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2. (1697) Histoires ou Contes du temps passé

En passant dans un bois, elle rencontra compere le Loup, qui eut bien envie de la manger, mais il n’osa, à cause de quelques bucherons qui estoient dans la forest. […] Le Chat, ravi de voir que son dessein commençoit à réussir, prit les devants, et, ayant rencontré des paysans qui fauchoient un pré, il leur dit : « Bonnes gens qui fauchez, si vous ne dites au roy que le pré que vous fauchez appartient à monsieur le marquis de Carabas, vous serez tous hachez menu comme chair à pasté. » Le roy ne manqua pas à demander aux faucheurs à qui estoit ce pré qu’ils fauchoient : « C’est à monsieur le marquis de Carabas », dirent-ils tous ensemble : car la menace du Chat leur avoit fait peur. […] — Vous voyez, Sire, répondit le marquis : c’est un pré qui ne manque point de rapporter abondament toutes les années. » Le maistre Chat, qui alloit toûjours devant, rencontra des moissonneurs et leur dit : « Bonnes gens qui moissonnez, si vous ne dites que tous ces blez appartiennent à monsieur le marquis de Carabas, vous serez tous hachez menu comme chair à pasté. » Le roy, qui passa un moment aprés, voulut sçavoir à qui appartenoient tous les blés qu’il voyoit. […] Le fils du roi, qui revenoit de la chasse, la rencontra, et, la voyant si belle, luy demanda ce qu’elle faisoit là toute seule et ce qu’elle avoit à pleurer. […] Ravi de la rencontrer ainsi toute seule, il l’aborde avec tout le respect et toute la politesse imaginable.

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