(1775) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
/ 45
(1775) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Plusieurs circonstances Monsieur, m'ont fait différer de vous répondre; Je n'ay pu voir Mad. D'Enville aussitôt que je l'aurois voulu, et il falloit que Je sçûsse par elle à qui vous pourriés adresser ce que vous voulé bien m'envoyer; mr. de Maurepas consent que ce soit à luy, avec une seconde addresse à Md. D'Enville; et c'est à condition qu'il y aura trois exemplaires, un pour le ministre, un autre pour Mde D'Enville, et l'autre pour moy.
Il y a déjà beaucoup de personnes qui ont reçu votre ouvrage, indépendemment de la grand maman, à qui vous l'avés envoyé par la Poste. J'ignore par quelle voyes les autres l'ont reçus; mais il est singulier que D'Argental et moy ne l'ayons pas encore; vos anciens amis ne sont pas les mieux traités; mais pour les nouveaux s'ils ne sont pas contents, ils sont difficile à satisfaire. Tous ceux à qui vous prodiguez des louanges ont été vraisemblablement à Ferney vous rendre visites, car s'il suffisoit de la réputation vous n'auriés pas oublié de certaines personnes qui méritent autant vos Eloges.

Monsieur L'archevêque de Toulousehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250321_1key001cor/nts/001, Mr. de Beauveauhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250321_1key001cor/nts/002, ne pouvoient ils y prétendre? Je n'ay encore lû que vôtre Epître à mr d'Alembert et à cette omission près J'en suis fort contente.

Madame D'Enville me paroît s'occuper très sérieusement de vôtre protégé, Je ne doute pas que ce ne soit efficacement.

J'ay étée ravie de voir Mr. Dupuis; Je luy ay fait mille questions qui partoient toutes de ma tendre amitié pour vous; Je vois que nos santés sont assez semblables, ainsy que nos âges; il me serois bien doux, je ne sçaurois dire de vous voir, mais de vous entendre; quel plaisir j'aurois que vous entrassiés dans ma chambre sans que l'on vous annonça, et que Je vous reconnusse à vôtre son de voix! Je serois étonnée si dans une Conversation particulière Je ne vous reconnoissois pas aussy à vôtre goût, et à vos jugements, J'ajoute à vôtre vérité.

Lisez vous tous les mémoires dont nous sommes innondés? Jugés vous tous Les procès? J'attends avec impatience vôtre dom Pédre, et tout ce qui l'accompagne; on Loüe extrêmement un petit Ecrit sur La raison; La mienne s'accomode bien de la vôtre, Je voudrois toujours vous lire, et c'est le parti que je seray forcée de prendre; car malgré vos magnifiques Eloges, Je ne trouve ma félicité particulière que dans ce que vous faites.