Les philosophes n'ont pas tant de tort d'examiner si par leur seule raison ils peuvent concevoir la création, si l'univers est éternel, si la pensée peut être jointe à la matière, comment il y a du mal dans le monde, et vingt autres petites bagatelles de cette espèce. […] Je m'imagine que je pense encore comme vous sur cette pièce; elle m'a paru noblement pensée et noblement écrite, et s'il ne s'agissait que du style, je dirais qu'il est fort au dessus de celui des représentations, et surtout de celui de la plupart de nos auteurs.
Ne vous figurez pas Monsieur, que le Président vous ayt soupçonné, ni lui ni moyhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180258b_1key001cor/nts/001 n'avons eûs cette pensée; et si quelqu'un a dit l'avoir, il en faisoit semblant, mais je suis bien aise d'avoir cette lettre; il n'est plus permis actuellement d'insinuer le moindre soupçon sur vous; Le Pauvre Président n'est plus en Etat de s'intéresser à rien; sa santé n'est pas mauvaise, mais sa tête ne va pas bien; ne luy écrivez plus sur ce sujet, je vous le demande en Grâce. […] Huet, il n'y a que luy qu'on puisse vous préférer; J'approuve le jugement qu'il porte de Montesquiou; il révolte plusieurs personnes; mais l'extrême admiration qu'on a pour ce bel Esprit ressemble assez à la vénération qu'on a pour les choses sacrée, qu'on respecte d'autant plus que l'on ne les comprend pas; Il y a un petit indouze, dont le titre est: Génie de Montesquiouhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1180258b_1key001cor/nts/003; il y a quelques traits brillants, trasendants, mais quantité d'autres infiniment obscurs, inintelligibles, des Lieux communs, des pensées fausses; Jamais, jamais je ne souffrirez patiamment qu'on mette en paralelle Mr. de Montesquiou avec Messieurs Huet, et Guillemet; La Grand Maman est bien de cet avis; vous l'adoreriés si vous la Connoissiés, cette Grand Maman; vous êtes bien souvent le sujet de nos Conversations; elle voudroit que vous abandonnassiés La Bletterie, mais elle ne peut s'empêcher de rire de tout ce qu'il vous fournit de plaisant.
Vous me feriez une peine extrême si vous disiez publiquement vôtre pensée sur cette tolérance dont vous ne vous souciez guères, et qui me touche infiniment.
Les chagrins et l'ennuy qui tourmentent finiront bientôt; Je sent souvent du regrets de n'avoir pas étée m'établir à Geneve, dans le tems que J'étois dans le voisinage; Je me serois trouvée dans le vôtre, mais il faut chasser toutes ces pensées, et se contenter de brouter le foin au travers duquel on est placé.
Pour moi monsieur Je l'advoüe, je n'ay qu'une pensée fixe, qu'un sentiment, qu'un chagrin, qu'un malheur, c'est la douleur d'être née; il n'i a point de rôle qu'on puisse joüer sur le théâtre du monde, auxquels Je ne préférasse le néant; et ce qui vous paroitra bien inconséquend, c'est que quand J'aurois la dernière Evidence d'y devoir rentrer je n'en aurois pas moins d'horreur pour la mort; expliquez moi à moi même, Eclairez moi, faites moi part des vérités que vous découvrirez, enseignez moi le moyen de supporter la vie, ou d'en voir la fin sans répugnancehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140117_1key001cor/nts/001; vous avez toujours des idées claires et Justes, il n'i a que vous avec qui Je voudrois raisonner, mais malgré l'opinion que J'ay de vos lumières je seray fort trompé si vous pouvez satisfaire aux choses que je vous demande.
http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190112b_1key001cor/txt/001J'écrivois l'autre jour, à un de mes amis, qu'on appellera ce siècle cy, le siécle de Voltaire; personne ne s'est assez distingué dans aucuns Genre, pour que son nom soit placé avec le vôtre: c'est bien sincèrement ma pensée.
Pour moi, Madame, je ne vous oublierai que quand je ne penserai plus, et lorsqu'il m'arrivera quelque ballot de pensées des païs étrangers, je choisirai toujours ce qu'il y aura de moins indigne de vous pour vous l'offrir.
Cette pensée n'est bonne qu'à empoisonner la vie.
Je vous prie de me dire si vous approuvez le mot frais pour Exprimer une pensée neuve et naïve.
et a t'on quelques choses à dire quand on n'a n'y pensée n'y idées?
N'allez pas prendre tout cela pour de la flaterie, car c'est en vérité ma pensée.
Vous qui relisez Corneille Madame, mandez moi, je vous prie, tout ce que vous pensez de mes pensées, et je vous dirai ensuitte mon secrêt.