(1771) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1771) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Non, non, Je ne haït point La Philosophie, mais j’estime peu, ceux qui n’en ont que le masque, sous lequel ils cachent L’orgueil, et L’insolence; Vous n’aimez pas plus que moy les paradoxes, les raisonnement ennuyeux, le stile froid, fade, ou déclamatoire; prenez vous en à vous, si je suis devenüe difficile.
Me soupçonnez vous, de lire tous les Ecrits dont nous sommes inondés? Pour me forcer à les lire, on me dit qu’il y en a de vous; Je les parcourt; Je ne vous reconnoit dans aucuns; et je les jette tous au feu.

Je Bény le Ciel de mon incapacité; elle me dispense de m’occupper de tout ce qui ce passe; Je suis sourde et mûette, ce qui Joint à l’aveuglement, me rend comme vous pouvez juger d’une agréable société.

Ah s’est bien moi mon cher Voltaire, qui regrette de ne vous point voir; mais si vous Etiés icy, Je n’y gagnerois rien; vous me préféreriez vos nouvelles connoissances; Vous avez beau dire, Dieu fait tout pour le mieux; La fable de Jupiter et du Métaÿerhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210400_1key001cor/nts/002, est une de mes favorites. Apropos de fables? connoissés vous celles de Mr de Nivernoishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210400_1key001cor/nts/003? J’en ai entendue qui m’ont parûe Jolies; Vous à t’on envoyé la Rivalité de l’Angleterre et de la Francehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1210400_1key001cor/nts/004, par Mr Gaillard? Dites m’en vôtre avis.

Adieu, Je vous quitte, pour Ecrire à la grand maman; Je lui envoye vôtre lettre; Elle luy confirmera la continuation de vos sentiments pour elle, et pour son mary; Ils méritent l’un et l’autre l’estime et l’attachement du public; et surtout de vous et de moy; c’est là ce qui fonde le plus nôtre fraternité.