(1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1760) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Si vous aviez voulu madame avoir le pauvre diable et le Russe à Paris et autres drogues, vous m'auriez donné vos ordres, vous auriez du moins accusé la réception de mes paquets.
Vous ne m'avez point répondu, et vous vous plaignez. J'ay mandé à votre ami que vous êtes assez comme les personnes de votre sexe qui font des agaceries et qui plantent là les gens après les avoir subjuguez.

Il faut vous mettre un peu au fait de la guerre des rats et des grenouilles. Elle est plus sérieuse que vous ne pensez. Lefranc de Pompignan a voulu succéder à M. le p. Henaut dans la charge de surintendant de la reine et être encor sous précepteur ou précepteur des enfans de France, ou mettre son frère l'évêque dans ce poste. Ce Moyse et cet Aaron pour se rendre plus dignes des faveurs de la cour, ont fait ce beau discours à l'académie qui leur a valu les siflets de tout Paris. Leur projet était d'armer le gouvernement contre tous ceux qu'ils accusent d'être philosophes, de me faire exclure de l'académie, de faire élire à ma place l'évêque du Puihttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050465_1key001cor/nts/001 et de purifier ainsi le sanctuaire profané. Je n'ay fait que rire, par ce que Dieu merci, je ris de tout. Je n'ay dit qu'un mot, et ce mot a fait éclore vingt brochures, parmi les quelles il y en a quelques unes de bonnes et baucoup de mauvaises.

Pendant ce temps là est arrivé le scandale de La comédiehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050465_1key001cor/txt/001 des philosophes. Madame de Robec a eu le malheur de protéger cette pièce et de la faire jouer. Cette malheureuse démarche a empoisoné ses derniers jours. On m'a mandé que vous vous étiez jointe à elle; cette nouvelle m'a fort affligé. Si vous êtes coupable avouez le moy et je vous donnerai l'absolution.

Si vous voulez vous amuser lisez le pauvre diable et le russe à Paris. J'imagine que le russe vous plaira davantage par ce qu'il est sur un ton plus noble.

Vous lisez les ordures de Fréron. C'est une preuve que vous aimez la lecture, mais cela prouve aussi que vous ne haissez pas les combats des rats et des grenouilles.

Vous dites que la plus part des gens de lettres sont peu aimables et vous avez raison. Il faut être homme du monde avant d'être homme de lettres. Voylà le mérite du président Henaut. On ne devinerait pas qu'il a travaillé comme un bénédictin.

Vous me demandez comment il faut faire pour vous amuser? Il faut venir chez moy. On y joue des pièces nouvelles. On y rit des sottises de Paris et Tronchin guérit les gens quand on a trop mangé. Mais vous vous donnerez bien de garde madame de venir sur les bords de mon lac, vous n'êtes pas encor assez philosophe, assez détachée, assez détrompée. Cependant vous avez un grand courage puisque vous supportez votre état, mais j'ay peur que vous n'ayez pas le courage de supporter les gens et les choses qui vous ennuient. Je vous plains, je vous aime, je vous respecte, et je me moque de l'univershttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1050465_1key001cor/nts/002à qui Pompignan parle.

V.