Mais, comme chacun prenoit sa place à table, on vit entrer une vieille fée, qu’on n’avait point priée, parce qu’il y avait plus de cinquante ans qu’elle n’estoit sortie d’une tour, et qu’on la croyoit morte ou enchantée. […] Il le porta à sa femme, qui le cacha avec la petite Aurore, et donna, à la place du petit Jour, un petit chevreau fort tendre, que l’ogresse trouva admirablement bon. […] « Non, non, Madame, lui répondit le pauvre maistre d’hôtel tout attendri, vous ne mourrez point, et vous ne laisserez pas d’aller revoir vos chers enfans ; mais ce sera chez moy, où je les ay cachez, et je tromperay encore la reine, en luy faisant manger une jeune biche en vostre place. » Il la mena aussitost à sa chambre, où, la laissant embrasser ses enfans et pleurer avec eux, il alla accommoder une biche, que la reine mangea à son soupé, avec le même appetit que si c’eut esté la jeune reine. […] Hé bien, Madame, vous y entrerez, et irez prendre votre place auprés des dames que vous y avez veuës. » Elle se jetta aux pieds de son mari en pleurant, et en luy demandant pardon, avec toutes les marques d’un vrai repentir, de n’avoir pas esté obëissante. […] Le Fils du Roi la mit à la place la plus honorable, & enſuite la prit pour la mener danſer : elle dança avec tant de grace, qu’on l’admira encore davantage.