(1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1769) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

On ne peut être plus sensible que je le suis, Monsieur, à la bonté prévenante que vous avez, de me faire rendre les bois que j'ai achetés, et qui sont pour moi de la nécessité la plus pressante, comme vous le verrez par la déclaration que j'ai l'honneur de vous envoier.

Je vois que nous n'avons plus d'autre ressource que la franche comté, grâce à l'inéxécution des loix qui ont vainement prohibé les transports de bois de charpente du païs de Gex à Genêve. Nonseulement on devrait empêcher tout transport de bois à bâtir, mais encor celui de chaufage.

Il fut permis il y a trente ans de porter le bois de chaufage à Genêve sur la prétendue réquisition des états, parce qu'alors quelques personnes qui avaient entrée aux états avaient du bois à vendre; mais dans l'extrémité où nous allons être réduits cette faible raison ne doit plus subsister, tout doit céder à l'intérêt public. On verra que si la ville de Versoi est bâtie, il sera impossible de la faire subsister une seule année. Le bois de chaufage coûtera plus de deux Louïs la voiture, et le comestible sera au poids de l'or.

Je ne doute pas, Monsieur, que dans l'occasion vous ne fassiez les représentations les plus fortes à Mr Le Duc de Choiseul sur un objet si important. Pour moi je suis si accablé de ma vieillesse et de mes maladies que je suis devenu absolument inutile. Je n'ai plus de force que pour vous remercier de vos bontés. J'ai l'honneur de présenter mes respects à Madame De Caire, et d'être avec les mêmes sentiments, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Oserais-je vous suplier, Monsieur, de vouloir bien essaier d'un piqueur d'ouvriers qui s'appelle Barbera? Il est le mari d'une femme qui est à moi. Je vous réponds de sa conduite et de sa fidélité. C'est le porteur de cette Lettre.

J'achetai au mois de Janvier par le nommée Landry, charpentier demeurant à Ferney, mille pièces de bois de charpente tant petites que grandes et deux cent douzaines de planches avec vingt quatre douzaines de plataux, pour les bâtiments que je fais construire au Chatelard et qui doivent être prêts pour la récolte.

Le marché étant conclu à Mijoux avec les frères Janins et Claude Joseph, forestiers demeurants à la Combe de Mijoux, je paiai quarante Louïs d'or d'avance.

J'en donnai la déclaration à monsieur Fabri qui mit au bas, bon pour le passage.

Ce bon, n'est valable que pour cinq mois et je n'aurais pas le tems de bâtir les granges et écuries nécessaires, si on empêchait mes bois de me parvenir; ma récolte serait entièrement perdue.

En foi de quoi j'ai signé au château de Ferney ce 21e Mars au soir 1769

Voltaire