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2. (1697) Histoires ou Contes du temps passé

Le prince ne sçavoit qu’en croire, lors qu’un vieux paysan prit la parole et luy dit : « Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j’ay ouï dire à mon pere qu’il y avoit dans ce chasteau une princesse, la plus belle du monde ; qu’elle y devoit dormir cent ans, et qu’elle serait réveillée par le fils d’un roy, à qui elle estoit reservée. » Le jeune prince, à ce discours, se sentit tout de feu ; il crut, sans balancer, qu’il mettroit fin à une si belle avanture, et, poussé par l’amour et par la gloire, il résolut de voir sur le champ ce qui en estoit. […] Il ne laissa pas de continuer son chemin : un prince jeune et amoureux est toûjours vaillant. […] Ils dormirent peu : la princesse n’en avoit pas grand besoin, et le prince la quitta, dès le matin, pour retourner à la ville, où son pere devait estre en peine de luy. […] Elle n’eut pas fait trente pas, en continuant sa promenade, que Riquet à la Houppe se presenta à elle, brave, magnifique, et comme un prince qui va se marier. […] Le roy, ayant sçû que sa fille avait beaucoup d’estime pour Riquet à la Houppe, qu’il connoissoit d’ailleurs pour un prince tres-spirituel et tres-sage, le receut avec plaisir pour son gendre.

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