(1770) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1770) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Si je ne vous ay pas Ecrit plûtôt, c'est que J'attendois toujours que la grand maman, me dicta quelques choses pour vous; Je l'en ay pressée, mais elle est dans une paresse d'esprit, dont on ne peut la tirer; elle s'en rapporte à moy pour vous dire, tout ce qu'elle pense pour vous; Je seray donc son indigne interprette mais J'auray le mérite de vous dire la vérité, en vous assurant que ses sentimens ne se bornent point à l'admiration et à l'estime, qu'elle y joint une très véritable amitié; elle voudroit vous satisfaire sur toutes les choses que vous désiré, et nommément sur votre affaire de st Claude; elle trouve la cause que vous deffandé très juste; mais elle ne peut vous secondez que par ses représentations et ses sollicitations; elle est aussy reconnoissante et aussy contante que moy, des Cahiers que vous nous envoyé, et nous vous prions de continuer; Je seray encore du tems sans revoir cette grand maman; elle ne reviendra que le dixsept ou le dixhuit de Juillet; et peu de jours après, elle partira pour Compiegne; La vie se passe en abscence, on est toujours, entre le souvenir et l'espérance; on ne jouïs Jamais; si du moins on pouvois dormir, ce ne seroit que demy mal; dormez vous, mon cher Voltaire?
Ce seroit pour vous, un tems bien mal employé; il n'y faut donner que le pur nécessaire pour vôtre santé; employez tout le reste à instruire, à éclairer, et surtout à amûser la grand maman et sa petitefille; pour moy qui ne dort point, Je m'occupe souvent les nuits à repasser tous les vers que J'ay retenüe; vos Epitres au Roy de Prusse, au Maréchalhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200281_1key001cor/nts/001 de Villars, au Président, &c. ont souvent la préférence; pourquoy ne feriez vous pas une jolie Epitrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200281_1key001cor/nts/002 pour la grand maman? Le sujet ne vous laisseroit pas manquer d'idées.

Mr. de st Lambert, fut reçu hier à L'académie; il récita le second chant d'un poëme qu'il fait sur le génie; il faut en avoir beaucoup, pour rendre ce sujet piquant. Vôtre article des anciens, et des Modernes, m'a fait très grand plaisir; vous êtes judicieux, vous avez toujours raison, et jamais, non jamais, vous n'êtes ni faux n'y fatigant n'y froid.

Vous sçavez que le grand Papa a achetez Toutes vos montres; vous êtes très bien avec lui; Il ira le neuf du mois prochain chercher la grand Maman, pour la rammener le dixsept ou le dixhuit. Je voudrois bien qu'il y eût un terme où j'aurois l'assurance de vous revoir, mais J'ay bien peur mon cher Voltaire, que nous n'ayons d'autre rendez vous qu'au champs Elisées; nous n'aurons rien à changer à nos figures, elles se trouverons en les conservant tels qu'elles sont, à l'unisson des ombres; mais J'espère que la mienne verra la vôtre; ainsy loin de rien perdre, Je compte gagner beaucoup.

Bon jour, a Dieu, donnez moy de vos nouvelles.

Je vous envoye une lettre, Je ne sçait pas de qui; Je crois cependant que c'est un homme qui vous estime beaucoup, et qui désire que vous l'estimiés; il en sera ce qu'il vous plaira, mais il vous prie de m'adresser la réponse que vous lui ferez, il l'enverra chercher chés moi.