(1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je n'ai point de thème aujourd'hui, madame, j'ai envie de vous écrire et je n'ai rien à vous dire.
Quand je vous aurai souhaité un bon estomac, de la dissipation et de l'amusement, il en résultera seulement que je vous ai ennuyée.

Le contehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250074_1key001cor/nts/001 que vous m'avez fait de ce nouveau conseiller qui n'osait qu'opinerhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250074_1key001cor/txt/001 avant que ses anciens qu'opinassenthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250074_1key001cor/txt/001 est un vieux conte que j'ai entendu faire avant que mad. de Choiseulhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250074_1key001cor/txt/002 fût née.

J'ai un neveu qui est gros comme un muid et qui est doyen des conseillers clercs du nouveau parlement; il faut me pardonner de prendre un peu le parti de sa compagnie. L'ancienne n'était guère plus savante, et était certainement plus tracassière. Si vous vous faites lire l'histoire, vous aurez remarqué que depuis François 1er le parlement de Paris a cru toujours ressembler au parlement d'Angleterre. C'est précisément comme si un de nos consuls se croyait consul romain. Le monde a toujours été gouverné par des équivoques. Toutes nos querelles de religion ont eu des équivoques pour principes, c'est ce qui m'a fait souhaiter que la satire de Boileauhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250074_1key001cor/nts/002 sur les équivoques fût un peu meilleure.

Il me paraît que vous autres parisiens vous allez voir une grande et paisible révolution dans votre gouvernement et dans votre musique. Louis 16 et Gluk vont faire de nouveaux Français.

Mr de Lisle va à son régiment et je n'aurai plus de nouvelles. Il avait une pitié charmante pour ma curiosité; il me donnait des thèmes toutes les semaines; il égayait le sérieux de ma vie, car je suis très sérieux; je fais mes moissons, je plante, je bâtis, j'établis une colonie qu'on va peut-être détruire. Voilà des occupations graves.

Portez vous bien madame, ayez du plaisir si vous pouvez, cela est bien plus important et beaucoup plus difficile. Je vous suis attaché depuis bien longtemps; mais à quoi cela sert il? Je vous suis inutile, je suis vieux, je vais mourir. Adieu madame, je vous aime comme si j'avais encore vingt ans à vivre gaiement avec vous.