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2. (1697) Histoires ou Contes du temps passé

Elle toucha de sa baguette tout ce qui estoit dans ce chasteau (hors le roi et la reine) : gouvernantes, filles-d’honneur, femmes-de-chambre, gentils-hommes, officiers, maistres d’hostel, cuisiniers, marmitons, galopins, gardes, suisses, pages, valets de pied ; elle toucha aussi tous les chevaux qui estoient dans les Ecuries, avec les palefreniers, les gros mâtins de basse-cour, et la petite Pouffe, petite chienne de la princesse, qui estoit auprés d’elle sur son lit. […] Ils estoient là, et les bourreaux se preparoient à les jetter dans la cuve, lorsque le roi, qu’on n’attendoit pas si tost, entra dans la cour, à cheval : il estoit venu, en poste et demanda, tout estonné, ce que vouloit dire cet horrible spectacle. […] Enſuite, elle alla regarder dans ſa ſouriſſiere, où elle trouva ſix ſouris toutes en vie ; elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la ſouriſſiere, & à chaque ſouris qui ſortoit, elle luy donnoit un coup de ſa baguette, & la ſouris eſtoit auſſi-toſt changée en un beau cheval ; ce qui fit un bel attelage de ſix chevaux d’un beau gris de ſouris pommelé : Comme elle eſtoit en peine de quoy elle ferait un Cocher, je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a point quelque rat dans la ratiere ; nous en ferons un Cocher : Tu as raiſon, dit ſa Maraine, va voir : Cendrillon lui apporta la ratiere, où il y avoit trois gros rats. […] Quand elle fut ainſi parée, elle monta en caroſſe ; mais ſa Maraine luy recommanda, ſur toutes choſes, de ne pas paſſer minuit, l’avertiſſant que, ſi elle demeuroit au bal un moment davantage, ſon caroſſe redeviendroit citroüille, ſes chevaux des ſourils, ſes laquais des lezards, et que ſes vieux habits reprendroient leur première forme.

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