Si je ne vous ay pas Ecrit plûtôt, c'est que J'attendois toujours que la grand maman, me dicta quelques choses pour vous; Je l'en ay pressée, mais elle est dans une paresse d'esprit, dont on ne peut la tirer; elle s'en rapporte à moy pour vous dire, tout ce qu'elle pense pour vous; Je seray donc son indigne interprette mais J'auray le mérite de vous dire la vérité, en vous assurant que ses sentimens ne se bornent point à l'admiration et à l'estime, qu'elle y joint une très véritable amitié; elle voudroit vous satisfaire sur toutes les choses que vous désiré, et nommément sur votre affaire de st Claude; elle trouve la cause que vous deffandé très juste; mais elle ne peut vous secondez que par ses représentations et ses sollicitations; elle est aussy reconnoissante et aussy contante que moy, des Cahiers que vous nous envoyé, et nous vous prions de continuer; Je seray encore du tems sans revoir cette grand maman; elle ne reviendra que le dixsept ou le dixhuit de Juillet; et peu de jours après, elle partira pour Compiegne; La vie se passe en abscence, on est toujours, entre le souvenir et l'espérance; on ne jouïs Jamais; si du moins on pouvois dormir, ce ne seroit que demy mal; dormez vous, mon cher Voltaire?
Ce seroit pour vous, un tems bien mal employé; il n'y faut donner que le pur nécessaire pour vôtre santé; employez tout le reste à instruire, à éclairer, et surtout à amûser la grand maman et sa petitefille; pour moy qui ne dort point, Je m'occupe souvent les nuits à repasser tous les vers que J'ay retenüe; vos Epitres au Roy de Prusse, au Maréchalhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200281_1key001cor/nts/001 de Villars, au Président, &c. ont souvent la préférence; pourquoy ne feriez vous pas une jolie Epitrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1200281_1key001cor/nts/002 pour la grand maman? Le sujet ne vous laisseroit pas manquer d'idées.
Mr. de st Lambert, fut reçu hier à L'académie; il récita le second chant d'un poëme qu'il fait sur le génie; il faut en avoir beaucoup, pour rendre ce sujet piquant. Vôtre article des anciens, et des Modernes, m'a fait très grand plaisir; vous êtes judicieux, vous avez toujours raison, et jamais, non jamais, vous n'êtes ni faux n'y fatigant n'y froid.
Vous sçavez que le grand Papa a achetez Toutes vos montres; vous êtes très bien avec lui; Il ira le neuf du mois prochain chercher la grand Maman, pour la rammener le dixsept ou le dixhuit. Je voudrois bien qu'il y eût un terme où j'aurois l'assurance de vous revoir, mais J'ay bien peur mon cher Voltaire, que nous n'ayons d'autre rendez vous qu'au champs Elisées; nous n'aurons rien à changer à nos figures, elles se trouverons en les conservant tels qu'elles sont, à l'unisson des ombres; mais J'espère que la mienne verra la vôtre; ainsy loin de rien perdre, Je compte gagner beaucoup.
Bon jour, a Dieu, donnez moy de vos nouvelles.
Je vous envoye une lettre, Je ne sçait pas de qui; Je crois cependant que c'est un homme qui vous estime beaucoup, et qui désire que vous l'estimiés; il en sera ce qu'il vous plaira, mais il vous prie de m'adresser la réponse que vous lui ferez, il l'enverra chercher chés moi.