(1749) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1749) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Je viens de voir mourir, madame, une amie de vingt ans qui vous aimoit véritablement, et qui me parloit deux jours avant cette mort funeste, du plaisir qu'elle auroit de vous voir à Paris à son premier voiage.
J'avois prié Monsieur le président Henaut de vous instruire d'un acouchement qui avoit paru si singulier et si heureux. Il y avoit un grand article pour vous dans sa lettre. Elle m'avoit recommandé de vous écrire, et j'avois cru remplir mon devoir en écrivant à M. le présidt Henaut. Cette malheureuse petite fille dont elle étoit acouchée et qui a causé sa mort ne m'intéressoit pas assez. Hélas madame nous avions tourné cet évènement en plaisanterie, et c'est sur ce malheureux ton que j'avois écrit par son ordre à ses amies. Si quelque chose pouvoit augmenter l'état horrible où je suis, ce seroit d'avoir pris avec guaieté une avanture dont la suitte empoisonne le reste de ma vie misérable. Je ne vous ay point écrit pour ses couches, et je vous annonce sa mort. C'est à la sensibilité de votre cœur que j'ay recours dans le désespoir où je suis. On m'entraîne à Cirey avec mr du Chastellet. De là je reviens à Paris sans savoir ce que je deviendray, et espérant bientôt la rejoindre. Soufrez qu'en arrivant j'aye la douloureuse consolation de vous parler d'elle, et de pleurer à vos pieds, une femme qui avec ses faiblesses avoit une âme respectable.

V.