Savez vous bien, Madame, pourquoi j’ai été si longtemps sans vous écrirehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1230355_1key001cor/nts/001?
C’est que j’ai été mort pendant près de trois mois, grâce à une complication de maladies qui me persécutent encor. Nonseulement j’ai été mort, mais j’ai eu des chagrins et des embaras ce qui est bien pis.
Puisque vous avez vu les▶ loix de Minos, il est juste que je vous envoie ◀les▶ notes qu’une bonne âme à mises à ◀la▶ fin de cette pièce. Je pourais même vous dire que cette tragédie n’a été faitte que pour amener ces notes qui paraîtront peut être trop hardies à quelques fanatiques, mais qui sont toutes d’une vérité incontestable. Faittes vous ◀les▶ lire, elles vous amuseront aumoins autant qu’une feuille de Fréron. Quelques personnes seront peut être étonnées qu’on parle dans ces notes du chevalier de ◀La▶ Barre et de ses éxécrables assassins, mais je tiens qu’il en faut parler cent fois et faire détester si ◀l’▶on peut ◀la▶ mémoire de ces monstres appellés juges, à la dernière postérité. Je sais bien que ◀l’▶intérêt personel d’un très grand nombre de familles, ◀l’▶esprit de parti, ◀la▶ crainte des impôts et du pouvoir arbitraire, ont fait regreter dans Paris ◀l’▶ancien parlement, mais pour moi, Madame, j’avoue que je ne pouvais qu’avoir en horreur des bourgeois tirans de tous ◀les▶ citoiens, qui étaient à la fois ridicules et sanguinaires. Je me suis déclaré hautement contre eux avant que leur insolence ait forcé ◀le▶ Roi à nous défaire de cette cohue. Je regardais ◀la▶ vénalité des charges comme ◀l’▶oprobre de ◀la▶ France, et j’ai béni ◀le▶ jour où nous avons été délivrés de cette infamie. Je n’ai pas cru assurément m’écarter de ◀la▶ reconnaissance que je dois et que je conserve à un bienfaicteur, en m’élevant contre des persécuteurs qui n’ont rien de commun avec lui. Je n’ai fait ma cour à personne, je n’ai demandé aucune grâce à personne, ◀la▶ satisfaction de manifester mes sentiments, et de dire ◀la▶ vérité, m’a tenu lieu de tout. Un temps viendra où ◀les▶ haines des factions seront éteintes, et alors ◀la▶ vérité restera seule.
Il y a quelque chose d’aussi sacré pour moi que cette vérité, c’est ◀l’▶ancienne amitié. Je compte sur ◀la▶ vôtre en vous répondant de la mienne, c’est ce qui fait ma consolation dans mes neiges et dans mes souffrances. Ma gaieté n’est pas revenue, mais elle reviendra avec ◀les▶ beaux jours si mes maladies diminuent. Si je n’ai plus de gaieté j’aurai dumoins de ◀la▶ résignation et de ◀la fermeté, un profond mépris pour toute superstition et un attachement inviolable pour vous.