(1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Envoiez moi des pâtes d’abricots de Genêve.
Cela est bientôt dit, Madame, mais celà n’est pas si aisé à faire; vos confiseurs de Paris s’opposent à ce commerce. Il n’a jamais été si difficile d’envoier un pot de marmelade dans vôtre païs, lorsque toute l’Europe en mange.

Si Mr Walpole demeurait encor quelque tems en France, on pourait lui en envoier, car je ne crois pas qu’on soit assez hardi chez vous pour saisir les confitures d’un ministre anglais.

Quand vous verrez vôtre grand-maman je vous prie de me mettre à ses pieds. Elle m’a pardonné mon goût pour Catherine, elle me pardonnera bien la juste horreur que j’ai eue de tout tems pour les pédants qui firent la guerre des pots de chambre au grand Condé, et qui ont assassiné un pauvre chevalier de ma connaissance. Passez moi l’émétique, Madame, et je vous passerai la saignéehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220050_1key001cor/nts/001; je vous sacrifierai une demi douzaine de philosophes, abandonnez moi autant de pédants barbares, vous ferez encor un très bon marché.

Ne m’aviez vous pas mandéhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220050_1key001cor/nts/002 dans une de vos dernières Lettres que les nouveaux règlements de finances vous avaient fait quelque tort? Ils m’en ont fait beaucoup, et j’ai bien peur que celà ne dérange la pauvre petite colonie que j’avais établie au pied des Alpes. Je crois que la France est le païs où il doit y avoir le plus d’amis; car après tout l’amitié est une consolation, et on a toujours besoin en France de se consoler.

Ma plus grande consolation, Madame, a toujours été la bonté dont vous m’avez honoré dans tous les tems. Vous savez si je vous suis attaché, et si je ne compterai pas parmi les plus beaux moments de ma vie le plaisir de vous entendre, car grâces à nos yeux nous ne pourons guères nous voir.

Je ne peux pas vous dire, Madame, que je vous aime comme mes yeux, mais je vous aime comme mon âme, car je me suis toujours aperçu qu’au fond mon âme pensait comme la vôtre.