(1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1766) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Rien n'est si vray.
Je ne peux avoir de plaisir que par vous; Je finis dans L'instant La Lecture de vos lettreshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1150083_1key001cor/nts/002 à Mr Hume et à J. Jacques; elles sont mille fois plus agréables que ne l'ont été les provinciales, pour le plus passionnés Jansenistes; comment est il possible que le bon ton, que le bon Goût, se perdent dans un siècle où on à Voltaire? C'est pourtant ce qui arrive; L'on reçoit tout d'une voix de l'académie, et comme par acclamation un mr. Thomas pour remplacer il est vray un mr. Hardyon; quels beaux discours, quels beaux Eloges cela nous annonce; comprenez vous que la prétentions au bel esprit puisse résoudre des Gens à Ecrire et à lire des choses aussy ennuyeuse? Ah! Monsieur de Voltaire croyez moy, abandonné le fanatisme;http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1150083_1key001cor/txt/002 vous l'avez attaqué par tous les bouts, vous en avez sapez les fondements; il est infaillible qu'il sera bientôt renversé; tenez vous en là; que pouriés vous dire de plus? Ceux qui ont du bon sens n'ont pas été difficiles à persuader; et ce n'est que le charme de vôtre stile qui leurs fait trouver aujourd'huy du plaisir dans ce que vous Ecrivés sur cette matière; car le fond de cette matière ne les intéresse pas plus que la mythologie des anciens.

Rien n'est plus plaisant, comme J'en étois là de ma lettre Je reçois la vôtre du 8 avec Vos lettres à mrs Hûme et à Jean Jacques; Je vous en fais mille remerciemens, et Je suis reconnoissante de ce présent autant qu'il le mérite; Je vous ay dit tout le plaisir que J'ay eû, ainsy Je reprens où J'en étoit. Laissez donc là les prestres et tout ce qui s'ensuit, travaillez à rétablir le bon goût; délivrez nous de la fausse Eloquence, donnez des préceptes puisque Votre Exemple ne sufit pas; prenez les rênes de Votre empire; et chassez de Votre ministère ceux qui abusent de l'autorité que Vous leur avez donné, et qui sans connoissance du monde, sans bienscéance, sans égards, sans politesse, sans grâces, sans agrément, sans vertus, sans morale, se font dictateur et Jugent en souverains (bien ou mal), du bien et du mal. C'est vous qui les avez créé, imitez celui en qui vous croyez, repentez vous de votre ouvragehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1150083_1key001cor/nts/003.

Ne pensez pas que Je me porte mieux que Vous, mais Je ne suis pas asséz malade pour prévoir une fin prochaine, je vivray trop long tems si je dois survivre à mes amis, Je ferai tout vos compliment au président; sa santé n'est pas trop bonne, je lui porteray ce soir vos lettres qui le charmerons, elles réussiront en Angleterre J'en suis bien sûre. Y a t'il un lieu sur terre où l'on puisse ne pas sentir le charme de vos Ecrits, et comment n'êtes vous pas la pierre de touche pour apprendre à juger ceux des autres?

Oh pour cela Je ne peux pas m'empêcher de rire de l'espérance que vous avez que mad. de Luxembourg va être bien persuadée de vos bons procédés pour J. Jacques. Je me suis bien gardée de lui parler de cette insensé tracasserie, Je n'ay point voulu m'y mesler et Je trouve que mr Hume auroit bien fait de ne pas laisser imprimer cette impertinente histoire. Du moins il auroit dû en faire supprimer le commancement et la fin; oh pour la fin vous conviendrez que le ton en est important pour ne pas dire insolent.

Adieu mon cher et ancien ami, le seul orthodoxe de bon goût et le seul en qui Je crois et que Je reverre.

P. S. Je m'apperçois dans le moment que vous ne m'envoyéz point Votre lettre à J. Jacques, Vous avez eû tort, mais heureusement je l'avois.

Je viens de relire les deux lettres; il n'i a pas sous le ciel une plus grande étourdie. Je ne m'étois point apperçue que vous Jurez que la lettre à J. Jacques n'est pas de vous; Je devrois recommancer ma lettre, mais je n'en feray rien. Je me contente de rétracter ce que J'ay dit sur la perte du goût. Je trouve que vous avez de bons imitateurs; et quoique je sçusse à la seconde lecture que cette lettre n'étoit pas de vous, Je ne l'en ay pas trouvée moins bonne, dites moi si J'ay tort.