(1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire
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(1764) Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand to Voltaire

Je me reproche tous les Jours, monsieur, de n'avoir point l'honneur de vous écrire; sçavez vous ce qui m'en Empêche?
c'est que je m'en trouve indigne. Votre dernière lettrehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/nts/001 m'a ravie, mais elle m'a ôté le courage d'y répondre. Qu'il est heureux d'être avec un grand esprit et de grands talents, et qu'on est à plaindre quand ce que l'on en a ne fait qu'empêcher de végéter. Voilà la classe où je me trouve et où je suis en grande compagnie; la seule diférence, qu'il y a de moi à mes confrères, c'est qu'ils sont content d'eux, et que je suis bien Eloigné de l'être d'Eux et encore moins de moi.

Votre lettre est charmante, tout le monde m'en demande des copies; vous me consolez presque d'être aveugle; mais monsieur, vous n'êtes point de notre confrairie. J'ay beaucoup interrogé m. Le duc de Villars. Vous jouissez de tous vos cinq sens comme à 30 ans, et surtout de ce sixième dont vous me parlez qui fait votre bonheur mais qui fait le malheur de bien d'autres.

J'ay lû vos quatre contes dont vous ne m'avez envoyé que le premier. L'Education d'une fille et Macare sont imprimés, ainsy je les ay. Mais je n'ay pû parvenir à avoir les trois manières. C'est bien mal à vous monsieur de n'accorder vos faveurs qu'à demi: J'aime Théonehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/nts/002 à la folie, c'est un bijoux; Egléehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/nts/002 est fort aimable; pour Apamissehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/nts/002 je la trouve un peu sérieuse; Je n'ay lû ce dernier conte qu'une fois et je n'ay pû en obtenir de copie. On dit qu'il ne sera point imprimé avant que vous n'ayez fait un nombre de contes sufisans pour en faire un volume. Ne me distinguerez vous point du public?

Nous sommes ici dans de grandes allarmes. Mad. de Pompadour est très maladehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/nts/003; Je ne fermerai ma lettre qu'après avoir eû de ses nouvelles.

J'aimerais bien mieux être aux Délices que d'être à Choisy, c'est aux Délices que Macarre habite, et où s'il étoit possible J'irois bien volontiers le chercher. Vos lettres me le font entrevoir, et je ne le trouve que dans ce que vous Ecrivez. Envoyez le moi donc souvent par la poste et que je l'apperçoive quelque momenthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/txt/001.

Adieu monsieur, Je vous prie d'être persuadé qu'il n'i à que vous que J'adore, tous le reste sont des faux dieux.

Les dernières nouvelles de mad. de Pompadour sont fort bonnes, mais elle n'est point encore hors d'affaire; je serois très fâché qu'il en arrivoit malheurs, et ce pourrait bien en être un plus grand que l'on ne pense.http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1110267_1key001cor/nts/004