(1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1764) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vous me faittes une peine extrème, Madame, car vos tristes idées ne sont pas seulement du raisonnerhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/nts/002, c'est de la sensation.
Je conviens avec vous que le néant http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/003vaut, généralement parlant, beaucoup mieux que la vie, le néant a du bon; consolons nous, nous en tâterons. Il est bien clairhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/003 que nous serons après nôtre mort ce que nous étions avant de naître, mais pour les deux ou trois minutes de nôtre existence qu'en ferons nous? Nous sommeshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/004 de petites roues de la grande machine, de petits animaux à deux pieds, et à deux mains comme les singes, moins agiles qu'eux, aussi comiques, et aiant une mesure d'idées plus grande. Nous http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/005obéissons tous au mouvement général imprimé parhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/005 la nature, nous ne nous donnons rien, nous recevons tout, nous ne sommes pas plus les maîtres de nos idées que de la circulation du sang dans nos veines. Chaque être, chaque manière d'être obéïthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/006 nécessairement à la loi généralehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/007. Il est ridiculehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/008 et impossible que l'homme se donnâthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/009 quelque chose, quand la foule des astres ne se donne rien, http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/010et que nous fussions libres (dans le sens des théologiens)http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/010 quand l'univers est esclave.

Voilà une bellehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/011 chienne de condition! direz vous. Je soufre, je me débats contre mon éxistence que je maudis et que j'aime; je hais la vie et la mort; qui me consolera, qui me soutiendra? La nature entière est impuissante à me soulager.

Voicyhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/012, Madame, ce que j'imagine pour remêde. Il n'a dépendu ni de vous ni de moi de perdre les yeuxhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/nts/003, d'être privés de nos amis, d'être dans la situation où nous sommes. Toutes vos privations, tous vos sentiments, toutes vos idées sont des choses absolument nécessaires. Vous ne pouviez vous empêcher de m'écrire la très philosophique et très triste Lettre que j'ai reçue de vous; et moi je vous écris nécessairement que le courage, la résignation aux loix de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir nôble de se sentir d'une autre nature que les sots, l'exercice de la faculté de penser sont des consolations véritables.

Cette idée que j'étais destiné à vous représenter rapelle nécessairement dans vous vôtre philosophie. Je deviens un instrument qui en affermit un autre, par lequel je serai raffermi à mon tour. Heureuses les machines qui peuvent s'aider mutuellement!

Votre machine est une des meilleures de ce monde; n'est-il pas vrai que s'il vous fallait choisir entre la lumière et la pensée vous ne balanceriez pas, et que vous préféreriez les yeux de l'âme à ceux du corps? J'ai toujours désiré que vous dictassiez la manière dont vous voiez les choses, et que vous m'en fissiez part, car vous voiez très bien, et vous peignez de même.

http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/013Dites moi, je vous prie, Madame, vôtre critique de ma critique sur un endroit des Horaces, cela vous amusera et m'éclairera. C'est une consolation de mettre son esprit sur le papier; confiez moi tout ce qui vous passe par la tête.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/013

J'écris rarement, parce que je suis agriculteur. Vous ne vous doutez pas de ce mêtier là, c'est pourtant celui de nos premiers pêres. J'ai été toujours accablé d'occupations http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/014qui m'angloutissaienthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/014 tous mes moments, mais les plus agréables sont ceux où je reçois de vos nouvelles, et où je peux vous dire combien vôtre âme plait à la mienne, et à quel point je vous regrette. Ma santé devient tous les jours plus mauvaise, tout le monde n'est pas comme Fontenelle. Allons, Madame, courage, trainons nôtre lien jusqu'au bout. http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/015Soyez bien persuadée du véritable intérêt que mon cœur prend à vous, et de mon très tendre respect.

Je suis très aise que rien ne soit changé pour les personnes auxquelles vous vous intéressez. Voilà un conseiller du parlement intendant des financeshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/nts/004; il n'y en avait point d'exemple, les finances vont être gouvernées en forme. L'état qui a été aussi malade que vous et moi reprendra sa santé.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110386b_1key001cor/txt/016