J’attendois d’être à Paris pour vous écrire; Je mettois ce plaisir en réserve pour me distraire du chagrin de quitter tout ce que J’aime le▶ mieux au monde; à ces mots seuls vous devriez reconnoitre ◀le▶ grand papa et ◀la▶ grand maman, quand vous n’auriez pas sçû ◀la▶ visitte que je leur ay rendû; elle a été de 5 semaines, et Je puis dire avec vérité qu’elle a été ◀le▶ tems ◀le▶ plus agréable de ma vie; Jamais Je ne ◀les▶ ay si bien connûs, Jamais leurs excelentes qualités n’ont été si à découvert.
◀Le▶ grand papa est sans ◀le▶ sçavoir et même sans s’en doûter, ◀le▶ plus parfait philosophe, il a trouvé en lui tout ◀les▶ goûts et tout ◀les▶ talents qui peuvent rendre sa situation supportables, et même for tagréables. Tout ◀les▶ soins de ◀la▶ campagne, ◀l’▶intéressent, ◀l’▶occupent et lui plaisent. ◀La▶ chasse, ◀l’▶agriculture, ◀les▶ trouppeaux, ◀La▶ pêche, tout se succède alternativement. Voilà ◀les▶ occupations du deh’ors. Dans ◀le▶ château il s’amuse de toutes sortes de Jeux, quelques lectures, d’excelentes conversations, enfin, il n’a pas un moment d’ennuy. Pour ◀la▶ grand maman, on ne peut en faire ◀l’▶Eloge, tout ce qu’on en diroit seroit fort audessous de ◀la▶ vérité et fort audelà de ◀la▶ vraisemblance; ajoutez à toutes ◀les▶ vertûs possibles un cœur sensible et tendre. Vous me demanderez comment J’ay pû me séparer de telles personnes? J’en ay eû ◀le▶ courage mon cher Voltaire, parceque quand on est vielle il faut être chés soi et ne pas s’enivrer du plaisir présent au point de perdre toute prévoyance de ◀l’▶avenir; si J’étois tombée malade, si J’y étois morte, quel embaras, Je puis même dire quel chagrin pour eux! Enfin J’ay eû ◀le▶ courage de quitter ce lieu charmant pour me retrouver dans ◀le▶ triste et ennuyeux désert de Paris. Je vous ay ◀l’▶obligation des bones moments que J’y ait eû Jusqu’à présent, mais cependant ce sont de nouveaux sujets de plainte à vous faire. Que dois-je penser de vos protestations d’amitié quand vous vous en tenez aux simples assurances sans y Joindre aucuns Effets. Vous ne m’envoyez plus rien. Je ne recevray point ◀l’▶excuse que vous ne sçavez comment me rien adresser; eh comment vous y prenez vous avec tant d’autres? En vous faisant ces reproches mon chagrin con’tre vous s’augmente, vous n’avez d’autre moyen de ◀l’▶appaiser qu’en changeant de conduite et en m’assurant promptement de votre repentir en réparant vos torts, et en me donnant de vos nouvelles. Les miennes sont fort bonnes, ◀le▶ voyage ne m’a point fatigué et ◀le▶ séjour m’avoit rajeuni.
Je suis fort en peine du baron de Gleichen. Je n’ay point entendû parler de lui depuis ◀la▶ lettre où il m’en demandoit une pour vous; si vous sçavez où il est et ce qu’il devient, vous me ferez plaisir de me ◀l’apprendre.