C’estoit un silence affreux : l’image de la mort s’y presentoit par tout, et ce n’estoit que des corps étendus d’hommes et d’animaux qui paroissoient morts. […] Mais, par malheur, cet homme avoit la barbe bleuë : cela le rendoit si laid et si terrible qu’il n’estoit ni femme ni fille qui ne s’enfuit de devant luy. […] Elles n’en vouloient point toutes deux, et se le renvoyoient l’une à l’autre, ne pouvant se resoudre à prendre un homme qui eut la barbe bleuë. […] — Je le croy, dit la princesse, et assurément, si j’avois affaire à un brutal, à un homme sans esprit, je me trouverois bien embarassée. « Une princesse n’a que sa parole, me diroit-il, et il faut que vous m’épousiez, puisque vous me l’avez promis. » Mais, comme celuy à qui je parle est l’homme du monde qui a le plus d’esprit, je suis seure qu’il entendra raison. […] — Si cela est ainsi, reprit Riquet à la Houppe, je vais estre heureux, puisque vous pouvez me rendre le plus aimable de tous les hommes.