Ah, monsieur de Voltaire, il me prend un désir auquel Je ne puis résister; c'est de vous demander à main Jointe de faire un Eloge, un discours (comme vous voudrez l'appeller dans la tournure que vous voudrez lui donner), sur notre Moliere.
L'on me lût hier l'Ecrit qui a remporté le prix à L'académiehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1190186_1key001cor/nts/001; on l'approuve, on le loüe fort injustement à mon avis. Je n'entend rien à la critique raisonnée, ainsy Je n'entreray point en détail sur ce qui m'a choqué et déplû; Je vous diray seulement que le stile accadémique m'est en horreur, que Je trouve absurde toutes les dissertations, tous les préceptes, que nous donnent nos beaux Esprits d'aujourd'huy sur le goût▶ et sur les talents, comme si l'on pouvoit supléer au génie. Je prêcheray votre tolérance, Je vous le promet, Je m'y engage si vous m'accordez d'être intollerant sur le faux ◀goût et sur le faux bel esprit qui établit aujourd'huy sa tirannie; donnez un moment de relâche à votre zèle sur l'objet où vous avez eû tant de succés, et arrêtez le progrès de l'erreur dans l'objet qui m'intéresse bien davantage.
J'ay enfin lû l'histoire des parlemens; il se peut bien que le second volume ne soit pas de la même main que le premier, mais mon cher ami, Je vois avec plaisir que vous pouvez avoir un successeur; ce jeune auteur ne vous fera point oublier, tout au contraire, vous avez fait en lui un disciple qui fera souvenir de vous.
Votre corespondance avec la grand maman me charme; avouez qu'elle a de l'esprit comme un ange. Si Je n'étois pas Exempte de toute prétentions Je ne vous Ecrirois plus sachant que vous recevez de ses lettres; mais Je ne prétend qu'à un seul mérite auprès de vous, c'est de vous admirer et aimer plus que qui que ce soit.