Vous me donnez donc, Madame, une charge de médecin consultant dans vôtre maison.
J'en suis bien indigne. Je ne suis que le▶ compagnon de vos misères, et compagnon d'ignorance de tous ◀les▶ autres médecins. Si vous aviez un livre, difficile à trouver, qui est intitulé questions sur ◀l'▶enciclopédie, je vous prierais de vous faire lire ◀l'▶article médecinehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250410_1key001cor/nts/001 qui est assez drôle, mais qui me parait bien aprochant de ◀la▶ vérité. Je suis de ◀l'▶avis d'un médecin anglais qui disait à ◀la▶ Duchesse de Marlborou, Madame, ou soiez bien sobre, ou faittes beaucoup d'exercice, ou prenez souvent de petites purges domestiques, ou vous serez bien malade.
J'ai suivi ◀les▶ principes de ce médecin, et je ne m'en suis pas mieux porté. Cependant, vous et moi nous avons vécu assez honnêtement, en prévenant ◀les▶ maladies par un peu de casse. Je fais monderhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250410_1key001cor/nts/002 la mienne, et je ◀la▶ fais un peu cuire. Elle fait beaucoup plus d'effet quand elle n'est pas cuite, et qu'elle est fraichement mondée. Ma dose est d'ordinaire de deux ou de trois petites cuillers à caffé, et on en peut prendre deux fois par semaine, sans trop accoutumer son estomac à cette purge domestique. Quelquefois aussi je fais des infidélités à ◀la▶ casse en faveur de ◀la▶ rhubarbe, car je fais grand cas de tous ces petits remèdes qu'on nomme minoratifshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250410_1key001cor/nts/003 dont nous sommes redevables aux Arabes, de qui nous tenons nôtre médecine et nos almanacs. Vous savez peutêtre que pendant plus de cinq cent ans nos Souverains n'eurent que des médecins arabes ou juifs; mais il fallait que ◀le▶ fou du roi fût chrétien.
Je reviens à ◀la▶ purge domestique tantôt casse, tantôt rhubarbe, et je dis hardiment que ce sont des fruits dont ◀la▶ terre n'est pas couverte en vain, qu'ils servent à la fois de nourriture et de remède, et qu'il faut bénir dieu de nous avoir donné ces secours dans ◀le▶ plus détestable des mondes possibles.
Je dis encor que nous ne devons pas tant nous dépiter d'être un peu constipés, que c'est ce qui m'a fait vivre quatre vingt et un ans, et que c'est ce qui vous fera vivre beaucoup plus longtems. On souffre un peu quelquefois, je ◀l'▶avoue; mais en général c'est nôtre lot de souffrir de manière ou d'autre. Je m'acquitte parfaittement de ce devoir, et tout résigné que je suis je me donne actuellement au diable dans mon lit, pendant que Made Denis est dans le sien depuis quarante jours, avec ◀la▶ fièvre, et une fluxion de poitrine.
Je suis prêt d'ailleurs de vous signer tout ce que vous me dites, excepté ◀la▶ trop bonne opinion que vous voulez bien avoir de vôtre vieux confrère en maladies. Il y a longtems que j'ai eu ◀le▶ bonheur de passer quinze jours avec Mr Turgot. Je ne sais pas ce qu'on lui permettra de faire; mais je sais que je fais plus de cas de son esprit que de celui de Jean Baptiste Colbert, et de Maximilien de Rosny. Je ne crains pour lui que deux choses, ◀les▶ financiers et ◀la▶ goutte. Ce sont deux terribles sortes d'ennemis, il n'y a que ◀les▶ moines qui soient plus dangereux.
http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250410_1key001cor/txt/001Je pense absolument comme vous sur ◀les▶ procez de Mr ◀le▶ comte de Guines, et de Mr le Maréchal de Richelieu. Ils ont tout deux des adversaires bien méchants et bien absurdes. J'en ai eu de pareils dans ma petite sphère.
Oui, j'ai vu Mr de st Aldegonde, et je ◀l'▶ai plaint, mais il a des sentiments vertueux et je ◀l'▶estime.
Vous voiez, Madame, que je réponds à tous ◀les▶ articles de vôtre Lettre. Je ne laisse pas d'avoir quelquefois de ◀l'▶exactitude.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250410_1key001cor/txt/001 Je vous quitte pour aller au chevet du lit de ma malade. Suportez ◀la▶ vie, Madame, et conservez moi vos bontés.
A propos, Madame, ou hors de propos, auriez vous entendu parler d'une Lettre en vers d'un prétendu chevalier de Morton à Mr ◀le▶ comte de Tressan qu'il a eu ◀la▶ faiblesse de faire imprimer avec sa réponse, ◀le▶ tout orné de notes instructives? Ce Morton dit que ◀les▶ hommes sont d'étranges machines,
Ensuite, il dit que Mr de Tressan rendait plus piquants ◀les▶ soupers d'Epicure Stanislas père de ◀la▶ feue reine. Stanislas serait certainement bien étonné de s'entendre nommé Epicure, lui qui ne donna jamais à souper. Prèsque tous ◀les▶ vers de cette belle épitre sont dans ce goût; et voilà ce que mr de Tressan, de plusieurs académies à cru être de moi! Voilà à quoi il a répondu par une épitre en vers! Voilà ce qu'il dit avoir été extrêmement approuvé par messieurs d'A…..C…..et M…..http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250410_1key001cor/nts/004
J'ai eu beau lui écrire que m. ◀le▶ chevalier de Morton était un détestable poète, il n'en démord point. Il me dit que je suis trop modeste. Il fait courir dans Paris cet imprimé, d'ailleurs très dangereux, dans lequel on met sur ◀la▶ même ligne Numa et ◀le▶ roi de Prusse, Montagne et Vanini, Socrate et ◀l'▶Arétin.
Il y a quelques vers heureux jettés au hasard dans ce mauvais ouvrage fait aux petites maisons, et surtout des vers très hardis, qui passent à ◀la▶ faveur de leur témérité. M. De Tressan distribue à ses amis ◀la▶ demande et ◀la▶ réponse. Que voulez vous que je dise? ◀La▶ rage d'imprimer ses vers est une étrange chose, mais ce n'est pas à moi de ◀la▶ condamner. J'ai passé ma vie à tomber dans cette faute, et je suis puni par où je suis coupable.
Mais bon dieu! que ◀le bon goût est rare!