(1734) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
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(1734) Voltaire to Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Vraiment madame quand j'eus l'honneur de vous écrire, et de vous prier d'engager vos amis à parler à Monsieur de Maurepas ce n'étoit pas de peur qu'il ne me fit du mal, c'étoit afin qu'il me fit du bien.
Je le priois comme mon bon ange, mais monhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870023_1key001cor/txt/001 mauvais ange par malheur est baucoup plus puissant que luy. N'admirez vous pas madame tous les baux discours qu'on tient à l'égard de ces scandaleuses lettres? madame la duchesse du Maine est elle bien fâchée que j'aye mis Newton au dessus de Descartes? et comment me la duchesse de Villarshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870023_1key001cor/nts/001 qui aime tant les idées innées trouvera t'elle la hardiesse que j'ay eüe de traiter ses idées innéeshttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870023_1key001cor/txt/002 de chimère? Mais si vous voulez vous réjouir parlez un peu de mon brûlablehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870023_1key001cor/nts/002 livre à quelque janseniste. Si j'avois écrit qu'il n'y a point de dieu, ces messieurs auroient baucoup espéré de ma conversion, mais depuis que j'ay dit que Pascal s'étoit trompé quelquefois, que fatal laurier, bel astre, merveille de nos jours ne sont pas des bautez poétiques, comme Pascal l'a cruhttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870023_1key001cor/nts/003, qu'il n'est pas absolument démontré qu'il faut croire la relligion, par ce qu'elle est obscure, qu'il ne faut point jouer l'existence de dieu à croix ou à pile, enfin depuis que j'ay dit ces absurdités impies, il n'y a point d'honnête janseniste qui ne voulût me brûler dans ce monde cy et dans l'autre. De vous dire madame qui sont les plus fous, des jansenistes, des molinistes, des anglicans, des quakers, cela est bien difficile, mais il est certain que je suis baucoup plus fou qu'eux de leur avoir dit des véritez qui ne leur feront nul bien, et qui me feront grand tort. J'étois à Londres quand j'écrivis tout cela, et les Anglois qui voioient mon manuscript me trouvaient bien modéré. Je comptois sortir de France pour jamais quand je donnoy la malheureuse permission il y a deux ans à Tiriot d'imprimer ces bagatelles. J'ay bien changé d'avis depuis ce temps là, et malheureusement, ces lettres paraissent en France lors que j'ay le plus d'envie d'y rester. Si je ne reviens point madame, soyez sûre que vous serez à la tête des personnes que je regreteray. Si vous voyez mr le président Henaut, dites luy bien je vous prie qu'il parle fort et souvent à mr Rouillé. Quand il ne seroit à portée de me rendre aucun bon office, votre suffrage, et le sien me suffiroient contre la fureur des dévots et contre les lettres de cachéehttp://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF0870023_1key001cor/nts/004. Si vous vouliez m'honorer de votre souvenir écrivez chez moy à Paris vis à vis st Gervais. Les lettres me seront rendues. Ayez la bonté de mettre une petite marque comme deux DD, par exemple; afin que je reconnoisse vos lettres. Je ne devrois pas me méprendre au stile, mais quelque fois on fait des qui pro quo.

V . . .