(1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

J'ai envoié, Madame, à vôtre grandmaman cehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190363_1key001cor/nts/001 que vous demandez, et ce que j'ai enfin trouvé.
Puissiez vous trouver aussi de quoi vous amuser quand vous êtes seule! c'est un point bien important. Il y a une hymne de Santeuil qu'on chante dans l'Eglise welche, qui dit que Dieu est occupé continuellement à se contenter et à s'admirer tout seulhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190363_1key001cor/nts/002; et qu'il dit comme dans le joueur, Allons, saute marquis http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190363_1key001cor/nts/003. Mais il faut quelque chose de plus aux faibles humains; rien n'est triste que d'être avec soi même sans occupation. Les tirans savent bien celà, car ils vous mettent quelquefois un homme entre quatre murailles sans livres. Ce suplice est pire que la question qui ne dure qu'une heure.

Je vous avertis qu'il n'y a rien que de très vrai dans ce que vôtre grand maman doit vous donner. Reste à savoir si ces vérités là vous attacheront un peu. Elles ne seront certainement pas du goût des Dames welches qui ne veulent que l'histoire du jour, encor leur histoire du jour roule sur deux ou trois tracasseries. Mon histoire du jour, à moi, c'est celle du genre humain. Les Turcs chassés de la Moldavie, de la Bessarabie, d'Azoph, d'Erzerum et d'une partie du païs de Médée, en un mot, toute cette grande révolution que vous ignorez peut être à Paris, ne sont qu'un point sur la carte de l'univers.

Si ce que je vous envoie vous fatigue et vous ennuie vous aurez autre chose, mais pas sitôt. Je travaille jour et nuit. La raison en est que j'ai peu de tems à vivre, et que je ne veux pas perdre ce tems; mais je voudrais bien aussi ne vous pas faire perdre le vôtre.

Je suis confondu des bontés de vôtre grand maman. Je vous les dois, Madame; je vous en remercie du fond de mon cœur. C'est un petit ange que Madame Gargantua. Il y a une chose qui m'embarasse, je voudrais que vôtre grand papa fût aussi heureux qu'il mérite de l'être. Je voudrais que vous eussiez la bonté de m'en instruire quand vous n'aurez rien à faire. Dites je vous prie à Mr le Président Henaut que je lui serai toujours très attaché.