(1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Vous avez beau dire Monsieur, vous ne me persuaderez Jamais, que ce qui produit de si mauvais ouvrages, et qui introduit un si détestable goût soit un établissement bon et utile; pourquoy inçiter les gens à parler quand ils n'ont rien à dire?
et a t'on quelques choses à dire quand on n'a n'y pensée n'y idées? Que l'académie se borne à traiter de la grammaire, à enseigner les règles, mais qu'elle ne donne point de sujets à traiter, qu'elle ne donne point d'entraves au génie, que les prix qu'elle a à distribuer soient pour les auteurs des bons ouvrages donnés aux publics; qu'on suivent en cela la méthode des Angloishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/nts/001. Enfin Monsieur, Je ne puis souffrir qu'on encourage les gens sans talents; ayez, ayez la sévérité et la fermeté de Despréaux, elles vous conviennent encore mieux qu'à luy; réformez vôtre maison; vous y avez trop de bouches, et de langues inutiles; vôtre livrée est trop nombreuse; contentéz vous d'Etre magnifique et dédaignez le faste.

Quoi? pensez vous sérieusement que ma voix puisse se faire entendre, et que Je puisse vous être utile pour faire représenter vos Guebres? Jamais le gouvernement n'y consentira; Contenté vous de l'impression; vos Guebres sont dans les mains de tout le monde, et si vous Connoissiés nos Acteurs, vous verriés Combien ils vous sont inutiles; Ils n'ajoutent aucuns prestiges, à ce qu'ils représentent, tout au contraire, ils font voir le derrière des coulisses, et sentir tous les deffauts; vous ne pouvez être retenu par cette considération, J'en convient; mais Monsieur, vous voulés Etablir la tollerance, vous avez raison; Je voudrois que vous fussiés le premier à en ressentir les effets; pour y parvenir, prêchez la d'exemple, Contenté vous d'avoir montré la vérité, et laissé y tourner le dos à ceux qui ne la veulent point voir; vous avez tout dit; tenez vous en à ne vous pas dédire; et ne mettez point de nouveau obstacles à la chose du monde que je désire le plus, et sur laquelle J'ai eû une Conversation avec Madame Denishttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/nts/002, dont elle vous rendra Compte.

Votre Correspondance avec ma grand maman Gargantua me ravit; elle vous répond à ce qu'il y a de sollide, c'est ce qui doit luy appartenir; pour moy je ne suis que pour le frivole, Je ne vois point dans l'histoire des souliershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190251_1key001cor/txt/001, l'Etablissemens des Manufactures, Je n'y vois qu'un très beau sujet de conte de fées, qui pouroit surpasser Cendrillon; Voilà Monsieur, les progrès de mon esprit et de ma raison qui au bout de soixante et mille ans que J'ay vécû me mettent à Côté des enfans de quatre ans; ah! Je ne suis qu'une petite fille, mais J'ay une charmante grand maman, Il faut l'adorer Monsieur, et moy m'amuser et m'aimer toujours.