(1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vôtre grand Maman, Madame, me fait l’honneur de m’appeller son confrèrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210221a_1key001cor/nts/001.
Je prends la liberté de me dire plus que jamais vôtre confrère aussi, car il y a quatre jours que je suis absolument aveugle. Nous sommes enterrés sous la neige. En voilà pour un grand mois aumoins. Vôtre grand maman, Dieu merci, est moins à plaindre; elle est dans le plus beau climat de la terre; elle sera honorée par tout; elle sera plus chère à son mari; elle possède un petit roiaume où elle fera du bien. Mais j’ai un scrupule; on dit que son mari a autant de dettes qu’il a fait de belles actions. On les porte à plus de deux millions. On ajoute qu’un homme de quelque considération lui a mandé que sans sa femme il aurait été ailleurs que chez lui.

Voilà de ces choses que vous pouvez savoir, et que vous pouvez me dire.

Cette petite Venus en abrégé me parait un Caton pour les sentiments, et son Catonismehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210221a_1key001cor/nts/002 est plein de grâces. Vous ne sauriez croire combien je suis fâché de mourir sans vous avoir revues l’une et l’autre.

Un jeune homme qui me parait promettre quelque chose, est venu me montrer cette Lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210221a_1key001cor/nts/003 traduite de L’arabe que je vous envoie. Je pense que vôtre grand maman l’a reçue. Je vous conjure de n’en point laisser prendre de copie.

Adieu, Madame, je souffre beaucoup; je ne pourais rien écrire qui pût vous amuser. Je suis forcé de finir en vous disant que je vous serai attaché jusqu’au dernier moment de ma vie.