(1774) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1774) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Que dites vous mon cher Voltaire?
Trouvez vous qu'il y ait assez de remüe ménage? La Roûe de la fortune tourne t'elle assez rapidement? Il faut espérer que ces changemens répondrons à l'attente et à la Joie du public. Vous connoissez mr Turgothttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/001; Je le voyois beaucoup autrefois, c'est un sage qui certainement voudra le bien, non pas à la manière de son prédécesseur, le bien d'autrui. Il a demandé qu'on séparât la surintendance des baptimens du contrôle générale et qu'on La donnât à mr Dangevilliershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/002 qui a déjà le Jardin du Roy. On dit beaucoup de bien de mr de Miromenilhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/003. Toute la besogne n'est pas finie, celle des parlemens n'est pas la plus petitte ni la moins embarassante; enfin c'est un règne nouveau. Mr de Maurepas termine bien sa carrière, il à positivement ’âge qu'avoit le cal de Fleuri quand il vint à la tête des affaires.

Mes amis voyent tout ces changemens avec beaucoup de tranquilité, ils ne quitteront leur campagne que dans le mois de décembre. J'attend leur retour avec impatience, et c'est le seul avantage que Je compte tirer de tout cecy, c'est le seul intérêt que J'y prend; Je regarde les ambitieux comme des foux et les plaçes qu'ils occuppent comme des rôles qu'ils Joüent bien ou mal. Je vois tout ce qui se passe du même œil que le verra La postérité; J'y vois Voltaire le seul bel esprit de ce siècle, qui auroit dût y servir de modèle, dicter les règles du bon goût, et qui par facilité à protégé ceux qui le détruisent; J'y vois un tas de philosophes, qui parcequ'ils ne croyent pas des fables se persuadent être fort Eclairés et devoir être législateurs, mais dont La vanité, L'orgueil et la sufisance décréditent leur morale. Je pense quelquefois à la croyance qu'on doit donner à l'histoire et à l'idée qu'elle veut donner des hommes dont elle parle; ils pourroient bien, peut être, avoir été semblables à ceux d'aujourd'huy; enfin, pendant notre vie nous sommes acteurs ou spectateurs. La toile baissera bientôt pour nous, vous pouvez y avoir du regret; pour moi, mon cher Voltaire Je n'y en auray point, J'ay trop vû le derrière des coulisses. Une seule chose pourroit attacher à la vie, ce seroient de véritables amis, et c'est ce qui n'existe point. A propos d'amis, mr de Lisle est toujours absent, il faut que J'y suplée en vous apprenant les nouvelles; Je suis moins informé de ce qui se passe qu'il ne le seroit s'il étoit ici; peu de mémoire et encore moins d'intérêt font que J'Ecoûte mal et que Je ne retient rien; mais voiez ce que Je sçait. Mr Turgot baloie toutes les ordures, il a chassé messrs de st Préhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/004, le Clerchttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/005, Dupuis, des Touches; un nommé mr de Vennehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/006, remplace le Clerc. Marin n'a plus la gazette, elle est donné à l'abbé Auberthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/007, faiseur de fable; Je me borne à vous dire ce qui est fait, et Je me tais sur ce qu'on dit qu'on fera, Les conjectures m'ennuyent, Je ne me prête guères à les Ecouter. Je suis présentement très tristement occuppée, mon plus ancien ami, le pauvre Pontdeveyle se meurthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/nts/008; c'étoit un sage à sa façon, il étoit heureux; sa maladie m'a donné occasion de renoüer avec Dargental. Vous serez souvent le sujet de nos conversations.

http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/txt/001En vérité mon cher Voltaire vous devriez m'aimer, personne ne sent plus que moi tout votre mérite, et ce n'est point la vanité et le désir de la célébrité qui m'attachent à vous, Je ne vise point à la gloire, et Je prise plus un sentiment de votre cœur, que les approbation, que la protection et les louanges que les beaux esprits veulent vous arracher. Vous direz que Je vous dis toujours du mal d'Eux. Je ne les hait point Je vous le Jure, mais Je leur sçait bien mauvais gré d'avoir brouillé toutes les têtes et d'avoir détruit Le goût. Si Je n'avois pas vos ouvrages qui m'enpêchent de m'Egarer Je ne sçay ce que Je deviendrois.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/txt/001

Que dites vous de la lettre du théologien? Plusieurs vous l'attribuent. Je ne suis pas de ce nombre.

http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/txt/001J'aime beaucoup l'Eloge que Suart fait de vous dans son discours; vous voyez que Je les loue quand ils font bien.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250118_1key001cor/txt/001