L’Epître à Horace, encor une fois, n’est point achevée, Madame, et cependant je vous l’envoie, et qui plus est, je vous l’envoie avec des notes.
Soiez très sûre que ce n’est pas de moi que Madame la comtesse de Brionnehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/001 la tient; mais voicy le fait.
Mon âge et mes maux me mettent très souvent hors d’état d’écrire. J’ai dicté ce croquis à Mr Du Rey, beaufrère de Mr le premier président du parlement de Parishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/002, qui a été huit mois chez moi. On ne se fait nul scrupule d’une infidélité en vers. Pour celles qu’on fait en prose dans vôtre païs, je ne vous en parle pas.
Un filshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/003 de Madame De Brionne est à Lausanne; on y envoie beaucoup de vos jeunes seigneurs pour dérober leur éducation aux horreurs de la capitale. Mr Durey a eu la faiblesse de donner cet ouvrage informe au jeune Monsieur de Brionne qui l’a envoié à Madame sa mère. J’en suis très fâché, mais qu’y faire? Il faut dévorer cette petite mortification. J’en ai essuié d’autres en assez grand nombre. Le Roi de Prusse sera peut être mécontent que j’aie dit un mot à Horace de mes tracasseries de Berlinhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/004, dans le tems où il me fait mille agaceries et mille galanteries.
Les dévots feront semblant d’être en colère de la manière honnête dont je parle de la mort. L’abbé Mabli sera fâchéhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/005. Voiez que de tribulations pour avoir fait copier une méchante Lettre par un frère de made De Sauvigni! Voilà ce que c’est que d’avoir des fluxions sur les yeux. Je suis persuadé que vôtre état vous a exposée à de pareilles avantures.
Je vous avertis que je fais beaucoup plus de cas des loix de Minos que de mon commerce secret avec Horace. Cette Tragédie aura aumoins un avantage auprès de vous, ce sera d’être lue par le plus grand acteurhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/006 que nous aions. A l’égard de l’épitre, il est impossible de la bien lire sans être aufait. Vous n’aurez nul plaisir; mais vous l’avez voulu; je surmonte toutes mes répugnances; et quand je fais tout pour vous c’est vous qui me grondez. Vous êtes tout aussi injuste que vôtre grand maman et son mari. Ce qu’il y a de pis c’est que Madame De Beauvau est tout aussi injuste que vous. Elle s’est imaginé que j’étais instruit des tracasseries qu’on avait faittes au mari de vôtre grand maman, et qu’au milieu de mes montagnes je devais être aufait de tout comme dans Paris. Vous m’avez cru toutes deux ingrats, et vous vous êtes toutes deux étrangement trompées. C’est l’horreur d’une telle injustice encor plus que ma vieillesse qui me détermine à rester chez moi et à y mourir. Vivez, Madame, le moins malheureusement que vous pourez. Je vous aime malgré tous vos torts bien respectueusement et bien tendrement.
Ces deux adverbes joints font admirablement.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230135b_1key001cor/nts/007