(1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1771) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Dieu soit béni, Madame, vôtre grand-maman me rend justicehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220029b_1key001cor/nts/001, et vous me la rendez.
Je ne crains plus de déplaire à une âme aimable, juste et bienfaisante pour avoir élevé ma voix contre des êtres malfaisants et injustes, qui dans la société ont toujours été insuportables, et dans l’éxercice de leurs charges tantôt des assassins et tantôt des séditieux. Je suis dans un âge et dans une situation où je puis dire la vérité. Je l’ai ditte sans rien attendre de personne au monde; et soiez sûre que je ne demanderai jamais rien à personne, du moins pour moi; car je n’ai jusqu’icy demandé que pour les autres.

Si mr Walpole est à Paris, je vous prie de lui donner à lire la page 76 de la feuillehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220029b_1key001cor/nts/002 que je vous envoie. Il y est dit un petit mot de lui. J’ai regardé son sentiment comme une autorité, et ses expressions comme un modèle.

Cette feuille est détachée du septième tome des questions sur l’enciclopédie, que vous ne connaissez, ni ne voulez connaître. On a déjà fait quatrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220029b_1key001cor/nts/003 éditions des six premiers volumes, comme on a fait quatre éditions de ce grand Dictionnaire qui est à la Bastille. Il est en prison dans sa patrie; mais l’Europe est Enciclopédiste. Vous me répondrez comme une héroïne de Corneille à Flamminius,

Le monde sous vos loix? ah! vous me feriez peur
S’il ne s’en fallait pas l’Arménie et mon cœurhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1220029b_1key001cor/nts/004.

Ne confondez pas, je vous prie, l’or faux avec le véritable. Je vous abandonne tout l’alliage qu’on a mêlé à la bonne philosophie. Mais rendons justice à ceux qui nous ont donné du vrai et de l’utile. Soions ce que le parlement devrait être, équitable et sans esprit de parti.

Réunissons nous dans cette sainte religion qui consiste à vouloir être juste, et à ne voir (autant qu’on le peut) les choses que comme elles sont.

Si vous daignez vous faire lire la feuille que je vous envoie (laquelle n’est qu’une épreuve d’imprimeur) vous verrez qu’on y foule aux pieds tous les préjugés historiques.

Il y a d’autres articles sur le goût, tous remplis de traductions en vers des meilleurs morceaux de la poësie italienne et anglaise. Celà aurait pu vous amuser autrefois; mais vous avez traitté tout ce qui regarde l’enciclopédie comme vous avez traitté mon impératrice Catherine. Vous êtes devenue turque pour n’être pas de mon avis. Avouez du moins qu’on lit l’enciclopédie à Moscou, et que les flottes d’Arcangel sont dans les mers de la Grèce. Avouez que Catherine a humilié l’empire le plus formidable sans mettre aucun impôt sur ses sujets, tandis qu’après neuf ans de paix on nous prend nos rescriptions sans nous rembourser, et qu’on accable d’un dixième le revenu de la veuve et de l’orphelin.

A propos de justice, Madame, vous souvenez vous de quatre épîtres sur la loi naturelle? Je vous en parle, parce qu’un prélat étranger étant venu chez moi m’a dit que nonseulement il les avait traduites, mais qu’il les prêchait. Je lui ai répondu que maître Pâquier, l’oracle du parlement, les avait fait brûler par le boureau de son parlement. Il m’a promis de faire brûler Pâquier si jamais il passe par ses terres.