(1771) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1771) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Non, monsieur, la grand maman n’a recû de lettre d’aucun patron si ce n’est de ceux qu’elle à en paradis et dont elle ne m’a pas fait part, car pour ceux de l’enfer de ce monde elle n’en entend point parler; elle est tranquile dans sa solitude qui n’avoit été fréquentée que par ses plus proches parents, Jusqu’à dimanche dernier que deux officiers suisses ont obtenus la permission d’aller trouver le maitre de la maison avec qui ils avoient un travail à faire.
Mr Le prince de Tingrihttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210281_1key001cor/nts/001 pour une semblable raison a obtenû aussi la même permission, et de plus celle d’y mener sa femme, qui a sollicitée vivement cette grâce en disant qu’elle avoit beaucoup d’obligation à la grand maman, qu’elle désiroit passionnément de lui donner cette marque de sa reconnoissance.

Mr de Beauvau est allé aujourd’huy à la cour pour solliciter la même permission; on lui avoit fait Espérer qu’on lui accorderoit au bout d’un certain tems; il a pour raison la parenté proche et de grandes obligations.

Mon tour viendra à ce que J’espère, mais Je ne feray point de démarches avant la belle saison. C’est un grand voyage pour quelqu’un de mon âge; le séjour ne pourra être que fort long, et peutêtre ne reverrai-je plus mes pénates; Je les quitteray sans regret et ceux de mes parents deviendrons les miennes.

Vous sentez bien monsieur combien J’approuve les sentimens que vous professez pour nos amis. Vous êtes non seulement dans la classe de tout les honnêtes gens, mais de tout ceux qui veulent passer pour l’être. Jamais disgrâce n’a été accompagnée de tant de gloire; il n’y en â point d’Exemple dans les histoires anciennes et modernes; le regret est général, et l’embaras de trouver des successeurs est une circonstance assez flateuse.

Vous sçavez sans doûte tout les changements auxquels on travaille, c’est le tems des prodiges, c’est un nouveau Cahos, nous attendons qu’on le débrouille; on est accablé de remontrances, d’arrêtés, de lettres, de discours. Orhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210281_1key001cor/nts/002 ceux qui nous viennent de Rouen, tous me semblent détestables, surtout ceux de notre bonne ville qui sont plein de belles phrases et qu’on diroit être fait pour concourir au prix de l’accadémie.

A propos d’accadémie, vous sçavez que le p. de Beauvau y va être reçû; il me lût hier son discourshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210281_1key001cor/nts/003 qui me parut fort bien, il est de lui Excepté les deux premières phrases qui ne sont pas ce que J’en aime le mieux.

Votre barmecide vous a fait honneur à toute sortes d’Egards, à votre coeur, à votre Esprit; rien n’est si heureux que ce refrein, c’est barmecide.

J’aurois voulû que les Etrangers qui se rencontre sur le bord de l’Euphrate Eussent articulés quelque faits, mais leur rencontre qui marque leur bonne intelligence en est un qui suffit pour l’honneur de celui qui les rassemble.

Adieu mon cher Voltaire. Je ne sçay pas si vous trouvez que ce soit un bon lot que de parvenir à la viellesse; pour moi Je le trouve détestable et Je suis toujours indignée de L’injustice qu’on a Eû de nous faire naitre sans notre consentement, et de nous faire viéllir malgré nous. Ne voilà t’il pas un beau présent que la vie quand on L’accompagne de chagrin et de souffrances.

N’avez vous rien fait de nouveau? et ne m’enverrez vous plus rien parce que la grand maman n’est plus ici? Je ne manque pas de moyens de lui faire tenir tout ce que je veux.