(1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1772) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vraiment, Madame, je me suis souvenu que je connaissais votre Danoishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220389_1key001cor/nts/001; je l’avais vu, il y a longtemps, chez Madame de Bareith, mais ce n’était qu’en passant; je ne savais pas combien il était aimable.
Il m’a semblé que M. de Bernstorf, qui se connaissait en hommes, l’avait placé à Paris; & que ce pauvre Struenzée, qui ne se connaissait qu’en Reines, l’avait envoyé à Naples. Je ne crois pas qu’il ait beaucoup à attendre actuellement du Dannemarck, ni du reste du monde: sa santé est dans un état déplorable; il voyage avec deux Malades qu’il a trouvés en chemin. Je me suis mis en quatrième, & leur ai fait servir un plat de pilules à souper, après quoi je les ai envoyés chez Tissot, qui n’a jamais guéri personne, & qui est plus malade qu’eux, en faisant de petits livres de médecine.

Ce monde cy est plein, comme vous savés, de charlatans en médecine, en morale, en théologie, en politique, en philosophie. Ce que j’ai toujours aimé en vous, Madame, parmi plusieurs autres genres de mérites, c’est que vous n’êtes point charlantane. Vous avés de la bonne-foi dans vos goûts & dans vos dégoûts, dans vos opinions & dans vos doutes. Vous aimés la vérité, mais l’attrape qui peut. Je l’ai cherchée toute ma vie sans pouvoir la rencontrer; je n’ai apperçu que quelque lueur qu’on prenait pour elle. C’est ce qui fait que j’ai toujours donné la préférence au sentiment sur la raison.

Apropos de sentiment, je ne cesserai jamais de vous répéter ma profession de foi pour votre grand-maman. Je vous dirai toujours qu’indépendament de ma reconnaissance qui ne finira qu’avec moi, elle & son mari sont entièrement selon mon coeur.

N’avés-vous jamais vu la Carte du Tendre dans Cleliehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220389_1key001cor/nts/002? Je suis pour eux à Tendre sur enthousiasme, j’y resterai. Vous savés aussi, Madame, que je suis pour vous, depuis vingt ans, à Tendre sur Regrets. Vous savés quelle serait ma passion de causer avec vous; mais j’ai mis ma gloire à ne pas bouger; & voilà ce que vous devriés dire à votre grand-maman.

Adieu, Madame. Mes misères saluent les vôtres, avec tout l’attachement & toute l’amitié imaginables.

V.