Je vous écris, Madame, malgré le pitoiable état où mon grand âge, ma mauvaise santé et le climat dur où je me suis confiné, ont réduit mon corps et mon âme.
Un officier suisse qui part dans le moment veut bien se charger de▶ ma Lettre. Songez que vous m’aviez mandéhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220308b_1key001cor/nts/002 que vous alliez chez vôtre grand maman il y a près de six mois. J’ai cru toujours que vous y étiez. J’aprends que vous êtes à Paris. Vous m’aviez promis ◀de▶ me mettre aux pieds ◀de▶ vôtre grand maman et ◀de▶ son mari.
Je vous dis très sérieusement que je mourrai bientôt, mais que je mourrais ◀de▶ douleur si vôtre grand maman et son très respectable mari pouvaient soupçonner un moment que mon cœur n’est pas entièrement à eux. Je l’ai déclaré très nettement à un hommehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220308b_1key001cor/nts/003 considérable qui ne passe pas pour être ◀de▶ leurs amis. Je ne demande rien à personne, je n’attends rien ◀de▶ personne. Je repasse dans ma mémoire toutes les bontés dont vôtre grand-maman et son mari m’ont comblé. J’en parle tous les jours. Elles font encor la consolation ◀de▶ ma vie. J’ai autant ◀d’▶horreur pour l’ingratitude que pour les assassins du chevalier ◀de▶ La Barre et pour des bourgeois insolents qui voulaient être nos tirans. J’ai manifesté hautement tous ces sentiments, je ne me suis démenti en rien, et je ne me démentirai certainement pas; je n’ai ◀d’▶autre prétention dans ce monde que ◀de▶ satisfaire mon cœur. Je suis vôtre plus ancien ami. Vous vous êtes sovenue ◀de▶ moi dans ma retraitte; vôtre commerce ◀de▶ Lettres, la franchise ◀de▶ vôtre caractère, la beauté ◀de▶ vôtre esprit, et ◀de▶ vôtre imagination m’ont enchanté. Mon amitié n’est point éxigente, mais vous lui devez quelque chose; vous lui devez ◀de▶ me faire connaître aux deux personnes respectables qui ne me connaissent pas. Je ne leur écris point parce qu’on m’a dit qu’ils ne voulaient pas qu’on leur écrivit, et que d’ailleurs je ne sais comment m’y prendre. Mais vous avez des moiens, et vous pouvez vous en servir pour leur faire passer le contenu ◀de▶ ma Lettre. Je vous en conjure, Madame, par tout ce qu’il y a de plus sacré dans le monde, par l’amitié. Il m’est aussi impossible ◀de▶ les oublier que ◀de▶ ne vous pas aimer.
Je vous souhaitte toutes les consolations qui peuvent vous rendre la vie suportable. Je voudrais être avec vous à st Joseph dans l’apartement ◀de▶ Formont. J’y viendrais si je pouvais m’arracher à mes travaux ◀de▶ toute espèce, et à une partie ◀de▶ ma famille qui est avec moi. Consolez moi ◀d’▶être loin de vous en fesant hardiment ce que je vous demande.
Soiez bien persuadée, Madame, que vous n’avez pas dans le monde un homme plus attaché que moi, plus sensible à vôtre mérite, plus entousiaste ◀de▶ vous, ◀de▶ vôtre grand-maman et ◀de son mari.