(1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je vous Ecrivis l'autre jours quatre mots, je satisfaisoit mon impatience en me hâtant de vous indiquer un moyen de m'envoyer ce que Je désirois.
J'ay bien peur que vous n'ayez pas reçû ma lettre avant le départ de mad. de Jaucourt. Je ne suis heureuse en rien et vous êtes accoutumé à me tout refuser, mais de tout vos refus, celui qui me surprend le plus, c'est le compliment au président sur la mort de Mr Dargenson.

Je vous mandois qu'il en recevoit de tout le monde, que le Défunt lui avoit fait un legs, enfin vous n'ignoriez pas quelle étoit leur liaison et L'ancienneté de leur connoissance? Qu'importe que vous Eussiez dût des complimens à mr Dargenson en cas pareille? Vous n'étiez pas autant de ses amis que vous l'êtes du président et puis vous lui auriez dût un compliment, n'eusse été que pour honorer la mémoire du président, lui donner des témoignages de regret, d'estime et d'amitié. C'est avec répugnance que Je me prête à une telle supposition, mais monsieur vous m'affligez par la conduitte que vous avez avec mon meilleur ami, et qui en vérité devroit être le vôtre. Il n'i a point de marque de considération et d'estime que vous n'ayez reçû de lui, nous ne cessons l'un et l'autre de parler de vous et nous ne trouvons réciproquement personne qui sente aussi bien que nous le mérite et l'agrément de tout ce que vous avez fait. J'évite actuellement de lui parler de vous, je détourne la conversation qui pourroit y amener pour Eviter l'embarras où je serois de vous Excuser. Je crois mais Je n'en suis pas sûre, qu'il vous a envoyé son estampe. Je lui en ay vû l'intention, mais apparament vous ne l'avez pas encore reçüe. Je le détournerai de vous L'envoyer je vous assure si vous ne réparez pas vos torts. Expliquez moi votre conduitte, et, croyez moi ne perdez pas volontairement L'amitié du plus ancien, du plus aimable et du plus sincère de vos amis. Vous n'aurez que cela de moi aujourd'huy. Un autre Jour nous philosophrons.