/ 2
2. (1697) Histoires ou Contes du temps passé

Cependant tout le palais s’estoit réveillé avec la princesse : chacun songeoit à faire sa charge ; et, comme ils n’estoient pas tous amoureux, ils mouroient de faim. […] Un soir que ces enfans estoient couchés, et que le Bucheron estoit auprés du feu avec sa femme, il luy dit, le cœur serré de douleur : Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourir nos enfans ; je ne sçaurois les voir mourir de faim devant mes yeux, et je suis resolu de les mener perdre demain au bois, ce qui sera bien aisé, car, tandis qu’ils s’amuseront à fagoter, nous n’avons qu’à nous enfuir sans qu’ils nous voyent. […] Cependant, ayant consideré quelle douleur ce luy seroit de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant. […] Dans le moment que le Bucheron et la Bucheronne arriverent chez eux, le Seigneur du Vilage leur envoya dix écus qu’il leur devoit il y avoit long-tems, et dont ils n’esperoient plus rien: Cela leur redonna la vie, car les pauvres gens mouroient de faim. […] Elle courut viste leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant, que je suis aise de vous revoir mes chers enfants, vous estes bien las, et vous avez bien faim ; et toy Pierrot comme te voylà crotté, vien que je te débarboüille.

/ 2