◀Les▶ fleurs que je jette, Madame, sur ◀le▶ tombeau de nôtre ami Formont, sont sèches et fanées comme moi. ◀Le▶ talent s'en va, ◀l'▶âge détruit tout; que pouriez vous attendre d'un campagnard qui ne sçait plus que planter et semer dans ◀la▶ saison? J'ai conservé de ◀la▶ sensibilité, c'est tout ce qui me reste, et ce reste est pour vous, mais je n'écris guères que dans ◀les▶ occasions.
Que vous dirais je du fonds de mes retraittes? Vous ne me manderiez aucune nouvelle de ◀la▶ roüe de fortune sur ◀la▶ quelle tournent nos ministres du haut en bas, ni des sottises publiques, ni des particulières. ◀Les▶ lettres qui étaient autrefois ◀la▶ peinture du cœur, ◀la▶ consolation de ◀l'▶absence, et ◀le▶ langage de ◀la▶ vérité, ne sont plus que de tristes et vains témoignages de ◀la▶ crainte qu'on a d'en trop dire, et de ◀la▶ contrainte de ◀l'▶Esprit. On tremble de laisser échaper un mot qui peut être mal interprêté; on ne peut plus penser par ◀la▶ postehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1030338_1key001cor/nts/001; je n'écris point au ◀Président▶ Hénaut; mais je lui souhaitte comme à vous une vie longue et saine. Je dois la mienne au parti que j'ai pris. Si j'osais, je me croirais sage, tant je suis heureux. Je n'ai vécû que du jour où j'ai choisi ma retraitte. Tout autre genre de vie me serait insuportable. Paris vous est nécessaire; et il me serait mortel. Il faut que chacun reste dans son élément. Je suis très fâché que le mien soit incompatible avec le vôtre; et c'est assurément ma seule affliction. Vous avez voulû aussi éssaïer de ◀la▶ campagne, mais elle ne vous convenait pas. Il vous faut une société de gens aimables, comme il fallait à Rameau des connaisseurs en musique. ◀Le▶ goût de ◀la▶ propriété et du travail est d'ailleurs absolument nécessaire dans des terres. J'ai de très vastes possessions que je cultive. Je fais plus de cas de votre apartement que de mes bléds et de mes pâturages; mais ma destinée était de finir entre un semoir, des vaches et des Genevois. Ces genevois ont tous une raison cultivée, et ils sont si raisonnables qu'ils viennent chez moi, et qu'ils trouvent bon que je n'aille jamais chez eux. On ne peut, à moins d'être ◀La▶ Poplinière, vivre plus commodément; voilà ma vie, Madame, telle que vous ◀l'▶avez dévinée, tranquile et occupée, opulente et philosophique, et surtout entièrement Libre; elle vous est absolumenthttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1030338_1key001cor/txt/002 consacrée dans ◀le▶ fond de mon coeur, avec ◀le▶ respect ◀le▶ plus tendre, et ◀l'▶attachement ◀le plus inviolable.