix de Minos faire des vers comme on en fesait il y a environ cent ans. […] Je veux qu’ils soient persuadés qu’on a immolé des hommes à Dieu depuis Iphigénie jusqu’au chevalier de La Barre. […] Je ne vous parlerai point cette fois cy de l’épitre à Horace. […] Je vous avouerai, Madame, que j’aimerais mieux vous lire cette tragédie crétoise, que de la faire lire par un autre; mais j’ai fait vœu de ne point aller à Paris tant qu’on me soupçonnera d’avoir manqué à vôtre grand-maman.

242. (1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Paris ce 29 aoust 1769 Ah, monsieur de Voltaire, il me prend un désir auquel Je ne puis résister; c'est de vous demander à main Jointe de faire un Eloge, un discours (comme vous voudrez l'appeller dans la tournure que vous voudrez lui donner), sur notre Moliere. […] Je prêcheray votre tolérance, Je vous le promet, Je m'y engage si vous m'accordez d'être intollerant sur le faux goût et sur le faux bel esprit qui établit aujourd'huy sa tirannie; donnez un moment de relâche à votre zèle sur l'objet où vous avez eû tant de succés, et arrêtez le progrès de l'erreur dans l'objet qui m'intéresse bien davantage. J'ay enfin lû l'histoire des parlemens; il se peut bien que le second volume ne soit pas de la même main que le premier, mais mon cher ami, Je vois avec plaisir que vous pouvez avoir un successeur; ce jeune auteur ne vous fera point oublier, tout au contraire, vous avez fait en lui un disciple qui fera souvenir de vous. Votre corespondance avec la grand maman me charme; avouez qu'elle a de l'esprit comme un ange. Si Je n'étois pas Exempte de toute prétentions Je ne vous Ecrirois plus sachant que vous recevez de ses lettres; mais Je ne prétend qu'à un seul mérite auprès de vous, c'est de vous admirer et aimer plus que qui que ce soit.

243. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Dès qu’on veut faire quelque bien on est sûr de trouver des ennemis. […] Faittes de la prose ou des vers, ou bâtissez des villes, celà est égal, l’envie vous persécutera infailliblement. Il n’y a d’autre secret pour échapper à cette harpie que de ne jamais faire d’autre ouvrage que son épitaphe, de ne bâtir d’autre édifice que son tombeau, et de se mettre dedans au plus vîte. […] Vous n’aurez cette épitre que quand vous m’aurez dit, envoiez la moi; car ce n’est pas assez de prier quelqu’un à souper, il faut qu’on ait de l’apétit. […] Ce chagrin m’empêchera de revoir jamais Paris.

244. (1775) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Etes vous la juive d'hier? […] Voilà bien du pédantisme, Madame, mais vous me l'avez demandé; et vous ferez de moi tout ce que vous voudrez, éxcepté de me faire venir à Paris. […] Il faut se cacher au monde quand on a perdu la moitié de son corps et de son âme, et laisser la place à la jeunesse. […] Je me suis indigné depuis quelques années de la prose de Paris, et surtout de la prose des avocats qui parlent prèsque tous comme maître petit Jean. […] Daignez me conserver toujours un peu d'amitié, celà console à cent lieues.

245. (1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je vous prie très instamment de me tirer de cette inquiétude. […] que faittes vous de ces journées qui paraissent quelquefois si longues dans une vie si courte? comment le président Henaut s'accomode t'il d'être septuagénaire? Pour moy qui touche à ce bel âge de la maturité je me trouve très bien d'avoir à gouverner les dix sept ans de Melle Corneille. […] Cependant vous ne sauriez croire combien il y a de gens en Italie qui se moquent des fêtes.

246. (1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J’aurais trop à rougir si je craignais de montrer mon attachement pour mes bienfaicteurs. Je ne leur ai jamais demandé de grâce qu’ils ne me l’aient accordé sur le champ. […] Je voudrais vous accompagner, Madame, dans vôtre voiage, mais mon triste état ne me permet pas de me remuer, et d’ailleurs je n’ai pas le bonheur d’être de ce païs que vous aimez, et où l’on va coucher chez qui l’on veut. Tout ce que je puis faire c’est de vous être dévoué comme à vos amis. On ne s’est pas encor avisé de nous deffendre ces sentiments là.

247. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

5e xbre 1774 L'ombre de l'abbé Pellegrain, m'est encor apparue cette nuit, et m'a donné les deux couplets suivants sur l'air, Or dites nous Marie Trois rois dans la Cuisine Vinrent de l'orient; Une étoile divine Marchait toujours devant; Cette étoile nouvelle Les fit très mal loger. […] Mon cher abbé, lui ai-je dit, je reconnais bien, à votre stile, l'auteur de ces fameux noëls, Lisez la loi et les prophêtes, Profitez de ce qu'ils ont dit; Quand on a perdu Jesu-Christ Adieu panier, vendanges sont faittes. Mais après tout, vos couplets pour le souper de st Joseph peuvent passer, parce que la bonne compagnie dont vous nous parlez, et que vous ne connaissez guères, est indulgente. S'il y a quelque allusion dans les couplets de vos noëls cette allusion ne peut être qu'agréable pour les intéressés, et ne peut choquer personne, pas même la sainte vierge et son mari, qui ne se sont jamais piqués d'avoir à Béthléem le cuisinier du Président Hainaut. Mais surtout, ne montrez pas vos noëls à l'ingénieux Fréron, qui a les petites entrées chez Madame Du Deffant, et qui ne manquerait pas de dire beaucoup de mal de son cuisinier, et de son feseur de noëls, quoi qu'il ne se connaisse ni en bonne chère, ni en bon vers.

248. (1761) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Cette nouvelle Edition ne m'empêche pas de travailler à Pierre Corneille. […] Je me sens déjà toute la pesanteur d'un commentateur. […] Comptez qu'il n'y a que la retraitte qui soit le séjour de L'occupation. […] Il sera une bibliothèque de douze à treize volumes, avec des Estampes. […] Je vous demande un peu d'attention pour L'Ezour-Vedam.

249. (1768) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Ce Dimanche 3 juillet 1768 Vous Vous applaudissez peut être monsieur de m'avoir perdûe? oh que non, de telles bonnes fortunes ne sont pas faites pour vous, vous ne me perdrez jamais. […] Aurai-je toujours à me plaindre de vous monsieur, http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170433_1key001cor/txt/001et faudra t'il que J'Eprouve tous les Jours de nouveaux dégoûts? […] Ne m'allez pas dire, Je vous le demande en grâce, qu'elles ne sont pas de vous, je ne suis pas assez dépourvû de goût et de Jugement pour ne pas démesler celles qu'on vous attribue d'avec ce que vous faites. […] La D. de Choiseul J'aurois la honte et encore plus l'ennuy de ne rien lire de vous.

250. (1761) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

[February/March 1761] http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1070085a_1key001cor/txt/001 Tenez madame, faittes vous lire ce brimborion dans vos moments de loisir. […] J'ay peur que vous n'ayez de tristes moments. […] Ne lisez un chant de la pucelle que quand vous aurez achevé le roman suisse de Jean Jacques et le roman turc de la Popliniere. Portez vous bien madame et que votre estomac vous console de vos yeux.

251. (1768) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Vous me donné un conseil que vous ne prenés pas pour vous: vous ne méprisez ni le monde ni la vie, et vous avez raison; vous tirez bon party de l'une et de l'autre; vous mettez de la valeur à tout; tout vous affecte, tout vous anime; vous annéantissez les Pompignans, les Ribaniers, les Fréron, &c. […] Vous voulés rajeunir le Président; vous exiter sa colère; vous lui offrez de prendre sa deffense, c'est un bon procédé. Mais, monsieur, vous auriés fait encore mieux de lui laisser ignorer L'offense; il y avoit plus de quatre mois que nous n'étions occupée qu'à lui dérober la connoissance de cette brochure, craignant l'effet qu'elle pourroit lui faire; vous avez détruit toute nos mesures; heureusement il n'en n'a pas été fort troublé; le Grand succès de son livre (qui lui est fort prouvé) lui a fait mépriser cette critique; il vous a répondu ainsy je n'ay point à vous apprendre ce qu'il pense; mais je vous dirai ce que pense le public. […] Cependant si vous voulé en prendre la peine, j'en seray fort aise, parce que j'auray toujours du plaisir à lire ce que vous Ecrirez; laissez, laissez au Président sa façon de penser. […] http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180157_1key001cor/nts/001 Remercié le Ciel, ou la nature des immenses Talents que vous en avez reçu; ils vous mettent pour jamais à l'abry de L'ennuy; plaignez tous les autres mortels, il n'y en a aucuns d'aussy bien partagez; et trouvez bon qu'il s'accrochent où ils peuvent.

252. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

2e 7bre 1770 Je vous envoie, Madame, par vôtre grand maman la petite drôlerie en faveur de la divinité contre le volume énorme du Systême de la nature, que sûrement vous n'avez pas lu. Car la matière a beau être intéressante, je vous connais, vous ne voulez vous ennuier pour rien au monde; et ce terrible livre est trop plein de longueurs et de répétitions pour que vous pussiez en soutenir la lecture. […] Tant de sang Ottoman doit éffacer celui d'un ivrogne qui l'aurait mise dans un couvent, et après tout ma Catau vaut beaucoup mieux que Moustapha. […] Des Lettres de Venise disent que la canaille musulmane a tué l'ambassadeur de Francehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200429_1key001cor/nts/001 et prèsque toute sa suitte, que l'ambassadeur d'Angleterrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200429_1key001cor/nts/002 s'est sauvé déguisé en matelot et que Moustapha a donné une garde de mille janissaires au Bailehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200429_1key001cor/nts/003 de Venise. […] Conservez vôtre santé, vôtre gaité, vôtre imagination et vôtre bonté, pour vôtre très vieux et très malingre serviteur, qui vous est bien tendrement attaché pour le reste de ses jours.

253. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Tout le monde fait aisément des noëls malins, parce que tout le monde les aime, mais on n'a jamais fait de noëls galants à la louange de personne, pas même à celle de la sainte famille, dont tous les chrétiens sont convenus de se moquer à la fin de Décembre. Cependant, pour satisfaire à vôtre étrange empressement j'ai invoqué L'ombre de L'abbé Pellegrin. […] Elle recommande de taire l'auteur, non pas, hélas! sur les yeux de votre tête, mais par toute l'amitié, par le tendre attachement que Le vieux Pellegrin à pour vous. […] L'enfant dans L'écurie, D'un œil peu satisfait, Voiait Marthe et Marie, Et sainte Elisabeth, Et ses parents sans nom, Et Joseph le beaupère; Mais en voiant Grammon, Poupon, Tu criais, Cette là, Papa, Est ma soeur ou ma mère.

254. (1773) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Eh bien, Madame, que dites vous à présent de la cabale abominable qui poursuivait Mr De Morangiéshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240117a_1key001cor/nts/001? que dites vous en tout genre de ce monstre énorme qu’on appelle le public, et qui a tant d’oreilles et de langues, http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240117a_1key001cor/txt/001et tanthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1240117a_1key001cor/txt/001 privé des yeux? Si vous avez perdu la vue du corps, et si je suis à peuprès dans le même état quand l’hiver aproche, il me semble que nous avons conservé, dumoins les yeux de l’entendement. Avouez que le parlement d’aujourd’hui répare les crimes que l’ancien a commis en assassinant juridiquement Lalli et le Chevalier de La Barre. […] Soiez bien sûre, Madame, que mes maux ne dérobent rien aux sentiments qui m’attachent à vous jusqu’au dernier moment de ma vie.

255. (1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je me suis mis en quatrième, & leur ai fait servir un plat de pilules à souper, après quoi je les ai envoyés chez Tissot, qui n’a jamais guéri personne, & qui est plus malade qu’eux, en faisant de petits livres de médecine. […] Ce que j’ai toujours aimé en vous, Madame, parmi plusieurs autres genres de mérites, c’est que vous n’êtes point charlantane. Vous avés de la bonne-foi dans vos goûts & dans vos dégoûts, dans vos opinions & dans vos doutes. […] Apropos de sentiment, je ne cesserai jamais de vous répéter ma profession de foi pour votre grand-maman. Je vous dirai toujours qu’indépendament de ma reconnaissance qui ne finira qu’avec moi, elle & son mari sont entièrement selon mon coeur.

256. (1768) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Paris ce 10e avril 1768 Vrayment, vrayment, Monsieur, J'ay bien d'autres questions à vous faire, sur l'âme des pûces, sur le mouvement de la matière, sur L'opéra Comique et même sur le départ de Mad. […] J'ai reçu vôtre Princesse de Babylone, qui m'a fait grand plaisir; il y a bien de nouvelles brochures dont on m'a parlez, et que vous devriés m'envoyer; je suis plus curieuse de ce qui vient de vous et (à plus juste titre), que vous ne pouvez n'y ne devez l'Etre des prétendues merveilles du Nord. […] Mais Monsieur aije tort, ou raison de causer si familièrement avec vous? et appartient il à une vieille sybille, renfermée dans sa cellule, assise dans un Tonneau, d'interroger, et de fatiguer L'Appollon, Le philosophe, enfin le seule homme de ce siècle? […] Ah, Monsieur, si vous connoissiés Madame La Duchesse de Choiseul, vous ne diriés pas qu'elle est digne de m'aimer, mais vous diriés que personne n'est digne d'elle et qu'elle est aussy supérieure à toutes les femmes passées, présentes et à venir, que vous l'êtes à tous les beaux esprits de ce siècle.

257. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Plus de chant, plus de danse, Et surtout plus d'esprit. […] Aurore des jours heureux Répandez de nouvaux feux. […] On doit savoir qu'en chansons, hors de l'église point de salut. […] Cela ressemble à une fête de Sceaux. Mais cela est assez bon pour un piano forté, qui est un instrument de chaudronier, en comparaison du clavessin.

258. (1770) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

30 avril 1770 Dixain, contre votre grand maman Oui J'ay tort si Je vous ay dit Qu'elle n'étoit qu'une volage; Frère du brillant avantage De sa beauté, de son esprit, Et se moquent de l'esclavage De tous ceux qu'elle assujettit.

259. (1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

6e juin 1774 Je vous dois un quartier, Madame, il faut que je me hâte de vous le paier, parce que bientôt je ne vous en paierai plus jamais. Le petit ouvrage de Mr de Chambon m'a paru mériter que je vous l'envoie, non pas à cause de son éloquence, car je le crois un peu trop simple; mais à cause des vérités qui m'y semblent prodiguées assez sagement. Ce Mr Chambon ne brûle pas beaucoup d'encens quand il dit sa grand messe. Souvenez vous de moi, Madame, en cas qu'on m'honore jamais d'une messe des morts; et soiez bien sûre que les sept ou huit jours que j'ai encore à vivre seront emploiés à vous aimer, à vous regretter, et à souhaitter qu'il y ait aumoins dans Paris cinq ou six Dames qui vous ressemblent.

260. (1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

La première leçon que je crois qu'il faudrait donner aux hommes c'est de leur inspirer du courage dans l'esprit, et puisque nous sommes nés pour souffrir et pour mourir, il faut se familiariser avec cette dure destinée. […] Les derniers moments sont accompagnés dans une partie de l'Europe, de circonstances si dégoûtantes et si ridicules, qu'il est fort difficile de savoir ce que pensent les mourants; ils passent tous par les mêmes cérémonies. […] Je vous crois assez philosophe, Madame, pour être de mon avis. Si vous ne l'êtes pas, brûlez ma Lettre, mais conservez moi un peu d'amitié pour le peu de temps que j'ai encor à ramper sur le tas de boue où la nature nous a mis.

261. (1763) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Le quinze vingt des des alpes convient que les remontrances des parlements, leurs arrêts, leurs démissions, la pastorale de Monseigneur Dupuy, sont des choses fort amusantes; mais il croit que le présent conte pourait aussi faire passer un quart d'heure de temps, attendu, comme il est très bien dit dans le dit conte, que les soirées d'hiver sont longueshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110075b_1key001cor/nts/001. Il faut que les aveugles fassent des contes, ou qu'ils jouent de la viélehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110075b_1key001cor/nts/002, car si on avait perdu quatre sens, il n'y aurait autre chose à faire qu'à se réjouïr avec le cinquième. […] On suppose que Mr Le Président Hainaut jouït d'une parfaitte santé; on l'assure du plus tendre et du plus véritable attachement.

262. (1768) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

[c. 22 November 1768] http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180150a_1key001cor/txt/001 Madame, Un officier de dragonshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180150a_1key001cor/nts/002 me mande que vous lui avez demandé celahttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180150a_1key001cor/nts/003. […] Si votre ami avait lu cela et bien d'autres choses faites comme cela, il ne serait pas tourmenté sur la fin de sa vie par les idées les plus absurdes et les plus détestable que la fureur et la folie aient jamais inventées; il changerait avec tous les honnêtes gens de l'Europe qui ont changé. Je l'aime malgré sa faiblesse, et je prends vivement son parti contre un marquis de Bélestat qui le traite avec la plus cruelle injustice dans un ouvrage qui a trop de vogue et qu'il faut absolument réfuter. […] Méprisez le monde et la vie, tout cela n'est qu'un fantôme d'un moment.

263. (1766) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Celui qui redevient le confrère de Madame La marquise Du Deffant quand les neiges tombent sur les alpes a l'honneur de lui envoier cette petite pièce pour joindre au procez de mr Hume contre Jean Jaques.

264. (1766) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

car dans les temps de neige vous savez que je suis vôtre confrère en aveuglement, et vôtre maître en souffrance; soiez donc ma disciple en discrétion. […] Si j'avais de la vanité je la mettrais à les avoir reçues. […] Vous savez que vous m'avez déjà mis dans la disgrâce de Montcrifhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140011a_1key001cor/nts/002, voulez vous me brouiller avec toute l'académie et la philosophie? […] Je vous souhaitte à Mr le Président Hainaut et à vous, des jours aussi heureux qu'on peut en avoir quand on n'a plus de passions.

265. (1778) Voltaire to Marie Anne de Vichy-Chamrond, marquise Du Deffand

Paris, 11 février [1778] J'arrive mort, et je ne veux ressusciter que pour me jeter aux genoux de mad. la marquise du Deffand.

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