J'ay tardé à vous répondre mon cher Voltaire, parce que J'ay envoyé votre lettre à Chanteloup et que Je voulois pouvoir vous mander ce qu'on m'auroit répondu.
Voicy les▶ propres mots de ◀la▶ grand mamanhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/nts/001.
'Je ne sçay pas pourquoy mr de Voltaire s'imagine toujours ètre mal avec mr de Choiseul; Je ne puis vous dire sur cela que ce que Je vous ay toujours dit, que mr de Choiseul ne cesse de lire ses ouvrages et de ◀les▶ admirer avec tout ◀le▶ plaisir que cause Une admiration véritable. Vous pouvez assurer mr de Voltaire que mr de Choiseul a ressenty dans ◀le▶ tems et conservé depuis ◀la▶ même horreur que lui, des cruautés exercés sur messrs de ◀La▶ Barre et de Lally.'
http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/txt/001Elle me conseille ensuitte de vous raconter une petitte histoire. ◀La▶ voicy.
Un nouveau conseiller prenoit sa première scéance au parlement un Jour qu'on devoit Juger un procès. Quand on en vint aux opinions ◀L'▶usage étant que le dernier venû donne son avis le premier, le premier ◀président▶ lui dit: Qu'opinez vous monsieur? Moi monsieur? répondit il, Je ne qu'opine point, Je laisse mes anciens qu'opiner les premiers, quand ils auront qu'opinés Je qu'opineray à mon tour.
Convenez mon cher Voltaire, que voilà qui annonce un grand magistrat.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/txt/001
Je suis ravie que Vous ne m'ayez pas réduitte à ◀la▶ pension; comment pourrois-je me contenter de quatre Lettres par an? Je voudrois en recevoir 365. Réellement mon plus grand malheur (et ce malheur est si grand qu'il me rend malade) c'est de ne sçavoir absolument ce que Je peux lire, tout m'ennuy à ◀la▶ mort; ◀L'▶histoire, ◀la▶ morale, ◀les▶ Romans, ◀les▶ pièces de théâtre. Vous me direz, lisez moi; c'est assurément ce que Je fais, mais àforce de vous lire et de vous avoir lû je vous sçay presque par cœur. Je trouve tout fade ou Extravagant, ni gaité, ni Justesse, ni chaleur, des exagérations, des phrases. Peutêtre est ce un Effet de ◀la▶ viellesse; Je ◀le▶ croirois si Je ne retrouvois pas encore infiniment de plaisirs à lire vos lettres et ◀les▶ petittes pièces que vous nous donnez quelquefois. Réellement, mon cher Voltaire, ayez pitié de moi et transmettez moi quelques Etincelles de tout ◀le▶ feu que Vous conservez encore.
Je suis ravie que Vous ayez trouvé Joli ◀les▶ petits vershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/nts/002 que Je vous ay envoyé; ils sont de mr de Pezay; il s'étoit offert de me faire avoir ◀les▶ vers de ◀La▶ Harpe sur ◀l'▶édit du 31 may. Je ◀le▶ voyois pour la première fois, ◀Le▶ lendemain il m'envoya ces vers. Il y en a un qui nuit à leur perfection, c'est celuy cy,
Si ◀l'▶on pouvoit y en mettre un autre cela me feroit plaisirs. Nous sommes abimés d'odes, d'Eloges, de critiques, d'Epigrames. De ces dernières, il y en a quelques unes d'assez Jolieshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/nts/003.
Vous voudriez que Je vous mandasse des nouvelles, mais Je n'en sçay point, ◀les▶ grands Evénemens se sçavent partout presque au même instant qu'ils arrivent, et ◀les▶ petits détails sont presque toujours faux. De plus Je n'ay pas ◀le▶ talent des gazettes. Vous avez un correspondant admirable dans mr Delisle, persuadez vous qu'il est mon chancelier et que c'est à moi à qui vous devez adresser ◀les▶ réponses que vous lui faites.
On reçût avant hier à ◀l'▶accadémie un autre mr de Lillehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/nts/004, ◀Le▶ petit abbé. Je ◀le▶ connois un peu, il est fort aimable mais malgré cela Je suis bien persuadée que son discours est fort ennuyeux. Il a lû son Epitre sur ◀le▶ luxehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1250049_1key001cor/nts/005, Je ◀la▶ connois; on dit que ses vers sont fort audessus de sa prose. Cela ne fera peutêtre pas dire, tant mieux pour nos bosquets. Mais on dira, tant pis pour nos moissons.
Je soupçonne mon cher Voltaire que cette lettre n'a pas ◀le sens commun, mais elle m'a fait passer un quart d'heure à causer avec vous. Je voudrois que ce fût en réalité.