Je vous ai envoié en grand secret, Madame, la Tragédie des Guébres.
Vous me feriez une peine extrême si vous disiez publiquement vôtre pensée sur cette tolérance dont vous ne vous souciez guères, et qui me touche infiniment. Vous n'êtes informée que des plaisirs de▶ Paris, et je le suis des malheurs ◀de▶ trois ou quatre cent mille âmes qui souffrent dans les provinces. On ne veut pas les reconnaître pour citoiens, leurs mariages sont nuls, on déclare leurs enfans bâtards. Un jeune homme ◀de▶ la plus grande espérance, plein ◀de▶ candeur et ◀de▶ génie, m'aporta il y a près de six mois cet ouvrage que je vous ai envoié. J'ai beaucoup travaillé avec lui, je l'ai aidé ◀de▶ mon mieux. Les comédiens allaient jouer la pièce lorsque des magistrats qui ont cru reconnaître nos prêtres dans les prêtres paiens s'y sont oposés. Les comédiens étaient enchantés ◀de▶ cet ouvrage qui est très neuf, et qui aurait été encor plus utile.
Gardez vous bien, madame, ◀d'▶être aussi difficile que le procureur du Roi du Chatelet. Je crois que cette Tragédie sera bientôt imprimée à Paris. On la jouera si les honnêtes gens le désirent fortement; leur voix dirige à la fin l'opinion des magistrats mêmes. Mes amis feront tout ce qu'ils pouront pour obtenir cette justice. Je vous mets à leur tête, madame, et je vous conjure ◀d'▶emploier pour mon jeune homme toute votre éloquence et toutes vos bontés.
Faittes vous lire la pièce par un bon récitateur ◀de▶ vers. Vous verrez aisément ◀de▶ quoi il s'agit, et vous viendrez à notre secours. Je vous le demande avec la plus vive instance.
Quant à l'histoire du parlement, c'est une rapsodie. Les derniers chapitres sont ◀d'▶un sot et ◀d'▶un ignorant qui ne sait ni le français, ni l'histoire.
Mon dernier chapitre à moi c'est ◀de▶ vous aimer très tendrement, et ◀de▶ souhaitter avec une passion malheureuse ◀de▶ vous voir et ◀de▶ vous entendre.
Adieu, madame, cette vie n'est pas semée ◀de roses.