(1772) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
/ 20
(1772) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Prenez garde à la datte de cette Lettre et faites moi compliment du bonheur dont Je Jouis.
Je voudrois que vous le partageassiez avec moi, vous verriez ce que c’est que la philosophie pratique et vous laisseriez toute spéculation, vous vous en tiendriez à croire que le vrai bonheur est dans la paix de l’âme.

Je suis ici depuis le 18 de ce mois. Je compte y rester Jusqu’au 15 ou 20 de juinhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220394b_1key001cor/nts/001. J’y ai reçû la lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220394b_1key001cor/nts/002 où vous me dites avoir vû mr de Gleichen; Je compte que J’auray le plaisir de parler souvent de vous avec lui, c’est un homme que J’aime beaucoup. Il y a ici un de vos amis, mr de Sch’ombert qui est en grande relation avec vous à ce qu’il m’a dit. Nous nous sommes secondé l’un et l’autre pour rendre témoignage de vos sentimens pour les maitres de la maison, mais ils prétendent qu’ils n’en ont Jamais doûté; en vérité Je le crois; soyez donc tranquile; bannissez toute inquiétude; ils ne se permettent aucune correspondance, mais Je m’entremettray toujours avec plaisir entre vous et Eux. Je pourray recevoir encore ici de vos lettres. Si vous avez quelque nouvel ouvrage addressez les moi à Paris, on me les enverra ici, on a continuellement des occasions. La grand maman se porte à merveille, elle est aussi charmante que Jamais et plus heureuse qu’elle ne l’a Jamais été. Si J’étois moins vieille Je ne voudrois pas sortir d’ici, mais à mon âge il faut être chés soy, on se trouve déplacé partout ailleurs. Il faut bien que cela soit puisque Je résiste aux instances que l’on me fait pour me retenir et au plaisir que Je ressens d’être avec ce que J’estime et aime le plus au monde. Je suis bien sûre des regrets que J’auray en les quittant. J’auray peu d’espérance de les revoir, Je ne vivray pas assez pour Compter sur leur retour, et il ne sera plus question de voyage pour moi. Promettez moi la consolation de m’écrire souvent, ne traittons plus les grands sujets, ne cherchons plus les vérités introuvables, tenons nous en à celles de nos sentiments, aimez moi comme Je vous aime, voilà tout ce que Je désire.