Je viens de voir mourir, madame, une amie de▶ vingt ans qui vous aimoit véritablement, et qui me parloit deux jours avant cette mort funeste, du plaisir qu'elle auroit ◀de▶ vous voir à Paris à son premier voiage.
J'avois prié Monsieur le président Henaut ◀de▶ vous instruire ◀d'▶un acouchement qui avoit paru si singulier et si heureux. Il y avoit un grand article pour vous dans sa lettre. Elle m'avoit recommandé ◀de▶ vous écrire, et j'avois cru remplir mon devoir en écrivant à M. le présidt Henaut. Cette malheureuse petite fille dont elle étoit acouchée et qui a causé sa mort ne m'intéressoit pas assez. Hélas madame nous avions tourné cet évènement en plaisanterie, et c'est sur ce malheureux ton que j'avois écrit par son ordre à ses amies. Si quelque chose pouvoit augmenter l'état horrible où je suis, ce seroit ◀d'▶avoir pris avec guaieté une avanture dont la suitte empoisonne le reste ◀de▶ ma vie misérable. Je ne vous ay point écrit pour ses couches, et je vous annonce sa mort. C'est à la sensibilité ◀de▶ votre cœur que j'ay recours dans le désespoir où je suis. On m'entraîne à Cirey avec mr du Chastellet. ◀De▶ là je reviens à Paris sans savoir ce que je deviendray, et espérant bientôt la rejoindre. Soufrez qu'en arrivant j'aye la douloureuse consolation ◀de▶ vous parler ◀d'▶elle, et ◀de pleurer à vos pieds, une femme qui avec ses faiblesses avoit une âme respectable.
(1749)
Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
V.