(1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1769) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Ah, monsieur de Voltaire, il me prend un désir auquel Je ne puis résister; c'est de vous demander à main Jointe de faire un Eloge, un discours (comme vous voudrez l'appeller dans la tournure que vous voudrez lui donner), sur notre Moliere.
L'on me lût hier l'Ecrit qui a remporté le prix à L'académiehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190186_1key001cor/nts/001; on l'approuve, on le loüe fort injustement à mon avis. Je n'entend rien à la critique raisonnée, ainsy Je n'entreray point en détail sur ce qui m'a choqué et déplû; Je vous diray seulement que le stile accadémique m'est en horreur, que Je trouve absurde toutes les dissertations, tous les préceptes, que nous donnent nos beaux Esprits d'aujourd'huy sur le goût et sur les talents, comme si l'on pouvoit supléer au génie. Je prêcheray votre tolérance, Je vous le promet, Je m'y engage si vous m'accordez d'être intollerant sur le faux goût et sur le faux bel esprit qui établit aujourd'huy sa tirannie; donnez un moment de relâche à votre zèle sur l'objet où vous avez eû tant de succés, et arrêtez le progrès de l'erreur dans l'objet qui m'intéresse bien davantage.

J'ay enfin lû l'histoire des parlemens; il se peut bien que le second volume ne soit pas de la même main que le premier, mais mon cher ami, Je vois avec plaisir que vous pouvez avoir un successeur; ce jeune auteur ne vous fera point oublier, tout au contraire, vous avez fait en lui un disciple qui fera souvenir de vous.

Votre corespondance avec la grand maman me charme; avouez qu'elle a de l'esprit comme un ange. Si Je n'étois pas Exempte de toute prétentions Je ne vous Ecrirois plus sachant que vous recevez de ses lettres; mais Je ne prétend qu'à un seul mérite auprès de vous, c'est de vous admirer et aimer plus que qui que ce soit.