(1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1774) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous me donnez, Madame, une rude commission.
Tout le monde fait aisément des noëls malins, parce que tout le monde les aime, mais on n'a jamais fait de noëls galants à la louange de personne, pas même à celle de la sainte famille, dont tous les chrétiens sont convenus de se moquer à la fin de Décembre.

Cependant, pour satisfaire à vôtre étrange empressement j'ai invoqué L'ombre de L'abbé Pellegrin. Tenez, voilà des couplets qu'elle vous envoie. Elle recommande de taire l'auteur, non pas, hélas! sur les yeux de votre tête, mais par toute l'amitié, par le tendre attachement que Le vieux Pellegrin à pour vous.

Noëls pour un soupé
Jesu dans sa cabane
Voiant venir Choiseul,
Malgré le bœuf et l'âne
Lui fesant grand accueil,
Dit, Je fais avec toi
Un pacte de famille;
Tu sçais garder ta foi;
Et moi
Je ne quitterai pas
Tes pas
Pour chercher une fille.
Quand Madame sa femme
Vint baiser le bambin,
Marie au fond de l'âme
Eut un peu de chagrin.
Cette bonne lui dit,
J'ai quelque jalousie.
Lorsque le saint esprit
Me prit,
Vous n'étiez donce pas là,
Là Là?
Il vous aurait choisie.
L'enfant dans L'écurie,
D'un œil peu satisfait,
Voiait Marthe et Marie,
Et sainte Elisabeth,
Et ses parents sans nom,
Et Joseph le beaupère;
Mais en voiant Grammon,
Poupon,
Tu criais, Cette là,
Papa,

Quand on aura chanté ces trois plats couplets, on poura chanter en chœur celui cy qui n'est pas moins plat.

Laissez paître vos bêtes
Vous messieurs qui ne l'êtes pas.
A nos petites fêtes
Ne vous ennuiez pas.
Vôtre chateau
Est grand et beau,
Mais à Paris
Toujours chéris,
Faut-il ailleurs
Gagner des cœurs!
Laissez paître vos bêtes,