Une des jeunes fées, qui se trouva auprés d’elle, l’entendit, et, jugeant qu’elle pourroit donner quelque fâcheux don à la petite princesse, alla, dés qu’on fut sorti de table, se cacher derriere la tapisserie, afin de parler la derniere, et de pouvoir réparer, autant qu’il luy seroit possible, le mal que la vieille aurait fait. […] Il se trouva que la Barbe-Bleuë n’avoit point d’heritiers, et qu’ainsi sa femme demeura maistresse de tous ses biens. […] Une fée, qui se trouva à sa naissance, asseura qu’il ne laisseroit pas d’estre aimable, parce qu’il auroit beaucoup d’esprit : elle ajoûta même qu’il pourroit, en vertu du don qu’elle venoit de luy faire, donner autant d’esprit qu’il en auroit à la personne qu’il aimeroit le mieux. […] Cela mortifia beaucoup la reine ; mais elle eut, quelques momens aprés, un bien plus grand chagrin, car la seconde fille dont elle accoucha se trouva extrémement laide. […] Elle n’eut pas plustost promis à Riquet à la Houppe qu’elle l’épouseroit dans un an à pareil jour qu’elle se sentit tout autre qu’elle n’estoit auparavant : elle se trouva une facilité incroyable à dire tout ce qui luy plaisoit, et à le dire d’une maniere fine, aisée et naturelle.