La Lettre au Docteur Pansophe, Madame, est de l'abbé Coyer.
J'en suis très certain, nonseulement parce que ceux qui en sont certains me l'ont assuré, mais parce qu'aiant été au commencement de l'année en Angleterre, il n'y a que lui qui puisse connaître les noms anglais qui sont cités dans cette Lettre. Je connais d'ailleurs son stile; en un mot, je suis sûr de mon fait. Il est fort mal à lui qui se dit mon ami, de s'être servi de mon nom, et de feindre que j'écris une Lettre à Jean Jaques quand je dis qu'il y a sept ans que je ne lui ai écrit. Je me ferais sans doute honneur de cette Lettre au docteur Pansophe si elle était de moi. Il y a des choses charmantes et de la meilleure plaisanterie; il y a pourtant des longueurs, des répétitions, et quelques endroits un peu louches.
Il faut avouer en général que le ton de la plaisanterie est de toutes les clefs de la musique française celle qui se chante le plus aisément. On doit être sûr du succez quand on se moque guaiement de son prochain, et je m'étonne qu'il y ait à présent si peu de bons plaisants dans un païs où l'on tourne tout en raillerie. Pour moi je vous assure, Madame, que je n'ai point du tout songé à railler quand j'ai écrit à David Hume; c'est une Lettre que je lui ai réellement envoiée; elle a été écritte au courant de la plume. Je n'avais que des faits et des dates à lui apprendre. Il fallait absolument me justifier des calomnies dont ce fou de Jean Jaques m'avait chargé. C'est un méchant fou que ce Jean Jaques. Il est un peu calomniateur de son métier. Il ment avec des distinctions de Jesuïte, et avec l'impudence d'un Janséniste. http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1150096c_1key001cor/txt/001Il a mis le trouble par tout où il a été. C'est un chien basset qui abboie et qui mord. Je le crois descendu en droite ligne d'un accouplement du chien de Diogène avec une des couleuvres de la discorde. Il faut être aussi léger qu'on l'est en France pour avoir été quelque temps la dupe de ce misérable.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1150096c_1key001cor/txt/001
Connaissez vous, madame, un petit abrégé de l'histoire de l'Eglise orné d'une préface du Roi de Prusse? Il parle en homme qui est à la tête de cent quarante mille vainqueurs, et s'exprime avec plus de fierté et de mépris que L'Empereur Julien. Quoi qu'il verse le sang humain dans les batailles il a été cruellement indigné de celui qu'on a répandu dans Abbeville. L'assassinat juridique des Calas, et le meurtre du chevalier de La Barre n'ont pas fait honneur aux Welches dans les païs étrangers. Vôtre nation est partagée en deux espèces, l'une de singes oisifs qui se moquent de tout, et l'autre de Tigres qui déchirent. Plus la raison fait de progrès d'un côté, et plus de l'autre le fanatisme grince des dents. Je suis quelquefois profondément attristé, et puis je me console en faisant mes tours de singe sur la corde. Pour vous, Madame, qui n'êtes ni de l'espèce des singes ni de l'espèce des Tigres et qui vous consolez au coin de vôtre feu avec des amis dignes de vous, de toutes les horreurs et de toutes les folies de ce monde, prolongez en paix votre carrière. Je fais mille vœux pour vous et pour Mr Le Président Hainaut.
Mille tendres respects.