J'ay eu La visite de madame Denis, de monsieur et de madame Dupuits. Jugez monsieur du plaisir que j'ay eu à parler de vous. Je les ay accablé de questions, de votre santé, de la vie que vous meniez, de la façon dont j'étois avec vous, si vous pensiez à me donner votre statue ou votre buste. J'ay été Contente de leurs Réponse; votre santé est bonne, vous ne vous ennuyez point, et vous décorerez mon Cabinet; souffrez à présent que je vous interroge. Pourquoy vous êtes vous séparé de votre compagnie? Je n'ay point été contente des Raisons qu'on m'en a donnéz. Comment à nos âges peut on Renoncer à des habitudes? Ce n'est point par une vaine curiosité que je vous prie de m'informer de vos motifs, mais par L'intérest véritable que je prend à vous; oui monsieur de Voltaire, rien n'est si vray, je suis et seray toujours La meilleure de vos amis. Il y a cinquante ans que je vous connois et par conséquent que je vous admire, cette admiration ne fait que croistre et s'embellir, par la comparaison de vous à vos contemporains destinez à être vos successeurs. Je bénis le ciel d'être aussy vieille, il n'y a plus de plaisir à vivre, on n'entend plus que des Lieux communs, ou des extravagances. Si j'étois plus jeune j'irois vous voir et je m'acomoderois fort bien d'être en tier entre vous et le père Adam; mais comme cela ne se peut pas je vous Renouvelle la demande que je vous ay faitte de m'envoyer toutes vos nouvelles productions. Vous pouvez compter sur ma fidélité, je n'ay jamais donné copie de vos lettres ni de ce que vous m'avez envoyé. Je les ay montréz à fort peu de personnes et si il y en a eu une d'imprimée ce fut un certain monsieur Turgot que je ne vois plus qui a une mémoire diabolique qui me joua le tour.
La princesse de Babylonehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170214_1key001cor/nts/001, paroist à ce qu'on m'a dit, et encore d'autres petits ouvrages. Envoyez moy tout cela je vous conjure, sous l'adresse de monsieur ou de madame de Choiseul. J'ay leurs consentements. Il faut que je vous avoüe monsieur une grande inquiétude que j'ay. Vous aimez si fort votre Catherine qu'il pourroit bien vous passer par la tête de L'aller trouver, et ce seroit une grande folie. http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170214_1key001cor/txt/001Ne la voyez jamais que par le thélescopehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170214_1key001cor/nts/002 de votre imagination, faites nous un beau roman de son histoire, Rendez La aussy intéressante que la Semiramis de votre tragédie, mais Laissez toujours entre elle et vous la distance des Lieux à la place de celle du tempshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1170214_1key001cor/txt/001; si vous avez à voyager venez au bord de la Seine, dans ma cellule, ce me seroit un grand plaisir de vous embrasser et de passer mes derniers jours avec vous.