Je viens de recevoir une lettre de mad. La D. de Choiseul, malgré ses ordres Je vous l'envoye; Je n'ay garde de lui obéïr en réduisant sa lettre à un Extrait de ma façon, ce seroit une profanation envers elle et un vol manifeste que je vous ferois.
J'ay fait mon possible pour l'engager à vous Ecrire directement, Je n'ay pû l'y déterminer, vous verrez les raisons qui l'en empêchent; Jugez combien elles me font sentir ma témérité; mais J'éprouve que plus la distance est grande plus la crainte diminue. Un moucheron n'a point de peur de la main qui peut l'Ecraser.
Je fis partir hier votre admirable lettre pour mr Walpole, mad. La D. de Choiseul m'avoit encouragée à prendre la liberté de la lire, J'avois bien envie de pousser la témérité plus loin et de ne l'envoyer qu'après en avoir tiré une copie, mais Je ne voulus pas retarder d'une poste le plaisir qu'en recevroit mr Walpole. Je doûte monsieur qu'il entre en liçe avec vous, son respect, son amour pour son compatriote doivent être satisfaits; J'imagine qu'il n'aura d'autres désirs à présent que de vous marquer son admiration et combien il est touché de l'extrême politesse avec laquelle vous avez répondû à sa franchise; il y a long tems que je connoit tout ce qu'il pense pour vous, et c'est une conformité que nous avons ensemble qui est un des plus forts liens de notre amitié.
Vous verrez monsieur dans la lettre de mad. La D. de Choiseul, que vous pouvez lui adresser tous les jolis et charmants ouvrages qui tombent si souvent entre vos mains.
Adieu mon cher et ancien ami, ayez plus de confiance en moi et vous ne serez plus embarassé de m'Ecrire.